Le centenaire de la naissance du maréchal Lyautey
Notice
Au Maroc, une cérémonie rend hommage au maréchal Lyautey, né il y a cent ans.
Éclairage
L'hommage aux cendres du maréchal Lyautey est pour les officiels en visite au Maroc un passage obligé, systématiquement capturé par la caméra des actualités. Le mausolée de Rabat est donc un lieu familier pour le spectateur français, tout comme la figure de « Lyautey l'Africain », célébré comme le héros d'une colonisation humaniste, respectueuse des traditions locales. Résident général de France au Maroc entre 1912 et 1925, il aurait ainsi réussi à faire coexister harmonieusement Européens et Marocains, en rejetant l'administration directe et en protégeant le système sultanien. Le reportage de 25 novembre 1954 célébrant le centenaire de sa naissance reprend, à l'aide d'archives filmées, tous les topoï du mythe Lyautey, « créateur du Maroc moderne ». Issu d'une famille de militaires, cet officier de cavalerie passé par l'Algérie, l'Indochine et Madagascar est un proche de Gallieni. Il incarne le soldat laboureur (« soldat d'abord, puis bâtisseur d'un monde nouveau »), symbole hérité de l'Empire romain, profondément ancré dans le discours colonial français depuis Bugeaud. Le terme de « proconsulat », soigneusement choisi pour souligner l'exceptionnalité de son gouvernement et l'autorité absolue qu'il exerçât sur le Maroc, est également une référence directe à la Rome antique. La première image le montre en uniforme, couvert d'un burnous. Alors que la situation politique paraît enlisée au Maroc et que le jeune Front de libération nationale (FLN) déclenche les hostilités en Algérie, il s'agit bien d'exalter l'amitié franco-arabe. Le reportage insiste sur la participation de personnalités marocaines à la cérémonie, au côté des officiels français (dont le résident général Francis Lacoste). Le défilé militaire dans Casablanca est l'occasion d'un second plan sur un petit groupe de Marocains. Pour autant, la foule qui se presse derrière les barrières apparaît pour l'essentiel européenne. En 1954, le discours sur l'humanisme colonial semble depuis longtemps érodé et le maréchal Lyautey ne personnifie plus pour la population marocaine qu'un paternalisme insupportable.