Denis Robert pour son livre Vue imprenable sur la folie du monde
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Résumé
Le journaliste lorrain Denis Robert présente Vue imprenable sur la folie du monde, un écrit dans lequel il se livre et raconte le monde à travers le prisme de son expérience de la Lorraine.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
15 oct. 2013
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Contexte historique
ParMaître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, Crem, Université de Lorraine
La biographie de Denis Robert est très riche de ce que le territoire lui a offert comme potentiel créatif. Et cela, de part et d’autre de la frontière franco-luxembourgeoise, surtout si l’on se réfère à l’affaire Clearstream qui l’a fait connaître du grand public et qui a encombré sa vie de mai 1999 (début de l’enquête) à novembre 2011 (décision de la Cour d’Appel de Lyon).
Né le 9 mai 1958 à Moyeuvre-Grande (Moselle), il a poussé ses études jusqu’à l’obtention d’un DEA de psychologie sociale (master 2 actuel) à l’université de Nancy, lancé Santiag, fanzine polémique et suffisamment remarqué pour se mettre à dos la notabilité bien-pensante de Metz. De 1983 à 1995, ses expériences à Actuel et à Libération ne l’ont pourtant jamais éloigné de la Lorraine du Nord à tel point que la région, à force de départs et de retours répétés, a fortement imprégné son œuvre protéiforme composée, à ce jour, de 17 essais, de 11 romans, d’une douzaine de productions audiovisuelles pour le cinéma et la télévision et de créations plastiques.
Vue imprenable sur la folie du monde (2013) qu’il présente dans cette archive raisonne d’une certaine manière avec le documentaire Histoire clandestine de ma région, qu’il a réalisé en 2001 avec Gilles Cayatte. Dans chacun d’eux, Denis Robert cherche à se réconcilier progressivement avec ce territoire qu’il a bousculé autant que ce dernier l’a malmené et empêché de travailler sereinement. Aucun manichéisme, aucune morale à faire valoir. Dans cet essai, Denis Robert trace une zone aussi grise que le ciel de Lorraine et, comme le montre cette archive, éprouve des difficultés à être écouté, à se faire entendre, à se faire comprendre. Ce n’est donc pas étonnant qu’au travers de ses enquêtes, il privilégie le biais du récit et de la littérature, vise le plaisir de l’écriture. Qu’il raconte la traversée de la ville de Metz en filant la métaphore du marathon (c’est le messager qu’on exécute dans tous les cas) ou la virée en voiture (façon road movie) dans cette région qu’il connait si bien en compagnie de son fils de 8 ans, il revient toujours à cette même question sans réponse figée : à quoi sert un écrivain ? A quoi sert un journaliste ? Sans doute a-t-il trouvé quelques éléments de réponse dans la lecture de Truman Capote « narrative non-fiction », Gay Talese « non-fiction novel » ou Tom Wolf « New Journalism », dans un journalisme littéraire à la première personne et impliqué, aux prises avec le monde et le temps présent. C’est avant tout l’engagement social et politique qui caractérise le travail de Denis Robert et plus largement une prise de position qui (lui) coûte cher et le met en danger. C’est sans aucun doute le prix à payer lorsqu’on s’applique à documenter le réel selon une ultra-subjectivité propre au Gonzo journalisme
(sans les drogues).
Dans une époque qui brandit la transparence comme valeur suprême, la visibilité comme capital et l’hégémonie du présent, le travail rétrospectif de Denis Robert a eu à affronter des obstacles dont certains se sont spectaculairement retournés en sa faveur. A l’exemple du journal Le Monde qui, durant l’affaire Clearstream s’est montré très critique vis-à-vis de la façon dont l’enquête avait été menée jusqu’à reconnaître dans un article publié en juin 2011 la valeur de ce marginal de l’information
. A la limite des règles, il cultive donc une sorte d’intranquillité qui l’empêche de se mettre au repos. La guerilla est toujours à mener. Après avoir dirigé Le Media pendant près d’un an et demi jusqu’en septembre 2020, il se consacre aujourd’hui à Blast, la webtélé indépendante qu’il a créée, ainsi qu’à Citizen Films, une société de production audiovisuelle.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Denis Robert
Ce livre, j’ai commencé à l’écrire il y a trois ans, puis j’ai eu presque une année et demie de blocage et je l’ai repris il y a six mois.
Mathieu Morel
Et pourquoi être dans ce registre qu'on vous connaît si peu finalement ?
Denis Robert
Ben, moi, j’ai toujours…
Mathieu Morel
Vous vous livrez, vous vous racontez ?
Denis Robert
Ouais, mais j’ai toujours… C’est du gonzo journalisme un peu, vous voyez, du journalisme littéraire en tout cas et, euh, c’est un livre qui part d’une situation de fiction.C’est un père et un fils en Lorraine et puis, après, ça me permet, moi, de dire tout ce que j’ai envie de dire à travers cette région.Vous savez, c’est la théorie de la goutte d’eau à travers une région comme la Lorraine.On raconte le monde, comme à travers une goutte d’eau, on peut raconter la mer, quoi.
Mathieu Morel
Lorraine que vous n’avez jamais voulu quitter, vous le dites et vous le redites dans le livre.Vous auriez pu vivre n’importe où, vous installer à des endroits où il y a davantage de soleil, mais vous êtes viscéralement attaché ici.
Denis Robert
Je suis attaché, oui, sûrement.Euh, pourquoi je suis attaché, ben, c’est tout mon passé, mes amis.Je sais qu’il y fait plus mauvais qu’ailleurs, qu’il fait froid en hiver, qu’il pleut beaucoup et tout, mais pourtant, je sais pas.C’est les racines, c’est tout ça, quoi.
Mathieu Morel
C’est votre centre du monde à vous ?
Denis Robert
Oui, mais je voyage beaucoup aussi.C’est-à-dire que si j’étais tout le temps en Lorraine, peut-être qu’à la longue, ça serait pénible, quoi.Mais, voilà, j’avais aussi envie de raconter d’une manière très différente la crise, la sidérurgie, de faire un parallèle.Parce que c’est la Lorraine, mais je vais aussi à Genève, beaucoup aux Etats-Unis où vit ma fille.Donc, je fais le parallèle avec Milwaukee par exemple, avec des villes comme ça, et il y a la chanson de Lavilliers, vous savez « La Vallée d’la Fensch, ma chérie, c’est l’Colorado en plus petit ».
Mathieu Morel
Avec Les mains d’or , c’est aussi une très belle chanson sur ce que faisaient les sidérurgistes.Est-ce que vous êtes désabusé ?Moi, c’est un peu ce que j’ai ressenti quand même, en lisant votre livre.
Denis Robert
C’est-à-dire, je suis plutôt inquiet que désabusé.Et le livre, c’est une transmission, c’est la relation entre un père et un fils.J’ai un fils de 8 ans, il a 9 ans d’ailleurs aujourd’hui, mais dans le livre, il a 8 ans.Le personnage s’appelle Woody, il ressemble étrangement à mon fils et j'essaie de... C’est un livre aussi sur l’engagement, c’est-à-dire à quoi sert un écrivain, en tant que journaliste, qu’est-ce que je peux faire, est-ce que c’est utile encore de sortir des affaires après être passé par…
Mathieu Morel
Et vous répondez quoi à ça ?Oui, bien sûr, oui.
Denis Robert
Oui, je pense.Mais, en même temps, je trouve que sa génération ou la génération de mes filles qui sont plus âgées, c’est plus compliqué pour eux.Et qu’on a une grande responsabilité, nous et les politiques, ceux qui sont là en ce moment.
Mathieu Morel
Ça vous a fait du bien d’écrire ce livre, après Clearstream , j’y reviens ?
Denis Robert
L’écriture, c’est effectivement du plaisir.Il y a des moments où on se dit, ça, j’ai à peu près…
Mathieu Morel
Vous dites quelques vérités hein, les vôtres en tout cas.
Denis Robert
Oui, oui.. Oui, je pense, ça me fait du bien.J’espère que ça fera surtout du bien à mes lecteurs, quoi.
Mathieu Morel
Merci beaucoup, Denis Robert.On pourrait encore parler plus longtemps.Vue imprenable sur la folie du monde, je le répète, c’est publié aux éditions Les Arènes.Ça marche bien, vous disiez que vous en êtes déjà à la deuxième publication vendredi ?
Denis Robert
Ben, il est sorti trois jours, il est réimprimé là, donc ça va.
Mathieu Morel
Merci beaucoup d’être venu nous en parler ce soir.
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