La peintre Maria Elena Vieira da Silva

06 janvier 1979
02m 57s
Réf. 00092

Notice

Résumé :

Entretien avec les artistes peintres Maria Elena Vieira da Silva et son époux Arpad Szenes dans leur maison. Ils évoquent la couleur, la télévision, la peinture.

Type de média :
Date de diffusion :
06 janvier 1979
Source :
TF1 (Collection: IT1 13H )

Éclairage

Née à Lisbonne en 1908, Maria Elena Vieira da Silva ne cessera de faire le lien entre cette ville et ses azulejos qui hantent nombre de ses tableaux, et Paris, qu'elle gagne en 1928 pour y vivre jusqu'à sa mort en 1992. Elle quittera cependant l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et demeurera au Brésil jusqu'en 1947.

Les tableaux de Vieira da Silva laissent deviner sa personnalité : secrète, mélancolique, cérébrale. Celle qui a suivi des cours de dessin dès onze ans ne cessera de se former, de rechercher, d'apprendre de nombreuses disciplines : peinture, sculpture, anatomie, gravure, tapisserie. Elle suivra à son arrivée à Paris des enseignements prestigieux : Dufresne et Friesz en 1928, l'académie de Fernand Léger et les cours de Bissière en 1929. En 1930, elle épouse le peintre hongrois Arpad Szenes, qu'elle ne quittera qu'à sa mort, en 1985. Admiratrice de Torres Garcia, Vieira da Silva est généralement classée parmi les peintres abstraits de la Seconde Ecole de Paris, où figurent notamment Pierre Soulages et Nicolas de Staël.

Reste que l'influence du cubisme est prégnante dans l'oeuvre de l'artiste, dans cette manière de renouveler les procédés de la figuration, avec des lignes de fuite, des jeux chromatiques et des mosaïques complexes évoquant un paysage urbain en terrasse. Habitée par la musique et la poésie, sa peinture vint notamment illustrer des travaux de Pierre Boulez et René Char.

Cécile Olive

Transcription

Dominique Baudis
Tout à l'heure, ce 6 janvier marque un anniversaire. Chaque année, le 6 janvier, nous fêtons l'anniversaire de la naissance de TF1 actualités et nous le faisons toujours en plaçant nos émissions sous l'égide d'un grand artiste contemporain. Calder, Miró, Bram Van Velde, ont illustré nos journaux des 6 janvier 1976, 77 et 78. Et cette année, pour marquer le quatrième anniversaire de la naissance de votre journal télévisé, notre rédacteur en chef, Christian Bernadac a choisi la grande artiste Vieira Da Silva. Ses peintures illustreront notre édition de 20 heures, ce soir, mais nous la retrouvons tout de suite en compagnie de son mari, le peintre Arpad Szenes. Lui aussi, d'ailleurs, vient, à son tour, de recevoir le grand Prix National des arts. Entre eux, 53 ans de vie commune, de recherche artistique et de dialogue, comme celui qu'a recueilli Nicole Brisse.
Nicole Brisse
Vieira Da Silva, Arpad Szenes, deux noms indissociables de l'art abstrait, deux géants de l'art contemporain qui nous ont reçus, hier, avec une extraordinaire simplicité. Nous avons parlé d'art, évidemment, mais aussi de télévision (ça s'imposait), de télé couleur.
Maria Elena Vieira da Silva
J'aime la couleur, j'aime beaucoup.
Arpad Szenes
Parce qu'on peut arranger les couleurs.
Nicole Brisse
Surtout si je peux les fausser complètement. Est-ce que vous parlez ensemble, quand vous êtes tous les deux, de peinture ? Ou vous gardez chacun votre jardin secret ?
Maria Elena Vieira da Silva
Vous savez, c'est difficile de traduire en parlant de la peinture.
Nicole Brisse
Vous avez un langage secret entre tous les deux ?
Arpad Szenes
Ça, c'est clair.
Maria Elena Vieira da Silva
Parfois, c'est un geste.
Arpad Szenes
C'est très personnel, ce sont des signes.
Nicole Brisse
Dialoguer par signes, c'est très beau entre deux artistes. Est-ce que vous vous comprenez ? Est-ce que ces signes sont toujours compris de l'un et de l'autre ?
Arpad Szenes
Pas toujours. Fatalement...
Nicole Brisse
Vieira Da Silva dit oui.
Arpad Szenes
Oui, en principe, oui.
Maria Elena Vieira da Silva
Mais même avec d'autres peintres, il y a des choses qu'on dit à moitié et qu'on comprend comme vous, un photographe avec un autre photographe peuvent se comprendre à demi-mot.
Nicole Brisse
Arpad, est-ce que vous savez parler de la peinture de votre femme ?
Arpad Szenes
Je ne sais pas si je sais. Je sais aimer la peinture de ma femme, mais parler, [inaudible] parler trop. [inaudible] je parle comme un peintre dans le superlatif qui est toujours amoureux. C'est seulement 50 ans d'amour.
Nicole Brisse
Il y a, chez vous, une force régulière et sereine.
Maria Elena Vieira da Silva
Elle doit être très inconsciente parce que je ne me rends pas compte quand j'ai un doute.
Nicole Brisse
Vous l'avez encore, ce doute, devant la toile ?
Arpad Szenes
Toujours.
Maria Elena Vieira da Silva
Toujours.
Nicole Brisse
Le doute, l'une des motivations les plus fortes de l'artiste éternellement aux aguets.
(Silence)