Visite d'Emile Biasini à Soustons
Notice
Emile Biasini, président de la Mission Interministérielle pour l'Aménagement de la Côte Aquitaine, est à Soustons pour présenter aux élus et à la population locale les projets d'aménagement relatifs aux communes de Vieux Boucau, Soustons, Moliets, Messanges, Seignosse, Hossegor et Capbreton.
Éclairage
En 1967, l'État fonde la Mission Interministérielle pour l'Aménagement de la Côte Aquitaine, la MIACA. Philippe Saint-Marc en est le président jusqu'en 1970 ; Émile Biasini lui succède et reste à la tête de l'organisme jusqu'en 1985. Cet administrateur né en 1922, diplômé de l'École Nationale de la France d'Outre-Mer, assure également d'autres missions dans le domaine de la culture et suit notamment les "grands travaux" du président François Mitterrand entre 1982 et 1993.
À Soustons, en 1971, il présente donc le schéma d'aménagement n° 9 intéressant 7 communes appelées à développer leur potentiel touristique : Moliets, Messanges, Vieux Boucau, Soustons, Seignosse, Soorts-Hossegor et Capbreton ; les communes littorales de l'actuel pays Maremne-Adour-Côte Sud (MACS) regroupant 23 communes à partir de 2002.
L'Océan, la forêt et les lacs sont, de fait, les trois atouts majeurs qui doivent être pleinement utilisés dans ce programme constituant un canevas symbolisé, sur les plans, par des flèches reliant la côte à la frange intérieure du territoire couverte par la forêt ; une forêt ancienne, déjà présente sur la carte de Nicolas de Fer (XVIIe siècle) et sur la carte de Belleyme (fin du XVIIIe siècle) offrant par ailleurs, l'une et l'autre, une image bien différente du trait de côte de celui que nous connaissons aujourd'hui : estuaires (bocaus) des courants et tracé anastomosé de l'ancien lit de l'Adour y dessinent un découpage complexe qui rendent compte de l'ampleur des travaux réalisés au début du XXe pour stabiliser le cordon dunaire aujourd'hui linéaire.
Mais, pour l'instant, les préoccupations des aménageurs tournent autour de la valorisation de ces quelque 30 km de littoral ourlé de plages de sable fin, déjà fréquentées par les premiers surfers. C'est ainsi que, du côté des Estagnots et du Tuquet [1], à Seignosse-Le-Penon, entre 1967 et 1969, un centre commercial, deux Villages Vacances Famille (VVF), un club de surf et un camping-caravaning modifient déjà l'environnement alors qu'en 1970 on livre un premier plan d'eau artificiel de 5500 m2, alimenté par la mer.
Quand, en 1971, on inaugure le second plan d'eau salée, on peut comprendre la réaction de ceux qui privilégient la préservation des sites naturels. La donne est déjà changée et les propos d'Émile Biasini semblent en décalage avec la réalité quand il évoque le dialogue, "la mise en forme dialectique" des problèmes d'urbanisme considéré comme "une matière vivante...le fait d'hommes qui vivent dans un pays, désireux de modeler le cadre de leur vie future". Mis devant le fait accompli, les "gens du pays" ont du mal à se faire comprendre.
L'intérêt public prime en effet généralement sur l'usage et l'économie touristique française est passée, des années 1950 aux années 1980, de la marge au cœur de la société postindustrielle. L'allongement du temps de congés payés conjuguée à l'élévation du niveau de vie durant les Trente Glorieuses conduisent effectivement la Ve République à développer une politique ambitieuse d'aménagement du territoire sous l'égide de la DATAR [2] et des deux missions interministérielles littorales créées pour le Languedoc-Roussillon et l'Aquitaine. C'est l'époque où le tourisme populaire connaît une vive impulsion, avec l'essor des villages familiaux, villages-vacances, campings et chaînes hôtelières organisés en réseaux.
Comme toute mutation majeure - le passage de l'ancien système agro-pastoral à la sylviculture, à partir de 1857, notamment [3] - les bouleversements engendrent, dans les Landes, des réactions émotionnelles. Ici, elles sont spontanées chez une partie de la population qui se sent "dépossédée" quand d'autres saisissent l'occasion qui leur est offerte de "vivre et travailler au pays" [4] et considèrent, avant tout, les avantages d'une telle évolution.
Ces deux points de vue sont développés dans les argumentaires contradictoires des maires de la côte, généralement favorables à cette valorisation, mais largement controversés par des personnalités locales comme maître Xavier Defos du Rau ou le juriste et essayiste bordelais Jacques Ellul, soucieux de respecter les préconisations et l'éthique de la SEPANSO [5].
[1] Le gascon estanhòt est une forme diminutive de estanh, "étang"( latin stagnum) et tuquet une forme diminutive de tuc, "dune, monticule", mot d'origine prélatine. Quand la toponymie décrit exactement le paysage...
[2] Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale. Cet organisme prépare, impulse et coordonne les politiques d'aménagement tout en accompagnant les mutations économiques et en privilégiant une approche offensive de la compétitivité.
[3] De nombreux incidents marquent cette douloureuse transition. Des bergers mettent le feu aux premiers pinhadars ; d'autres se suicident.
[4] Expression valorisée par les paysans du Larzac qui luttent, au début des années 1970, contre l'installation d'un camp militaire. Leur slogan revendique le choix de vivre au pays : Volèm viure al país, en occitan-languedocien.
[5] Société pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest.