Cités nouvelles
Notice
Présentation du plan d'urbanisme et de la campagne de relogement de la population algérienne : remplacement des bidonvilles par des constructions en béton.
Éclairage
Les bidonvilles sont fréquement employés, dans les films de propagande, comme un élément qui serait propre à la culture traditionnelle des « musulmans ». Or l'existence même des bidonvilles est liée en grande partie, historiquement, d'une part au rejet des Algériens des meilleures zones agricoles par les colons dès le XIXe siècle, et d'autre part à l'action de l'armée française pendant la guerre d'Algérie, qui, en « regroupant » les villages (donc en déplaçant des centaines de milliers d'Algériens des campagnes) et en retirant ainsi les emplois liés à la terre, ont favorisé l'exil des paysans sans emploi vers les villes, menant à la construction de bidonvilles. L'action de la France en la matière est de détruire ces bidonvilles pour construire des villages ou des villes en dur à la place ; 1959 marque le lancement concret de la construction des « mille nouveaux villages » prévus dans le Plan de Constantine décidé par de Gaulle en octobre 1958 et piloté par Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement en Algérie nommé pour remplacer le général Salan en décembre 1958.
Il s'agit d'un film de propagande sur les « mille nouveaux villages ». Mais au lieu d'un film montrant le plan dans sa globalité (il en existe), celui-ci ne mentionne presque pas le plan de Constantine pour se concentrer sur le cas particulier d'un enfant, Tahar (qui, comme le note le speaker, « n'est qu'un enfant d'Algérie parmi tant d'autres »), dans la région de Bône, à Sidi Salem plus précisément. Les enfants sont eux aussi souvent employés dans la propagande sur l'Algérie car ils représentent le futur du pays ; ici, Tahar est donc en même temps le témoin du changement et une métaphore du changement. La musique du film est très légère, presque guillerette ; elle colle à une mise en scène construite, puisque le film est intégralement joué et n'est donc pas « documentaire ». Comme toujours dans la propagande, le but est d'orienter la lecture du spectateur, et de sélectionner pour ce faire les informations qui sont véhiculées. Ici, le film entier repose sur l'existence des bidonvilles et sur leur résorption grâce à la France ; or comme on l'a vu c'est la France elle-même qui les a générés en grande partie. Il s'agit donc essentiellement de « colmater » les erreurs du passé en les faisant passer pour des innovations ; on met alors en avant la « poussée démographique, à l'un des taux les plus élevés du monde » pour expliquer ce fait, tandis que la musique se fait dramatique sur les images de destruction des bidonvilles comme la Choumarelle. Le film met aussi en avant la mise au travail des hommes prenant part à cet « immense plan de construction et d'équipement ». « Notre petit ami Tahar » est également le témoin de la disparition des vieilles traditions, comme « ce marché vétuste, voué à disparaître » face au nouveau marché, « construit en dur ». Et si Tahar est « blessé, ou malade, il ira au centre social pour se faire soigner gratuitement ». Tahar a droit à un traitement de faveur : l'officier SAS le sort de l'école pour l'emmener visiter des appartements modernes et des cités, un homme lui faisant parcourir les lieux tandis que le speaker met en avant cette « vaste entreprise d'équipement et de rénovation dont le général de Gaulle a défini le plan à Constantine en octobre 1958 ». Le film se termine sur une musique pleine d'espoir, digne d'un Walt Disney, et sur un travelling arrière faisant penser aux Quatre cent coups : « Qui oserait regretter le passé ? Certainement pas Tahar ! » conclut le speaker.