Josef Nadj dans Asobu

10 juillet 2006
01m 53s
Réf. 00899

Notice

Résumé :

Artiste-associé du festival d'Avignon 2006, le chorégraphe Josef Nadj a investi la Cour d'honneur du Palais des Papes avec Asobu, un spectacle inspiré par le peintre Henri Michaux. Ce reportage articule des images de la pièce, assorties de commentaires du chorégraphe et de Vincent Baudriller, directeur de la manifestation.

Date de diffusion :
10 juillet 2006
Source :
FR3 (Collection: Soir 3 journal )

Éclairage

Etre programmé à la Cour d'Honneur du Palais des Papes, à Avignon, n'est pas une mince affaire. La confrontation avec cet espace-monstre, parfois balayé par un mistral glacial, s'il vaut évidemment comme une reconnaissance de l'œuvre, ressemble aussi à une épreuve. Depuis la première apparition de Maurice Béjart en 1966, dix-neuf ans après la création du festival par Jean Vilar, la plupart des grands noms de la danse s'y sont confrontés. Roland Petit en 1972, Carolyn Carlson en 1975, Pina Bausch en 1983, William Forsythe en 1991, Angelin Preljocaj en 1999... Espace "trop informe" selon Vilar lui-même, ce site somptueux rassemble 2000 spectateurs.

En 2006, C'est Josef Nadj (né en 1957), directeur du Centre chorégraphique national d'Orléans depuis 1995, qui se cogne à l'exercice. Artiste-associé de la manifestation, il met en scène Asobu ("jeu" en japonais), inspiré par l'œuvre de l'écrivain et du peintre Henri Michaux. Sur l'immense plateau, il a planté une mini-estrade carrée pour recentrer l'espace et l'énergie. Dans un coin, un mannequin au visage bandé – personnage recurrent chez Nadj – attend devant une table – objet de predilection du chorégraphe -. Seize interprètes dont six danseurs nippons et quatre musiciens, tous costumés en noir et gris, déflagrent sur les rythme martelés de Akosh Szelevenyi et Szilard Mezeï.

Les fragments d'un rêve surréaliste prennent corps sur le fil d'une danse segmentée, avançant de guingois... Pour cette création évidemment très importante, Josef NAdj avait fait appel à des interprètes historiques comme les Hongrois Istvan Bickei, Peter Gemza, Gyork Szakonyi, Kathleen Reynolds, Mathilde Lapostolle, Cécile Loyer et Nasser Martin-Gousset. Epaulant les jeunes japonais, ils étaient tous parfaits, tous terriblement à l'aise, dans le labyrinthe semé de chausse-trappes qu'est celui de Nadj.

Le théâtre dans le théâtre, les scènes-gigognes, les puzzles, font partie des motifs de prédilection du chorégraphe. La littérature, celle de Bruno Schulz, Franz Kafka, Jorge Luis Borges, Raymond Roussel ou Henri Michaux, lui indique le sens de sa quête.

La même année, mais à l'Eglise des Célestins, Josef Nadj se livre à une performance somptueuse avec le plasticien Miquel Barcelo intitulée Paso Doble. Devant un mur de boue, couvert de terre, Nadj rejoint la matière originelle pour un sacrifice consenti. Il y soude son talent de performer, de danseur et de plasticien. Passé par une formation d'arts plastiques aux Beaux-arts de Novi-Sad, puis à Budapest, Nadj, né en Ex-Yougoslavie, dans la province de Vojvodine, arrive en France en 1980. Six ans plus tard, il fonde sa compagnie, le Théâtre Jel. Celui qui aime à dire qu'il "danse sa mémoire" se fait connaître avec Canard Pékinois (1987), pièce pour six danseurs. Il y rejoue l'histoire fascinante d'une troupe de théâtre de son village natal de Kanjiza dont les acteurs désiraient partir en Chine et finirent par se suicider. Sa carrière décolle. Depuis, chacun de ses spectacles, de Sept peaux de rhinoceros (1988), dédié à son grand-père aux Corbeaux ( 2009), ajoute un chapitre au roman fantasmé de sa ville et de sa région.

A Paris, Nadj a suivi des cours de mime auprès de Decroux et Marceau, puis collaboré aux spectacles des chorégraphes François Verret et Mark Tompkins. Sa gestuelle hachée électrise

un théâtre dansé très singulier, au ton acide et burlesque, peuplé de personages désarticulés. En 1995, à la demande de Bernard Turin, directeur du Centre national des arts du cirque de Châlon-en-Champagne, il accepte de mettre en scène Le Cri du caméléon. Depuis, ce "cri" est devenu celui de ralliement de toute une nouvelle génération d'artistes de cirque, mixant danse, théâtre, arts visuels et... cirque. Avec Angelin Preljocaj, José Montalvo et Dominique Hervieu, Philippe Decouflé, Josef Nadj fait partie des chorégraphes qui tournent le plus en France et à l'étranger.

Rosita Boisseau

Transcription

Présentatrice
De démantibulade en déstructuration, les danseurs de Josef Nadj se prêtent comme des pantins à son imaginaire morcelé, onirique et à sa structure si particulière. Le chorégraphe est l’artiste associé du 60ème festival d’Avignon, il propose Asobu , un spectacle sur le jeu. Un jeu où ses personnages tentent de repousser l’horreur qui se cache derrière la réalité du quotidien. Un reportage de Dominique Poncet et Nathalie Berthier.
Journaliste
C’est une chorégraphie sombre et torturée, mais en même temps déliée et légère comme un vol de papillon. Une chorégraphie exprimant par moment l’absurde, mais d’un bout à l’autre dégageant une poésie folle ! Son créateur, Josef Nadj, ici dans un solo, dit qu’elle lui a été inspirée par le peintre et écrivain Henri Michaux.
Josef Nadj
Il avait un sens d’humour très, très développé et j’aime beaucoup ce regard de, qui transperce et qui éclaire, et à la fois Michaux était très, très inquiet et très angoissé, tourné beaucoup vers l’intérieur.
Journaliste
Josef Nadj a intitulé sa pièce Asobu , en japonais, jeu, J, E, U et effectivement ici, les danseurs jouent avec les ombres, les lumières et les images.
Vincent Baudriller
La grande force du langage des spectacles de Josef Nadj, c’est le mystère. C’est-à-dire que si les spectateurs se laissent porter par le mystère, se perdent dans ce mystère là, c’est un grand voyage.
Journaliste
Mais un voyage dans un univers mental sans signification, porté par l’imaginaire fécond d’un chorégraphe, qui est aussi photographe, peintre et plasticien.
(Musique)