La ligne Morice
Notice
Ce reportage de Cinq colonnes à la Une, commenté en plateau avec une carte par Pierre Desgraupes et le reporter Georges Penchenier, porte sur la frontière entre l'Algérie et la Tunisie, baptisée "ligne Morice", qui relie Bône et Negrine. Celle-ci, longue de 450 kilomètres, est doublée par un barrage électrifié et est surveillée nuit et jour par des soldats français contre d'éventuelles attaques de "fellagas".
Éclairage
Ligne de défense armée, la ligne Morice a fonctionné à partir du mois de juillet 1957. Elle isolait l'Algérie des risques que représentaient les frontières trop poreuses avec la Tunisie ou le Maroc, indépendants depuis 1956, et pouvant servir de lieu d'entraînement et de résidence pour les indépendantistes. Une première ligne fut installée à la frontière marocaine. D'abord composée de barbelés, elle fut perfectionnée à l'aide de postes de surveillance et au moyen d'une électrification. C'est André Morice, ministre de la Défense nationale, qui programma le bouclage des deux frontières.
Transformées en zones interdites, les terres à proximité de ces barrages virent leurs populations regroupées et/ou déplacées. Enfin, devant le danger que représentait la présence de l'ALN en Tunisie, une partie des lignes fut doublée, portant l'appellation de « ligne Challe », du nom du successeur du général Salan.
Finalement, ces barrages parvinrent à priver l'ALN qui agissait en Algérie du soutien que constituait l'aide extérieure. Une tactique qui eut un effet autant psychologique que stratégique sur la rébellion, puisqu'on considère que le nombre d'armes pouvant franchir chaque mois la frontière a considérablement baissé entre 1957 et 1960, année au cours de laquelle le barrage fut achevé.
Lorsque cette édition de Cinq colonnes à la une est diffusée à la télévision française (le 6 mars 1959), cela fait trois mois que ce magazine mensuel diffuse des reportages qui mêlent dimension pédagogique et contenu informatif. « Voici la frontière algéro-tunisienne » ne faillit pas à cette règle : le descriptif des lieux accompagne la narration des actions pouvant s'y dérouler, le journaliste (aidé en certaines circonstances par des militaires) se faisant instructeur pour faire passer des idées et en tirer des conclusions, parfois même sous forme de leçon morale.
Ici, le téléspectateur est pris par la main pour comprendre les choix – et succès – stratégiques de son armée. Avant que ne soit lancé le reportage, Pierre Desgraupes explique que sera montré un barrage « que vous n'avez jamais vu (et que) cinq colonnes a décidé de vous [...]montrer ». La séquence suivante filme donc une guerre sans guerre, dans laquelle l'Armée contrôle terre et hommes. D'ailleurs, Pierre Desgraupes remarque : « On voit peu d'images de guerre ». Une absence que compense la séquence suivante, maîtrisée elle aussi car centrée sur des caractères techniques où sont valorisées la modernité et les compétences de l'armée française.
En phase avec la politique du gouvernement de l'époque (le général de Gaulle a été élu président de la Ve République le 21 décembre 1958), Cinq colonnes rassure et filme une guerre sans mort, sans risque donc « pour ces centaines de gars de chez nous » qui, par exemple, veillent sur la ligne Morice.