A propos du Manuscrit trouvé à Saragosse

19 novembre 1989
03m 39s
Réf. 00166

Notice

Résumé :

Entretien avec René Radrizzani, responsable de la première édition complète chez Corti du célèbre roman Le Manuscrit trouvé à Saragosse du polonais Jan Potocki.

Type de média :
Date de diffusion :
19 novembre 1989
Thèmes :

Éclairage

Jan Potocki est né en 1761 en Pologne, dans une famille très puissante et très aisée qui lui donne le français comme langue maternelle. Il voyage beaucoup, très tôt, visitant tour à tour l'Italie, l'Espagne, la Sicile, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Angleterre, la Russie, la Sibérie, le Maroc, Tunis, Malte, Constantinople ou encore l'Egypte. Ces découvertes sont l'occasion pour lui d'écrire de nombreux récits de voyage, tout en s'intéressant particulièrement à l'histoire des peuples slaves, un de ses centres d'intérêts récurrent. Il prend part à la vie politique polonaise, en tant que député à la Diète (le parlement en Pologne) et comme ministre de l'Education.

Il est également écrivain, grâce à la publication du Manuscrit trouvé à Saragosse, chef-d'oeuvre de la littérature fantastique. Ce roman-somme est considéré par Roger Caillois et les surréalistes comme précurseur du fantastique. Il emprunte les caractéristiques de la littérature gothique, du roman d'apprentissage, libertin, philosophique et picaresque, formant ainsi un roman sur le roman. De nombreux manuscrits perdus ou éparpillés sont la cause d'une publication tardive, et des choix d'éditeurs sont discutables : le roman, écrit en français sera traduit en allemand, puis en polonais, avant d'être retraduit en français pour sa première édition. Malade et dépressif, Potocki se suicide en 1815. Il faudra attendre 2006 pour qu'une version sérieuse et faisant part des différentes versions du récit soit publiée en France.

Aurélia Caton

Transcription

Interviewer
Alors maintenant, comment est-ce que vous, qui êtes responsable de cette première édition intégrale, comment est-ce que vous avez découvert ce livre ? Comment est-ce que vous avez décidé de vous y consacrer ?
René Radrizzani
C'est le romancier autrichien Klaus [Hoff] qui m'a rendu attentif à cet ouvrage que j'ai d'abord lu dans une version allemande. Ce qui était une chance car la version allemande est une traduction intégrale d'après la traduction polonaise de [Hoietski]. Donc, j'ai eu d'emblée l'ouvrage entier sous les yeux. Et c'est ça qui m'a convaincu et enthousiasmé. Je ne suis pas sûr que la version Roger Caillois m'aurait convaincu à ce point. Elle est par trop partielle et tronquée. Alors, ayant lu cette version allemande, je me suis aperçu que l'original était français.
Interviewer
Le livre est écrit en français, c'est ça ?
René Radrizzani
Tout à fait, n'est-ce pas l'original ? Et français, Potocki n'a jamais écrit dans un autre langage que français. Même si c'est un slave, ses voyages, enfin tout ce qu'il a fait est écrit en français. Alors je me suis procuré l'édition partielle de Caillois mais ensuite, je suis remonté aux sources. Enfin j'ai, au gré des hasards, de mes recherches ou d'informations qui me sont venues, pu me procurer tout ce qui avait été imprimé du vivant de Potocki, c'est-à-dire les treize placards, les placards de Petersburg, les treize premières journées jamais mises dans le commerce. Et les deux éditions fragmentaires Avadoro et Dix journées de la vie d'Alphonse van Worden. Puis, les manuscrits existants, il n'y en a plus aucun complet. Mais il existe éparpillé un peu partout en Europe un certain nombre de brouillons, de copies autographes ou de copies de secrétaires de script. C'est la reconstitution d'un puzzle, mais où quand même nous guide la traduction polonaise de [Hoietski] qui donne le contenu narratif et le fil du récit, n'est-ce pas. Et alors évidemment, sur ces fils de récit, il s'agit d'après ce fil conducteur, il s'agit de placer les différents fragments que l'on a et surtout de voir lequel des textes est le plus définitif, n'est-ce pas ?
Interviewer
Comment on fait ?
René Radrizzani
Et bien on compare, on voit d'après les mots biffés, d'après les restitués, on voit quelle est l'histoire des manuscrits. Et on se rend compte de ce qui, parmi les manuscrits qui nous sont parvenus, représente le dernier des états. Et c'est ça qu'on prendra comme manuscrit de base mais, étant donné que jamais, enfin qu'aucun des manuscrits n'était vraiment parfait, il faut quand même tenir compte de tous les autres. Et il faut inclure les passages qui sont tombés dans le manuscrit de base.
Interviewer
Vous dites qu'on peut encore retrouver des manuscrits ou des fragments de manuscrit.
René Radrizzani
Certainement. Depuis que j'ai publié cet ouvrage, un héritier de Potocki, un héritier direct, le comte Marek Potocki, s'est mis en rapport avec moi et m'a transmis encore trois ensembles de fragments qui seront intégrés dans une future édition. Mais alors, ce qui est intéressant, c'est que précisément, c'est la confirmation de ce que je viens de vous dire, le contenu narratif ne change absolument pas. Ce sont uniquement des variantes textuelles.