Décès d'Antoine Porcu, ancien député de Longwy

Ce reportage télévisé est ce que l’on appelle en journalisme « un papier ». Il s’agit d’un résumé biographique à base d’archives audiovisuelles destiné à être diffusé dans le cadre du journal télévisé de France 3 Lorraine. Cette courte biographie retrace le parcours professionnel et militant d’un ouvrier immigré sarde qui fût appelé à exercer de hautes responsabilités syndicales et politiques. Le parcours d’Antoine Porcu est à la fois emblématique et atypique. Emblématique du rôle de l’usine comme lieu d’intégration et de politisation de la main d’œuvre immigrée et atypique car peu accèdent à des responsabilités gouvernementales.

Le jeune ouvrier sidérurgiste italien qualifié de forte tête  et d’un tempérament certain, fût repéré puis formé par la CGT et le PCF. Le bassin sidérurgique de Longwy est depuis les grandes grèves de 1905 un bastion de l’anarchisme ouvrier et du socialisme ; même si dans leur ouvrage La ligne rouge des hauts-fourneaux, Serge Bonnet et Roger Humbert tempèrent cette réputation. Les immigrés italiens fuyant le fascisme entre les deux-guerres (c’est le cas des parents d’Antoine Porcu) vont importer leur culture et leur militantisme politique dans une Meurthe-et-Moselle nord laborieuse et peu incline aux luttes sociales. Villerupt est le symbole de l’implantation de cette petite Italie. Aujourd’hui, les usines disparues et les mines fermées, Le festival du film italien perpétue cette culture encore bien vivante.

L’usine de Micheville connaît dans les années 50 et 60 des luttes qui restent encore dans les mémoires. Embauché aux Aciéries de Longwy en 1948, Antoine Porcu gravit les échelons de la hiérarchie syndicale pour devenir le secrétaire du syndicat CGT de l’usine de Mont-Saint-Martin. Il est licencié en 1953 avec d’autres militants à l’issue d’une grève dure. Ironie de l’histoire, il battra aux élections législatives de 1978, Bernard Labbé, candidat de la droite et fils du patron qui l’avait congédié.

Le papier est centré sur le rôle du député communiste au moment des « évènements de Longwy », période allant de 1978 à 1984 et qui marque la liquidation brutale de la sidérurgie longovicienne. Un épisode est resté dans les mémoires, celui de l’attaque du commissariat de police le 24 février 1979. Excédés par les violents affrontements avec les forces de l’ordre sur la colline du bois de Châ où est érigé le relais de télévision, les sidérurgistes décident d’investir le commissariat pour en découdre avec les policiers. Antoine Porcu ceint de son écharpe tricolore s’interpose avec d’autres élus et détourne la colère de la foule vers la chambre de la métallurgie qui sera saccagée. Il fera quelques années plus tard une confidence au journaliste auteur du reportage, expliquant que ce jour-là un fusil-mitrailleur était en batterie à l’intérieur et que les servants avaient ordre de tirer si les portes en acier défendant l’accès au bâtiment venaient à céder.

Battu aux législatives en 1981, il intègre le cabinet de Charles Fiterman, ministre des Transports. Attaché parlementaire, il est chargé des relations avec les élus et le Parlement puis nommé président de l'Office national de la navigation, poste qu’il occupera jusqu’en 1987.

Antoine Porcu se déclara victime des dissensions qui agitaient le PCF. Il en est d’abord écarté puis exclu sans jamais savoir vraiment pourquoi déclara-t-il plus tard (source Maitron) 

Retiré de la vie politique, Antoine Porcu écrivit son autobiographie Itinéraire d’un sarde atypique et trois ouvrages consacrés aux résistants immigrés. 

Enfin, ce que laisse apparaître en filigrane ce papier est cette idée fondamentale : les hommes du fer à forte dominante immigrée n’ont pas seulement produit de la fonte et de l’acier mais aussi une culture qui leur est propre. L’usine était le creuset qui vit émerger de fortes personnalités comme Marcel Donati, Frédéric Brigidi et tant d’autres. La liquidation de la sidérurgie ne fût pas qu’une catastrophe économique et sociale pour le bassin de Longwy mais aussi un acte d’une violence inouïe à l’encontre d’une population déracinée qui s’était fortement identifiée à ce territoire. C’est pourquoi et ce n’est pas dans les règles habituelles d’un papier journalistique, le reportage se termine sur les paroles d’Antoine Porcu. Des paroles où perce une réelle émotion qui en dit long sur le traumatisme vécu par ceux qui s’étaient construits une nouvelle vie dans la cité du fer et se sont battus en vain pour que vive la sidérurgie longovicienne.

• Serge Bonnet et Roger Humbert, La ligne rouge des hauts-fourneaux, Denoël Serpenoise, 1981.
• Antoine Porcu, Aventures et mésaventures d’un franco-sarde atypique, Editions de la plus haute tour/ Digraphe Editeur, 1999.
• Sous la direction de François Roth, Lorraine Terre d’accueil et de brassage des populations, Presses universitaires de Nancy, 2001.
• Marcel Donati, Cœur d’acier. Souvenirs d’un sidérurgiste de Lorraine, Payot, coll. « Récits de vie », 1994.
• Marc Giovaninetti, « Porcu Antoine », Le Maitron, [en ligne], https://maitron.fr/spip.php?article161718, page consultée le 9 juillet 2021.