Réunion à Metz des élus de la Grande Région Saar-Lor-Lux

La création de la CEE a permis de multiplier les contacts par-delà les frontières. La coopération transfrontalière connaît ainsi ses premiers balbutiements dès la fin des années 50 avec la mise en place d’ « Euregio » entre l’Allemagne et les Pays-Bas (1958). Puis sera créée l’ « Euregio Basiliensis » autour de Bâle (1963) et enfin voit le jour la troisième coopération transfrontalière en Europe avec Saar-Lor-Lux (1971) qui deviendra plus tard la « Grande Région ». Saar-Lor-Lux résulte de la volonté des élus nationaux et régionaux de partager un destin commun entre les territoires du triangle minier et sidérurgique luxembourgeois, sarrois et lorrain. Dès les années 60, différents accords et traités (dont le traité de l’Elysée de 1963) vont permettre de renforcer cette coopération et de créer plusieurs institutions dont la Commission régionale Saar-Lor-Lux-Trèves-Palatinat occidental. Composée de plusieurs groupes de travail qui s’étofferont au fil des ans, elle sera un lieu de concertation sur des questions relatives aux développements économique, social, culturel, environnemental, aux transports, et formulera des recommandations pour revaloriser ces territoires. 

Dans son interview d’octobre 1978, à la veille d’une réunion de l’association Saar-Lor-Lux à Metz, Pierre Messmer (Président du Conseil régional de Lorraine) soulignait que le principal intérêt de cette association entre les représentants élus ou qualifiés des différents territoires frontaliers était d’être l’occasion de rencontres, d’échanges de vue et de contacts, mais n’avait pas vocation à devenir « quelque chose d’officiel ». Or, deux ans après, l’Accord du 16 octobre 1980 officialisait cette coopération transfrontalière. Selon Pierre Messmer, l’Europe se fera aussi et d’abord par des contacts entre personnes. L’Europe ne se fera pas seulement à travers les institutions. Le rôle des hommes est en effet particulièrement important dans la construction européenne ; sans une volonté forte de construire une Europe unie, notamment aux frontières en jetant des ponts entre pays voisins, rien ne peut se faire. Saar-Lor-Lux a ainsi bien évolué depuis les années 70 qui ont vu ces premières rencontres auxquelles participait Pierre Messmer. Cet espace transfrontalier a connu un foisonnement d’institutions qui ont évolué dans leur emprise territoriale, leur fonctionnement et leurs objectifs. A côté de la commission régionale, sont apparus le Conseil Parlementaire Interrégional (1986), le Sommet de la Grande Région (1995), Euregio Saar-Lor-Lux+ (1995 succédant à Comregio) et le Comité Économique et Social de la Grande Région (1997), sans oublier le GECT Grande Région (Groupement  Européen de Coopération Territoriale) en 2010. Un tel « mille-feuille institutionnel » peut nuire à l’efficacité de la coopération transfrontalière, comme le soulignait également le Courrier International (n°323) en janvier 1997 : reste à savoir si la multiplication des institutions transfrontalières encouragera une croissance commune de la région. Il peut conduire à un manque de reconnaissance de cette coopération par ses habitants qui aujourd’hui encore ont bien des difficultés à la définir. 

Pourtant les institutions sont nécessaires et Jean Monnet le rappelait à Strasbourg le 11 septembre 1952 : la vie des institutions est plus longue que celle des hommes et les institutions peuvent ainsi, si elles se sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations successives. Véritable « mini Union européenne » à l’échelle régionale avec toutefois plus une forte volonté de coopération que d’intégration, Saar-Lor-Lux se caractérise par des mécanismes institutionnels et collectifs bien définis qui soudent les régions entre elles. Ces institutions contribuent à façonner la Grande Région qui depuis les années 80, ne rassemble plus seulement la Sarre, la Lorraine et le Grand-Duché de Luxembourg, mais également toute la Rhénanie-Palatinat et la Wallonie. Si la Commission régionale Saar-Lor-Lux-Trèves-Palatinat occidental a depuis 2005 fusionné avec le Sommet de la Grande Région, la carte institutionnelle demande sans doute à être encore simplifiée et à gagner en lisibilité. Reste ainsi poser la question d’une gouvernance transfrontalière adéquate.