Anne Blanchot-Philippi pour son livre Coulées

Fille d’un Lorrain et d’une Luxembourgeoise Anne Blanchot-Philippi est née à Audun-le-Tiche en 1928. 

Commencée au collège des Mines d'Audun-le-Tiche sa scolarité se poursuivra à Loudun, ville de la Vienne dans laquelle sa famille résidera pendant la drôle de guerre (période allant de la déclaration de guerre à l’invasion allemande) avant de revenir en octobre 1940 à Audun-le-Tiche, ville annexée, où Anne Blanchot-Philippi reprendra ses études en allemand. Le bain linguistique dans lequel elle est plongée l’amènera, après le baccalauréat préparé au lycée de jeunes filles d’Esch-sur-Alzette à préparer une licence d’anglais ainsi qu’une licence d’allemand à l’université de Nancy.  

Dès l’enfance une autre passion la saisit : l’amour des mots. Enfant, aimait-elle à le dire, elle était émerveillée par les paysages champêtres et industriels franco-luxembourgeois, à commencer par la couleur de la terre de son jardin d’enfance, ce rouge dû à la présence de la « minette » (minerai de fer) qui a donné son nom à la mine dans laquelle son père travaillait en qualité de chef-comptable : la Société minière des Terres Rouges. Entre 1830 et 1997, le nord de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, le sud de la Belgique ainsi que le Sud-Ouest du Luxembourg ont participé à l’essor économique de la région transfrontalière grâce à une ressource précieuse : la « minette » (« Minett » en luxembourgeois). Ce bassin, qui a alimenté l’imaginaire de l’écrivaine est, rappelons-le, le gisement le plus important de France et représente 85 % de la production française de minerai de fer. 

Ayant vécu toute sa jeunesse au rythme omniprésent des coulées et des sirènes (Marguerite Puhl-Demange, 1985) sa sensibilité l’a en effet portée, dès le plus jeune âge à l'émerveillement, devant la magie des embrasements continuels, devant le contraste entre la délicate flore des sous-bois et le paysage des chevalements et des hauts-fourneaux (Marguerite Puhl-Demange, 1985). Le crassier de Belval qu’elle voyait depuis la maison paternelle devenait à ses yeux un immense dinosaure couché sur l'horizon luxembourgeois et laitier qui ranimait les combustions une fois déversé, l’expression d’une colère subite du monstre (Marguerite Puhl-Demange, 1985).

Longtemps Anne Blanchot-Philippi mènera de concert deux passions : l’enseignement et la poésie. Titulaire du CAPES d’anglais elle enseignera à Toul puis à Metz au lycée Georges de la Tour et enfin au collège Philippe de Vigneulles.  Ses poèmes paraissent en Lorraine (Lorraine-Magazine, Le Républicain Lorrain) mais aussi au Luxembourg (Luxemburger Wort) et obtiennent une multitude de distinctions : prix Grucher, prix de littérature de l'Académie nationale de Metz (1970), Prix Honoré Broutelle, Prix Yves Bouisson, Roses d'honneur du Concours artistes de France, Prix de la Nouvelle de la Société des écrivains des provinces françaises, Grand prix des poètes lorrains (1974), prix Moselly (1971)… Présenté au Concours de poésie organisé en 1982 à Montréal pour la communauté des télévisions francophones par Télé Luxembourg, le poème Mon pays,  obtint le premier prix (Marguerite Puhl-Demange,1985) et sera à l’origine d’un court métrage réalisé par Gast Rollinger, cinéaste et auteur luxembourgeois. Anne Blanchot-Philippi fut par ailleurs élue membre correspondant de l’Académie de Metz le 4 mai 1972, puis membre associée libre et enfin membre titulaire le 8 avril 1976.

Bien que tiré à seulement 600 exemplaires, son premier recueil poétique Le sang du fer (1971) va très vite s’écouler. Paru en 1972, Coulées, dont il est question dans le reportage rassemble quatorze nouvelles en prose, illustrées par Jean Morette, autre figure emblématique du Pays-Haut né à Valleroy (Meurthe-et-Moselle) également présent dans le reportage. Le titre de ce recueil est éloquent. Il fait référence aux hauts-fourneaux qui produisent, à partir du minerai de fer, la fonte liquide qui sera par la suite retraitée dans les aciéries afin d’être transformée en acier. Les déchets des haut-fourneaux inspirent également l’écrivaine : ils se retrouveront sous forme de laitier stocké avant traitement ultérieur dans d’immenses crassiers paysages d’arrière-plan de la région ferrifère. Tout comme Anne Blanchot-Philippi Jean Morette puise ses inspirations dans ses racines, au cœur du Pays du fer. Ses travaux ont notamment mis en avant l’univers des mines de fer et de charbon. Son œuvre est presque intégralement consacrée à l’histoire de la Lorraine et à ses traditions.

Alternant poèmes en français et pièces en luxembourgeois, le recueil Chant mêlé (1979) témoigne de la douleur vécue au moment de la crise de la sidérurgie de part et d’autre de la frontière franco-luxembourgeoise. Quelques poèmes d’Anne Blanchot-Philippi seront mis en musique par Pierre Nimax, chef de chœur et professeur de direction chorale et d’orgue au Conservatoire de la Ville de Luxembourg. 

Enfin, Mes jardins sont de terre rouge, paraîtra en 1983. Ce dernier opus est publié en hommage aux Terres Rouges de son enfance et qui se distingue par l’accent mis sur l’aventure commune vécue par les hommes et les femmes impliqués dans le travail du fer (Mutations, 2010).

Paralysée, elle n’en continue pas moins d’écrire des poèmes et s’éteint le 22 mars 1985.

• Marguerite Puh-Demange, Éloge funèbre prononcée le 5 décembre 1985 à la mémoire d'Anne Blanchot-Philippi, [en ligne], http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/34446/ANM_1986_27.pdf, page consultée le 17 novembre 2021. 
• Fondation Bassin Minier, Mutations. Mémoires et perspectives du bassin minier. Terres Rouges. Approche interdisciplinaire et transnationale, 2010, [en ligne], https://fondationbassinminier.lu/mutations_1-2/, page consultée le 17 novembre 2021.