La ligne Morice

06 mars 1959
14m 51s
Réf. 00005

Notice

Résumé :

Ce reportage de Cinq colonnes à la Une, commenté en plateau avec une carte par Pierre Desgraupes et le reporter Georges Penchenier, porte sur la frontière entre l'Algérie et la Tunisie, baptisée "ligne Morice", qui relie Bône et Negrine. Celle-ci, longue de 450 kilomètres, est doublée par un barrage électrifié et est surveillée nuit et jour par des soldats français contre d'éventuelles attaques de "fellagas".

Type de média :
Date de diffusion :
06 mars 1959
Source :

Éclairage

Ligne de défense armée, la ligne Morice a fonctionné à partir du mois de juillet 1957. Elle isolait l'Algérie des risques que représentaient les frontières trop poreuses avec la Tunisie ou le Maroc, indépendants depuis 1956, et pouvant servir de lieu d'entraînement et de résidence pour les indépendantistes. Une première ligne fut installée à la frontière marocaine. D'abord composée de barbelés, elle fut perfectionnée à l'aide de postes de surveillance et au moyen d'une électrification. C'est André Morice, ministre de la Défense nationale, qui programma le bouclage des deux frontières.

Transformées en zones interdites, les terres à proximité de ces barrages virent leurs populations regroupées et/ou déplacées. Enfin, devant le danger que représentait la présence de l'ALN en Tunisie, une partie des lignes fut doublée, portant l'appellation de « ligne Challe », du nom du successeur du général Salan.

Finalement, ces barrages parvinrent à priver l'ALN qui agissait en Algérie du soutien que constituait l'aide extérieure. Une tactique qui eut un effet autant psychologique que stratégique sur la rébellion, puisqu'on considère que le nombre d'armes pouvant franchir chaque mois la frontière a considérablement baissé entre 1957 et 1960, année au cours de laquelle le barrage fut achevé.

Lorsque cette édition de Cinq colonnes à la une est diffusée à la télévision française (le 6 mars 1959), cela fait trois mois que ce magazine mensuel diffuse des reportages qui mêlent dimension pédagogique et contenu informatif. « Voici la frontière algéro-tunisienne » ne faillit pas à cette règle : le descriptif des lieux accompagne la narration des actions pouvant s'y dérouler, le journaliste (aidé en certaines circonstances par des militaires) se faisant instructeur pour faire passer des idées et en tirer des conclusions, parfois même sous forme de leçon morale.

Ici, le téléspectateur est pris par la main pour comprendre les choix – et succès – stratégiques de son armée. Avant que ne soit lancé le reportage, Pierre Desgraupes explique que sera montré un barrage « que vous n'avez jamais vu (et que) cinq colonnes a décidé de vous [...]montrer ». La séquence suivante filme donc une guerre sans guerre, dans laquelle l'Armée contrôle terre et hommes. D'ailleurs, Pierre Desgraupes remarque : « On voit peu d'images de guerre ». Une absence que compense la séquence suivante, maîtrisée elle aussi car centrée sur des caractères techniques où sont valorisées la modernité et les compétences de l'armée française.

En phase avec la politique du gouvernement de l'époque (le général de Gaulle a été élu président de la Ve République le 21 décembre 1958), Cinq colonnes rassure et filme une guerre sans mort, sans risque donc « pour ces centaines de gars de chez nous » qui, par exemple, veillent sur la ligne Morice.

Béatrice Fleury

Transcription

(Musique)
(Bruit)
Pierre Desgraupes
Eh bien, ces scènes de guerre auxquelles vous venez d’assister et qui, pour vous, sont comme une actualité insolite, pour vous qui êtes en ce moment confortablement assis dans votre fauteuil, qui irez demain, comme tous les matins, à votre bureau, elles sont, en revanche, la réalité quotidienne pour des centaines de gars de chez nous. Ce sont les militaires Français qui se trouvent sur la frontière algéro-tunisienne, sur ce fameux « barrage électrifié » qui est tout le temps au premier plan de l’actualité chaque fois qu’il est question soit de l’Algérie, soit des rapports franco-tunisiens, que Monsieur Bourguiba a appelé au cours d’une récente conférence de presse « le barrage qui tue ». Eh bien, ce barrage dont on vous parle tout le temps, vous ne l’avez jamais vu. Et, c’est pourquoi Cinq Colonnes à la Une a décidé de vous le montrer. Et Georges Penchenier qui est ici à côté de moi, puisqu’il est rentré, et François Chatel, nos envoyés spéciaux, sont partis la semaine dernière. Ils ont pris l’avion d’Air France à Paris, et quelques heures après, ils étaient au pied même du barrage à Bône. Alors, Georges Penchenier, avant de nous montrer ces images, voulez-vous commencer à nous raconter ce voyage, je pense, sur une carte ?
Georges Penchenier
Je crois que c'est le plus simple, en effet, c’est de regarder une carte. Et vous voyez là, sur cette carte, la Méditerranée, la frontière entre la Tunisie et l’Algérie en pointillés, et le barrage en gros traits. C’est ce barrage que nous avons suivi depuis la Méditerranée, c’est-à-dire depuis Bône, jusqu’au désert, c’est-à-dire jusqu’à Négrine.
Pierre Desgraupes
Eh bien, ce barrage, nous allons maintenant le voir grâce à nos cameramen, grâce à Georges Penchenier. Nous allons commencer le reportage en images. Alors, Georges Penchenier, où sommes-nous ? Ce fameux barrage, où commence-t-il exactement ?
Georges Penchenier
Eh bien, à peine à quelques kilomètres de Bône et nous sommes naturellement au bord de la Méditerranée. Ça, c’est le kilomètre 0 du barrage qui fait 450 kilomètres en tout. Ça, c’est la tour du bord de mer.
Pierre Desgraupes
La Tunisie est loin de là ?
Georges Penchenier
Oh ! A 70 kilomètres à peu près. Voilà le kilomètre 1. Et c’est une image qui a été prise, vous voyez, juste à côté du barrage électrifié.
Pierre Desgraupes
Et c’est ainsi pendant combien de kilomètres ?
Georges Penchenier
450, je viens de vous dire. Et vous avez, là, 500 Volts le jour, 5000 la nuit. Alors, nous, nous avons pris tout le long de ces 450 kilomètres jusqu’au Sud, jusqu’au désert. Il faisait un sacré mauvais temps.
Pierre Desgraupes
Ce qui contredit la légende que le temps est toujours beau dans ce pays.
Georges Penchenier
Voilà un pont qui a été sauté par les Fellagas, ce qui nous oblige, nous, à passer à gué. Seulement, ce pont, naturellement, a sauté avant l’installation du barrage. Parce que le barrage, si ce n’est pas « le barrage qui tue » selon la légende, c’est tout de même un signal d’alarme. C’est-à-dire que dès qu’il est touché… Ah, là, c’est un bourricot, comme vous pouvez voir. Il n’y a pas des mines partout.
Pierre Desgraupes
Il est dans la zone interdite, là ?
Georges Penchenier
La zone n’est interdite que la nuit. Pendant le jour, tout de même, il y a des gens qui y passent.
Pierre Desgraupes
Oui. On a tout de même l’impression d’un désert pendant le jour. On ne rencontre personne.
Georges Penchenier
Et pour cause, c’est que nous y arrivons, au désert. Mais en tout cas, il est normal qu’on ne rencontre pas grand-monde le jour puisque c’est la nuit que se passent toutes les bagarres. Ici, nous arrivons dans le Sud, accueillis par les sauterelles. Et ça, des sauterelles, nous en avons eu tout de suite dans tout le camion, dans nos chaussures, dans nos chemises. On en aurait mangé. Et le restaurant de l’Oasis... Ici, à Bir el-Ater, n’offrait que de la cuisine chinoise.
Pierre Desgraupes
Mais où sont les militaires pendant le jour ?
Georges Penchenier
Eh bien, ils dorment. Ils réparent le matériel et puis, éventuellement, ils peuvent passer à l’attaque s’il y a quelque chose de déclenché.
Pierre Desgraupes
Pourquoi des marins ?
Georges Penchenier
Ça, en plein désert, c’est Fort Soukiès, qu’ils appellent naturellement Port Soukiès, et c’est parce que les marins sont des spécialistes du radar. Parce que dès qu’on arrive dans le Sud, alors le pays devient plat, et à ce moment là, le radar peut doubler la ligne et signaler l’approche des Fellagas avant même qu’ils arrivent au barrage. Alors, le radar, là, fonctionne de jour pour nous. Mais en réalité, ce n’est que la nuit qu’il opère.
Pierre Desgraupes
Ils doivent se sentir un peu dépaysés, ces pauvres marins ?
Georges Penchenier
Pas du tout. Ils ont gardé leurs habitudes de bord. Ils prennent la canote au lieu de la jeep. Et ils vont à terre, naturellement, quand ils sortent du fort. Voilà, ça c’est la dernière étape, au bout de 8 jours, en somme, de piste le long du barrage. Nous arrivons à la première grande oasis. C’est Négrine qui est tenue par les légionnaires et les Spahis. Et à côté, vous voyez à côté de ces rochers, vous voyez la palmeraie, une palmeraie de 25 000 palmiers pour 1 000 habitants, ce qui est considérable comme rapport. Et c’est le bout du barrage. Voilà. Alors, après ça, c’est le désert. C’est absolument plat. Et c’est là que le radar joue son véritable rôle. Mais alors, ça, nous y viendrons tout à l’heure. Pour l’instant, quelques vues encore de la palmeraie, qui est superbe, où on se promène de façon très agréable le jour mais on évite de le faire la nuit parce que la nuit, mon Dieu, vous voyez par exemple, ces crêtes…
Pierre Desgraupes
C’est dangereux ?
Georges Penchenier
Ah oui, c’est les dernières crêtes de l’Atlas. Alors, là, les Fellagas, ils viennent.
Pierre Desgraupes
Jusque là, nous voyons beaucoup l’image de paix et assez peu d’image de guerre. J’imagine que tout de même, il doit y avoir aussi la guerre dans ce coin ?
Georges Penchenier
Nous allons arriver aux images de guerre, et c’est d’ailleurs quelqu’un d’autre que moi qui va vous en parler. C’est le Général Dulac qui est le Commandant de la frontière et qui est même temps Préfet de Bône. Mon Général, sur le plan militaire, premier problème évidemment, c’est la défense du barrage. Est-ce que vous pouvez me dire comment cette défense est assurée ?
Général Dulac
Eh bien, l’efficacité de ce barrage repose sur une combinaison très étroite de moyens techniques sans cesse en évolution, et de moyens humains. Dans ces moyens humains, qui font appel aux troupes de toute catégorie, le plus original est certainement celui qui s’appelle communément « La Herse ».
Georges Penchenier
Alors, qu’est-ce que c’est que La Herse ?
Général Dulac
Eh bien, La Herse est née de la nécessité de donner au barrage une vie intense la nuit, puisque c’est la nuit que l’adversaire fait son effort principal. C’est-à-dire que nous avons demandé à des unités de vivre la nuit et d’opérer la nuit comme il est courant de travailler et d’agir le jour.
Georges Penchenier
Oui, eh bien, c’est un travail pénible, en tout cas fastidieux. Tous les jours, ou plutôt toutes les nuits, le même cérémonial recommence. Alors là, ce soir là justement, ça n’a rien de spécial d’ailleurs, il y a eu un franchissement et nous avons assisté à l’alerte et aux tirs sur le barrage.
Pierre Desgraupes
Il pleuvait ?
Georges Penchenier
Oui, bien sûr.
(Bruit)
Georges Penchenier
Eh bien, nous étions rentrés. Nous étions arrivés sur la route. Nous avons rencontré donc La Herse sur la route, par hasard. Mais je dois vous signaler, en même temps, que c’est là que lundi dernier, ou à quelques kilomètres près, du côté de Gambetta, c’est là qu’il y a eu, de nouveau, une offensive fellaga et on a fait à ce moment là 28 prisonniers. Le Capitaine que vous venez de voir en était, lui, à sont 252ème jour de Herse, et cela en moins d’un an. Et alors, tous les jours donc, vous voyez, c’est flagrant.
Pierre Desgraupes
Toutes les nuits.
Georges Penchenier
Toutes les nuits, sillonne la route le long du barrage pour le surveiller et pour intervenir si à un endroit, le barrage est franchi. Ceci pour répondre à votre question de tout à l’heure, puisque vous demandiez pourquoi le jour, on ne voyait personne. Parce que c’est la nuit que ces gens-là travaillent. Alors ça, ça se passe du côté de Souk Ahras. Mais dans le Sud, c’est à peu près la même chose à ceci près que le travail se fait au radar. Alors, grâce au radar, naturellement, on peut s’apercevoir beaucoup plus tôt de l’approche de l’ennemi. Dès que l’image du radar bouge, c’est qu’il y a un obstacle mobile. Et à ce moment-là, ça peut être évidemment un animal mais ça peut être aussi un Fellaga. Et vous allez assister à tout le déclenchement de l’opération.
Inconnu 1
Echo en 2755. Distance : 9600.
Inconnu 2
Gisement 2755. Distance : 9600.
Inconnu 3
Artilleur, préparez un tir. Gisement : 2655. Distance : 9100.
Inconnu 4
Gisement : 2655. Distance : 9100.
Inconnu 5
Feu !
(Bruit)
Georges Penchenier
Eh bien jusqu’à présent, nous avons vu la guerre sur le barrage. Mais il reste encore un autre problème : c’est la paix sur le barrage. Alors, cette fois-ci, ce n’est plus au Général que je m’adresse, c’est au Préfet de Bône.
Général Dulac
Eh bien, la paix du barrage résulte de l’isolement que le barrage permet de réaliser entre les éléments sains de la population et les éléments rebelles. Elle est perceptible, à l’heure actuelle, d’une façon particulièrement vivante aux abords même du barrage et surtout aux abords ouest, c’est-à-dire à ceux qui raccordent le barrage avec l’intérieur. Dans quelques temps, nous aurons à percevoir une paix nouvelle. C’est celle qui résultera de la création du barrage avant, de Souk Ahras à Tébessa, et qui isolera entre deux barrages, un Ouest et un Est, une population importante qui, nous l’espérons, pourra vivre dans une paix complète.
Georges Penchenier
C’est le cas notamment du bordj d’El Meridj, à 2 kilomètres à peine de la Tunisie. Et là, l’Officier SAS, le Capitaine Bouguereau a créé une véritable municipalité, ce qui, dans le fond, n’a jamais existé dans le bled en Algérie. Bon, là, ça fait à peu près deux ans et demi que vous êtes là ?
Capitaine Bouguereau
Exactement, voilà. A un mois près.
Georges Penchenier
Comment expliquez-vous que pendant deux ans et demi, les Fellagas vous aient laissé tranquille pratiquement ?
Capitaine Bouguereau
Eh bien, quand j’y réfléchis, je crois qu’à l’origine, ils ont négligé El Meridj comme objectif valable et méprisé l’action que nous avions reçue l’ordre d’y mener.
Georges Penchenier
Mais ils passaient à côté du poste ?
Capitaine Bouguereau
Ah, ils passaient certainement. D’ailleurs, nous en avons eu plusieurs fois les preuves, n’est-ce pas ?
Georges Penchenier
Et il n’y avait pas, à ce moment-là, de barrage électrifié ?
Capitaine Bouguereau
Il n’y a pas de barrage électrifié…
Georges Penchenier
Alors, c’est grâce à ce laps de temps, ces deux ans et demi pendant lesquels ils vous ont laissé tranquille, c’est grâce à cela que vous avez pu construire ?
Capitaine Bouguereau
Oui. Exactement.
Georges Penchenier
Alors, qu’est-ce que vous avez fait pratiquement comme construction ?
Capitaine Bouguereau
Eh bien, au mois de juin 57, nous avons commencé par construire un village, un village de style traditionnel en toub, n’est-ce pas, et dans lequel nous avons regroupé la population.
Georges Penchenier
La population qui était près de la frontière.
Capitaine Bouguereau
Nous avons choisi celle qui était juste près de la frontière.
Georges Penchenier
En somme, c’est une question de sécurité. Il s’agissait de les mettre à…
Capitaine Bouguereau
Il s’agissait de les rapprocher du poste militaire, de façon que l’armée puisse assurer leur sécurité.
Georges Penchenier
Eh bien, nous y sommes, dans ce village qui a été construit par le Capitaine Bouguereau.
Pierre Desgraupes
Pourquoi donne-t-il l’impression d’être aussi vétuste s’il est récent ?
Georges Penchenier
Probablement parce que d’abord, le Capitaine n’avait pas beaucoup de moyens. Mais aussi, il ne faut pas l’oublier, parce qu’il a voulu construire selon la tradition locale. Il n’a pas voulu que les gens soient transplantés immédiatement dans du moderne.
Pierre Desgraupes
Ils sont nombreux à vivre là ?
Georges Penchenier
Ah oui ! Il y tout de même 500 familles. Et alors, juste à côté, il y a le centre, moderne, qui est le centre commercial, en dur. Alors, vous avez le Maire, ici, qui est en même temps épicier. Un autre épicier. Et si vous voulez, si vous aimez les dattes écrasées, voilà. Le grand succès du Capitaine, c’est son moulin. Il veut créer une coopérative, il a même reçu un tracteur de sa ville natale, Clermont Ferrand. Voilà le garde-champêtre, et puis derrière, la maison du garde-champêtre, la Mairie et la Poste.
Capitaine Bouguereau
Nous avions, en 57, reçu la mission de créer les délégations spéciales, c’est-à-dire les nouveaux Conseils municipaux, dans un pays où on n’en avait jamais parlé, n’est-ce pas ? Ici, à El Meridj, en particulier. Et à toutes les personnes que j’ai contactées pour leur demander de bien vouloir rentrer dans ce Conseil…
Georges Penchenier
Refus catégorique.
Capitaine Bouguereau
Refus catégorique. Un beau jour, dans mon bureau, je les ai réunis, j’ai fermé la porte et je leur ai dit : « Allez, entre nous maintenant, d’homme à homme, n’est-ce pas ? Il ne sortira rien de ce que nous dirons, qu’est-ce qu’il se passe ? » Alors là, un homme a eu le courage de dire : « Nous avons reçu l’interdiction des hors-la-loi » ! Pas question de rentrer dans ces Conseils.
Georges Penchenier
Alors, qu’est-ce que vous avez fait ?
Capitaine Bouguereau
Eh bien, ce que j’ai fait ? Et bien, je leur ai dit : « Ecoutez. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’administrer ce pays. Il s’agit d’administrer ce pays démocratiquement. N’est-ce pas ? C’est vous, maintenant, qui allez administrer le pays comme ça se passe en métropole, dans notre Métropole. Il ne sera pas question entre nous de faire de politique. Administrer une Commune, ce n’est pas faire la politique. Eh bien, allez donc voir le Chef rebelle, vous savez où il habite à [Kalatestan]. Passez la frontière. Vous la passez déjà assez souvent pour vos affaires personnelles, (le commerce), n’est-ce pas ? Allez le voir et dites-lui : « Il n’est pas question de faire de politique, mais question de sortir ce peuple dans la misère, ce peuple qui est ton peuple ! » »
Georges Penchenier
Et ils y sont allés ?
Capitaine Bouguereau
Ils y sont allés.
Georges Penchenier
Et qu’est-ce qu’il a fait, le chef rebelle ?
Capitaine Bouguereau
Et bien, le chef rebelle militaire, lui, a accepté.
Georges Penchenier
Quoi qu’il en soit, Bouguereau préfère avoir sa police particulière. Ce sont les Mokhaznis, ces cavaliers, et ils sont recrutés sur place. Ils font, dans la journée, 25 à 30 kilomètres. Et alors, comme ils risquent d’être encerclés par les Fellagas et menacés, ils ont un moyen de liaison bien simple avec le Bordj. Bouguereau a retrouvé le vieux pigeon voyageur.
Pierre Desgraupes
Et ainsi, le long de ces 450 kilomètres que Georges Penchenier et nos envoyés spéciaux ont parcourus pour vous et qui séparent deux mondes, la guerre et la paix alternent, vous le voyez, au rythme des jours et des nuits. Et ce retour des troupeaux qui, à l’approche de la nuit dans toutes les campagnes du monde, annoncent l’heure de la paix, ici où les pâturages sont en zone interdite, annoncent au contraire l’heure du danger.
(Bruit)