Un match de football dans le Maroc sous protectorat

30 mars 1950
01m 03s
Réf. 00159

Notice

Résumé :

En mars 1950, l'équipe marocaine du Wydad Athletic Club bat l'Union sportive de Meknès, dominée par les Européens.

Date de diffusion :
30 mars 1950
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Les Actualités françaises reviennent, dans l'édition du 30 mars 1950, sur le match de football qui a récemment opposé le Wydad Athletic Club à l'Union sportive de Meknès. Le sujet est destiné à l'édition régionale du journal, projetée dans les salles d'Afrique du Nord. Il témoigne de la place prise par le sport dans la culture populaire locale. De fait, un nouveau rapport au corps, valorisé et exposé, se fait jour dans les sociétés maghrébines, par l'intermédiaire du football notamment. À la date de 1950, le spectacle de ces musulmans en short ne choque plus.

La bande musicale indique au public qu'il est dans l'information dite légère. Pourtant, les stades sont depuis l'entre-deux-guerres un espace d'affirmation nationale et un lieu essentiel de contestation pour ceux, nombreux, qui ne peuvent faire entendre leur voix sur la scène politique. La naissance du Wydad Athletic Club (WAC) à Casablanca en 1937 s'inscrit dans ce contexte et peut être mise en parallèle avec la création de l'Espérance Sportive de Tunis des années plus tôt (1919). Un peu partout dans le Maghreb colonial, se forment des équipes « musulmanes » et les matchs tournent à l'affrontement ethnique.

La foule des supporters enthousiastes est ici nettement dominée par les Marocains. De fait, le très populaire WAC, soutenu par le prince héritier Moulay Hassan, est devenu un symbole de résistance au colonisateur. Le match de mars 1950 l'oppose à l'Union sportive de Meknès (USDM), une équipe à majorité européenne. Le reportage met discrètement en scène cet antagonisme. Les joueurs de l'USDM sont filmés s'exerçant au jeu bien gaulois des boules avant le match contre les « indigènes du WAC ». L'utilisation du mot « indigène » est loin d'être anodine, car le terme résonne de manière plus abrupte dans l'après-guerre et tend d'ailleurs à s'effacer du langage de l'administration.

Le compte-rendu du match, centré exclusivement sur les exploits de l'USDM, apparaît pour le moins biaisé. Le commentateur loue la résistance héroïque du gardien européen, dont la blessure aurait scellé la défaite de l'équipe. Du match remporté 4 à 0 par le WAC (maillots rouges et blancs), un seul but est montré dans son entier déroulement : celui que l'USDM (maillots noirs et blancs) a marqué contre son propre camp... Ainsi, le reportage minore les faits d'arme du WAC qui domine pourtant le championnat d'Afrique du Nord depuis 1948. La musique swing, le public en liesse et les ballons qui volent ne sont bien qu'un trompe-l'œil derrière lequel se dévoile crûment la violence des rapports coloniaux.

Morgan Corriou

Transcription

Journaliste
Les joueurs de football de Meknès se décontractent en jouant aux boules avant leur grand match contre les indigènes du VAC de Casablanca. Ils sont présentés au Général Blanc et au Pacha de Meknès. Puis, c’est au tour de l’USD Meknès de recevoir les poignées de mains officielles. Et après l’échange de gerbes, c’est le coup d’envoi.
(Musique)
Journaliste
Pendant de longues minutes, Bottini, le gardien de but de Meknès va être le héros du match. Car les cinq avants du VAC le bombardent tour à tour. Il a beaucoup de mal à sauver son but sur une charge de [Jack]. Coup franc de Moha, la balle revient au centre du terrain où elle va d’un camp à l’autre. Mais Moha, en voulant arrêter un shoot, marque contre son propre camp. Et Bottini blessé, les buts vont se succéder. Grâce à [Mustafa Edric], le VAC bat Meknès par quatre buts à zéro.
(Bruit)