Roméo et Juliette, opéra de Pascal Dusapin

24 juillet 1989
04m 40s
Réf. 01084

Notice

Résumé :

Interviewé à l'occasion d'une représentation de son opéra Roméo et Juliette au Festival d'Avignon en 1989, peu de temps après la création de cette œuvre au Festival de Radio-France à Montpellier, Pascal Dusapin dit vouloir donner du plaisir au public. Suivent quelques images du spectacle.

Date de diffusion :
24 juillet 1989
Source :
FR3 (Collection: Avignon )

Éclairage

Elève d'Olivier Messiaen et de Iannis Xenakis, Pascal Dusapin a très tôt ressenti le besoin de composer des opéras. Le premier d'entre eux, Roméo et Juliette, a été composé entre 1985 et 1988, par le compositeur alors trentenaire, sur un texte du dramaturge Olivier Cadiot, de la même génération. Leur ouvrage commun est créé le 10 juillet 1989 au Festival de Radio France à Montpellier, et quelques représentations au Festival d'Avignon en sont données juste après.

L'œuvre, commandée pour célébrer le bicentenaire de la Révolution française en 1989, s'articule en deux parties, avant et après la Révolution. Le couple central est lui-même dédoublé : Roméo 1 se distingue de Roméo 2, de la même manière que Juliette 1 et Juliette 2. Dans cette œuvre, Dusapin met en scène un comédien-meneur de jeu appelé Bill (diminutif de William Shakespeare), qui a la clarinette comme double instrumental. Autour de lui, les quatre solistes vocaux sont confrontés à un quatuor de solistes, un chœur à quatre voix et un orchestre. Dans une parfaite unité de temps et de lieu, en l'espace d'une journée, Roméo et Juliette vont vouloir s'aimer et faire la révolution. Le compositeur déploie alors une batterie de mots français et anglais, dans une sorte de récitatif foisonnant et rapide qui aboutit à la conclusion que la parole est vouée à l'échec - comme le sont l'amour et la révolution.

Ce premier opéra de Dusapin est parti en tournée à sa création, et il a bénéficié d'une nouvelle production en 2008 à l'Opéra-Comique de Paris. S'il n'est pas le premier à se pencher sur le mythe des amants de Vérone, il est celui qui prend le plus de liberté avec la pièce originale de Shakespeare dont ne demeurent ici que le foisonnement tragi-comique et les noms des deux protagonistes. Après cette première expérience lyrique, Dusapin devait revenir à l'opéra à six reprises avec Medeamaterial (1992), To be sung (1994), Perelà (2002), Faustus, The Last Night (2006) et Passion (2008).

Alain Perroux

Transcription

Journaliste
Un opéra, c’est pour un certain type de public qui a une idée de, à la limite, est-ce que un public qui va voir un opéra, c’est celui qui va voir ce que vous faites, le public d’opéra devant ça ?
Pascal Dusapin
Moi, j’ai envie de leur donner du plaisir, à ces gens. Même s’ils ne connaissent pas, c’est, je n’ai pas du tout envie de les, je ne suis pas contre eux, j’ai envie de leur proposer un produit qu’ils ne connaissent pas. Et en même temps, je pense qu’il y a suffisamment de musique à l’intérieur pour que les amateurs de musique, même s’ils ne sont pas des spécialistes de la musique contemporaine, soient éventuellement séduits.
Journaliste
Quand vous parlez de musique contemporaine, ça veut dire quelle…
Pascal Dusapin
Ah, ça c’est très ennuyeux, ce terme.
Journaliste
C’est vous qui avez commencé.
Pascal Dusapin
Oui, oui, je sais, je n’aurais pas dû, j’ai fait une erreur. La musique contemporaine, je décline toute responsabilité quant à la terminologie. Je ne suis pas responsable, ça veut dire musique symphonique en fait. C’est comme ça que répertorie la SACEM les gens comme moi. Musique contemporaine, ça veut dire la musique classique qui continue mais qui ne sonne plus pareil quoi. Je ne sais pas, quelque chose comme ça.
Journaliste
Et c’est là que vous êtes ?
Pascal Dusapin
Oui, malgré moi, malgré moi. Ce n’est pas que je n’aime pas mes collègues, pas du tout, j’en aime énormément. Mais c’est vrai que je n’aime pas la terminologie musique contemporaine.
Journaliste
Il y a des gens dont on sait ce qu’ils ont fait comme étude musicale, il y a des générations. On sait qu’ils ont été chez Messiaen à une époque, qu’ils ont fait ça, Leibowitz, Messiaen, il y a des trajectoires.
Pascal Dusapin
Oui moi, ma biographie est très ennuyeuse, elle n’est pas du tout intéressante. Seulement une chose que j’aime préserver, c’était mon rapport avec Xenakis. J’étais étudiant avec lui de 74 à 78. Et c’est du reste une assez belle expérience puisqu’il n’était pas mon professeur, ce qui était pratique. C’est-à-dire que je l’écoutais, il était maître de conférence à l’université et c’est vraiment mon seul maître, oui. C’est quelqu’un que j’aime infiniment et qui m’a formé sans le savoir sur deux ou trois points fondamentaux.
Journaliste
Qu’est-ce qu’il y a comme chose que vous écoutez ?
Pascal Dusapin
Ah oui, alors je suis quelqu’un de profondément classique, même si je suis un amateur de jazz assez éclairé pour un compositeur de musique contemporaine, j’ose le dire, mais je suis donc quelqu’un de tradition classique. Alors, tout simplement ce que je peux vous dire, c’est qu’est-ce que j’écoute en ce moment.
Journaliste
Oui.
Pascal Dusapin
Donc, ce que j’écoute depuis quelques années, c’est toute la musique polyphonique, toute la musique de la Renaissance, le Grégorien, Gesualdo, Monteverdi, la musique du haut Moyen-Âge, toutes ces musiques-là me passionnent énormément. Et d’ailleurs dans l’opéra, il y a tout un passage, un quatuor vocal qui est conçu à partir de certaies schèmes rythmiques de cette époque-là.
Journaliste
Vous y trouvez quoi, une richesse, une liberté qui ont un peu…
Pascal Dusapin
Une liberté fantastique, quand on étudie la musique du XIIe, XIIIe siècle, on s’aperçoit qu’il y a de quoi vraiment rigoler sur l’idée de la confusion qu’on se fait au XXe siècle. Ou quand on nous dit, mais maintenant, il y a autant de compositeurs que de techniques alors qu’à cette époque-là, en Italie du Nord par exemple, il y avait un compositeur avec une structure cérébrale et un rapport à la musique totalement différent de celui qui habitait trente kilomètres plus loin. Donc, c’était une musique d’une richesse folle, presque anarchique, mais qui a donné de purs joyaux, enfin vraiment. Alors à l’intérieur de ça évidemment, je peux écouter Brahms et Sibelius et tout ça.
(Musique)
Journaliste
Vous referez, entre guillemets, des opéras ?
Pascal Dusapin
J’ai commencé un deuxième. Ça sera alors un Roméo et Juliette 2 , et il y a un Roméo et Juliette 3 , qu'on fait avec Olivier. C’est un projet en triptyque en fait. Peut-être qu’on n’aura pas la force de le terminer, mais en tout cas c’est commencé.