Prix Robert Schuman pour Joseph Bech en 1967
Infos
Résumé
Le 20 juin 1967, l’homme d’État luxembourgeois, Joseph Bech reçoit le prix Robert Schuman de l’université de Bonn pour honorer son engagement européen. Dans son discours de remerciement, il rappelle les acquis du projet européen, mais précise que tout reste à faire. La cérémonie a été suivie d'une rencontre avec des étudiants.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
30 juin 1967
Éclairage
- Contexte historique
- Bibliographie
- Articles utilisant cette vidéo
- Parcours thématiques
Informations et crédits
- Type de média :
- Type du document :
- Collection :
- Source :
- Référence :
- 00146
Catégories
Thèmes
Lieux
Personnalités
Éclairage
Éclairage
- Contexte historique
- Bibliographie
- Articles utilisant cette vidéo
- Parcours thématiques
Contexte historique
ParProfesseur assistant en Histoire contemporaine, Université du Luxembourg
Dans la mémoire collective ouest-européenne, le processus d’intégration européenne de l’après Seconde Guerre mondiale reste étroitement lié à la figure tutélaire du « père de l’Europe ». Aux côtés d’Alcide de Gasperi, Konrad Adenauer, Jean Monnet, Paul-Henri Spaak et d’autres, Robert Schuman, né à Luxembourg-Ville en 1886, et Joseph Bech, homme politique luxembourgeois de droite à la carrière très longue, sont des membres incontestés de ce groupe éminent. L’université de Bonn, alors siège du gouvernement de la RFA (République fédérale d’Allemagne), décide d’honorer la mémoire de Robert Schuman (décédé en 1963), grand inspirateur de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) et un de ses anciens étudiants, par la création d’un prix qui doit récompenser l’engagement en faveur de la construction européenne. En 1967, Joseph Bech, retiré de la scène politique depuis 1964, en est le lauréat.
Les prix – on peut encore mentionner le Prix Charlemagne d’Aix-la-Chapelle – ont fortement contribué à la création de la figure du « père de l’Europe », renforcée par le fait que ces hommes – les mères de l’Europe sont (encore) absentes du tableau – étaient souvent déjà d’un certain « âge » et avaient commencé leur carrière politique dans l’entre-deux-guerres. La construction européenne est alors présentée comme la grande leçon apprise des conflits entre 1914 et 1945, plaçant au centre le rapprochement entre la RFA et la France, souvent symbolisé par le fleuve du Rhin, qui n’est plus une barrière mais un lien entre les deux grandes nations riveraines. Les représentants du Benelux n’ont aucun mal à s’inscrire dans cet imaginaire : le Belge Paul-Henri Spaak et le Luxembourgeois Joseph Bech s’arrogent un rôle d’intermédiaire entre les deux grands. C’est d’ailleurs ce que souligne le Recteur de l’université de Bonn dans son discours de remise de prix. Dans son discours de remerciement qui s’adresse à une jeunesse, qui – paradoxalement – ne semble pas être très présente dans la salle remplie d’invités d’honneurs et de membres du corps académique de l’université de Bonn, Joseph Bech propose un parcours des acquis de la construction européenne depuis la fin des années 1940. Il en souligne le caractère peu probable pour celui qui se place dans l’Europe des années 1930. Il consacre de longs passages à Konrad Adenauer, décédé quelques semaines plus tôt, mobilisant l’imaginaire du Rhénan passeur. 1967, c’est aussi l’année de la fusion entre la commission de la CEE (Communauté économique européenne) et la Haute Autorité de la CECA, changement majeur pour une institution qui venait de vivre la « crise de la chaise vide », provoquée par de Gaulle. Pour Joseph Bech, ces tensions font inévitablement partie du processus de l’intégration.
Il s’agit d’un discours sobre, mais typique pour un homme politique dont la carrière est derrière lui, souhaitant garantir la continuité de son œuvre et sa place dans l’Histoire. Cet effet est renforcé par les images, mais aussi par le ton adopté par le journaliste. Joseph Bech est aujourd’hui présenté comme un homme d’État qui, durant l’exil pendant la Seconde Guerre mondiale, aurait réalisé que la politique européenne et la place du Luxembourg devaient changer et aller de la neutralité – qui avait encore échoué en 1940 – vers l’interdépendance. Certains historiens soulignent également son habileté à concilier les intérêts politiques et ceux des grandes entreprises sidérurgiques au Luxembourg et en Europe. Il ne faut toutefois pas oublier que, durant les années 30, Joseph Bech n’était pas sourd au chant des sirènes autoritaires et qu’il a notamment dirigé, en 1937, un gouvernement qui a tenté de faire adopter une loi donnant à l’exécutif la possibilité de dissoudre toute organisation politique susceptible de mettre en danger les institutions constitutionnelles
. Refusée par une très courte majorité de Luxembourgeois lors d’un référendum, cette « loi muselière » laisse un héritage problématique. Durant la guerre froide, on souligne les motivations anticommunistes de Joseph Bech, que l’historiographie conservatrice tente de ménager pour mieux mettre en avant son rôle dans la politique européenne (Scuto, 2019, p. 521). Les évidentes motivations antiparlementaires dissimulées derrière le projet de loi ont été refoulées derrière le consensus sur le régime parlementaire qui surgit dans l’après-guerre. Le souligner aujourd’hui, c’est rendre la biographie de Joseph Bech, plus complexe et mettre en question l’hagiographie des « pères de l’Europe ».
Bibliographie
- Charles Barthel, « Un aspect particulier de la culture politique luxembourgeoise : Joseph Bech et l’art de concilier les Affaires étrangères avec la diplomatie du grand capital sidérurgique », dans Sylvain Schirmann (dir.), Robert Schuman et les Pères de l’Europe : Cultures politiques et années de formation, Bruxelles, P.I.E Peter Lang, 2008, p. 235-256.
- Charles Barthel, « Joseph Bech », dans Yves Bertoncini, Thierry Chopin, Anne Dulphy, Sylvain Kahn, Christine Manigand (dir.), Dictionnaire critique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2008, p. 27-28.
- Denis Scuto, « Le référendum de 1937. Une muselière, des mémoires et une histoire à écrire », dans Une histoire contemporaine du Luxembourg en 70 chroniques, Luxembourg, Fondation Robert Krieps, 2019, p. 517-524.
- Claude Wey, « Les élites conservatrices luxembourgeoises et l’université de Fribourg, 1890-1940 », dans Land, 22.05.2020, 29.05.2020, 12.06.2020.
- L’intégralité du discours de Joseph Bech peut être trouvé ici : Grand-Duché de Luxembourg, « La remise du Prix Robert Schuman à son Excellence Monsieur Joseph Bech, Ministre d'État honoraire », Bulletin de documentation, p. 18-24, 1967, [en ligne], https://sip.gouvernement.lu/dam-assets/publications/bulletin/1967/BID_1967_6/BID_1967_6.pdf, page consultée le 15 septembre 2021.
Transcription
Sur les mêmes thèmes
Date de la vidéo: 03 mars 2017
Durée de la vidéo: 01M 46S
Décès d'Antoine Porcu, ancien député de Longwy
Date de la vidéo: 15 juil. 2014
Durée de la vidéo: 01M 44S
Jean-Claude Juncker élu président de la Commission Européenne
Date de la vidéo: 09 mars 2004
Durée de la vidéo: 02M 45S
L'importance du communisme dans le Pays Haut
Date de la vidéo: 20 sept. 1972
Durée de la vidéo: 03M 27S
Vingtième anniversaire de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier
Date de la vidéo: 14 déc. 1998
Durée de la vidéo: 01M 46S