L'érosion des dunes à Mimizan

08 octobre 1966
04m 08s
Réf. 00032

Notice

Résumé :

A Mimizan, les engins des Ponts et Chaussées consolident les assises d'une villa dont les fondations sont menacées par l'érosion des dunes. Pour préserver le tourisme et les habitations riveraines, le conseiller général Cassagne espère l'aide des pouvoirs publics pour la mise en œuvre d'un plan d'ensemble d'aménagement des digues.

Date de diffusion :
08 octobre 1966
Source :

Éclairage

Les Mimizannais, comme tous les habitants du littoral des Landes de Gascogne, ont toujours lutté contre l'invasion des sables et l'incessante érosion des dunes. Un dicton local ne rappelle-t-il pas, en gascon [1], que le navigateur doit se préserver du "chant de la sirène, de la queue de la baleine et du clocher de Mimizan" ? Apercevoir ce clocher, qui servait d'amer, c'était en effet risquer de s'échouer. Car cette côte du Golfe de Gascogne est dangereuse et aucun port, entre Bordeaux et Bayonne, hormis Capbreton, ne peut abriter un vaisseau.

En 1966, un an avant la création de la Mission Interministérielle à la Côte Aquitaine (MIACA), les élus locaux s'émeuvent des dégâts causés par les grandes marées, d'autant plus que certaines maisons anciennes sont construites sur la dune vive plus ou moins stabilisée, et exposées aux aléas climatiques. Cette situation s'explique, selon le docteur Cassagne, conseiller général, par la configuration des lieux ; depuis 1873, en effet, le "courant" arrive au droit de la station balnéaire accentuant le phénomène naturel d'érosion engendré par les courants côtiers nord-sud.

Cet exutoire de l'étang d'Aureilhan prend naissance à Mimizan, à la passerelle de Gombaut et se fraie un chemin d'environ sept kilomètres entre les dunes, en autant de petits méandres qu'il y a de lettes à emprunter et de tucs à contourner, notamment le Tuc d'Udòs (51 mètres d'altitude) qui sépare le bourg de la plage.

Si aujourd'hui le nombre de pêcheurs y a diminué, longtemps l'activité halieutique y fut importante. Vers 1035, Guillaume, comte de Poitiers, et son frère Pierre donnent à l'église de Mimizan "la dîme de deux nasses ou pêcheries établies sur le fleuve côtier de cette localité" et un rôle gascon du 25 juillet 1281 autorise la construction d'un moulin sur le même cours d'eau, "entre l'étang et la mer" [2].

Mais, depuis cette époque où le "havre" de Mimizan accueillait quelques navigateurs et pèlerins, le visage du petit bourg a bien changé. Les cartes et portulans des XVIe et XVIIe siècles et la carte de Cassini de la fin du XVIIIe siècle rendent d'ailleurs compte de l'évolution du trait de côte et placent bien l'embouchure du "courant" au sud de l'actuelle station balnéaire alors que le cordon dunaire n'est pas encore réellement établi. De ces divagations anciennes témoignent encore deux petits étangs, les "Mailloueyres" [3], qui se trouvent aujourd'hui dans une réserve naturelle de la forêt domaniale. En 1828, suite à un automne et un hiver pluvieux, le barrage sablonneux, entre l'actuelle Mailloueyre et le lieu de l'embouchure actuelle, est rompu ; des travaux de redressement sont vainement entrepris en 1838.

En 1905, Maurice Martin dans son fameux ouvrage intitulé La Côte d'Argent, fait observer que "vingt chalets d'avant-garde" sont déjà édifiés par d'audacieux adeptes des séjours aux bains de mer dont la mode s'est développée. Héritage de cette belle époque du tourisme climatique, pareillement à Arcachon, la rive sud du courant est toujours qualifiée de "Ville d'hiver".

C'est dans ce secteur, régulièrement envahi par les sables arrachés à la dune nord que se situe "La Vigie" soumise à la fois, par l'effet conjugué du vent et de la mer, à l'ensablement et à l'érosion de la dune sur laquelle elle repose. Seule une digue protectrice peut s'avérer efficace mais il faut attendre l'année 2007 pour que des structures adéquates protègent le courant de l'ensablement. Canalisé entre deux digues, solidement empierrées, le "courant" ne divague plus, évacuant régulièrement les eaux du lac d'Aureilhan et des autres étangs du Born en amont.

Juguler l'avancée du sable demeure cependant, pour les services locaux de la D.D.E, une préoccupation majeure même si certaines techniques récentes comme la pose de filets sur les dunes, limite les dégâts.

[1] "Que Diu ens preservi deu cantic de la sirena, deu codic de la balena e deu clochèr de Mamisan."

[2] Cité par Bernard Saint-Jours, Le littoral gascon, page 163.

[3] Du gascon malhòu, "coquille bivalve ronde et striée des zones sablonneuses couramment appelée coque", dans une forme collective malhoèira.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
Ce pourrait être une carte postale de vacances pleines de soleil, de sable et d’océan. Nous sommes à Mimizan, dans les Landes sur cette plage immense et magnifique rendue célèbre par le vieil exploit de Lefèvre, Assolant et Lotti. C’est là qu’ils terminèrent leur traversée de l’Atlantique. Mais aujourd’hui, ce sont d’autres appareils moins gracieux mais plus utiles qui fouillent le sable fin de la plage. Les fortes marrées de ces temps derniers ont dévoré la falaise sur laquelle sont bâties les villas d’estivants. L’une d’entre elles, La Vigie, est tellement sapée à la base que si la mer enlève quelques mètres cubes de sables supplémentaires, elle va basculer sur ses fondations. A Mimizan, on est inquiet, et le conseiller général, le docteur Cassagne fait le point.
Cassagne
Eh bien, voyez-vous, il s’agit d’un problème quand même qui date quand même de très longtemps, puisque c’est un problème qui date de 1873, environ ; à savoir depuis le redressement du courant de Mimizan qui, autrefois, allait se déverser environ à 3,500 km au sud. Depuis cette date environ, la Commune de Mimizan a eu à faire face à de problèmes multiples, à savoir surtout le problème de faire face à la mer et la dégradation qui s’ensuivait de toute la dune ; et, en même temps, par voie de conséquence, à l’envahissement des sables.
Journaliste
Les pouvoirs publics, alertés, ont réagi aussitôt. Et la promptitude des secours dépêchés sur les lieux par Monsieur le préfet des Landes a permis dans la journée d’hier de consolider les assises de la Vigie. On va peut-être sauver la maison de vacances de Madame Ave.
Intervenante
J’aime Mimizan parce que je l’ai connu il y a 20 ans. que j'ai découvert le charme de l’océan et la solitude de cette maison.
Journaliste
Et justement, cette maison a failli mourir hier ?
Intervenante
Oui, elle a failli mourir et elle est sauvée peut-être grâce à vous, je dois le dire.
Journaliste
Vous aimez l’océan Madame ?
Intervenante
Oui beaucoup.
Journaliste
Pourquoi ?
Intervenante
Je ne sais pas, c’est très difficile de vous l’expliquer pourquoi je l’aime. J’aime l’océan parce que le matin je viens là sur cette terrasse lire des livres que j’aime et être seule en face de la mer.
Journaliste
Est-ce que vous aimez aussi le regarder toute seule, sans personne ?
Intervenante
Oui, seule pendant des heures. Sans les…
Journaliste
Qu’est-ce qu’il vous apporte ?
Intervenante
Je ne sais pas, une espèce de calme, de repos.
(Bruit)
Journaliste
Mais pour aujourd’hui, point de repos pour Madame Ave. A la place des baigneurs, elle peut voir depuis sa véranda devenue un balcon suspendu, le laborieux effort des bulldozers, des grappeurs et autres engins que les ponts et chaussées ont mis en œuvre. Dans la journée d’aujourd’hui, les moyens ont été doublés et les hommes essayent de reconstituer patiemment ce que la nature a détruit en quelques jours.
Intervenant
Eh bien, nous avons eu effectivement la visite, hier, de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées donc je le remercie. Et cet ingénieur a décidé de faire des travaux immédiatement pour préserver cette villa. Je pense qu’on y réussira. Seulement, il s’agit quand même d’un problème qui est là, purement local, puisque dans la mesure où il n’y a pas un processus du moins, un plan d’ensemble qui soit fait, nous n’arriverons à rien.
Journaliste
Et ce plan d’ensemble, en quoi consiste-t-il ?
Intervenant
A faire d’abord la digue, on doit prolonger la digue sud et de faire une digue nord. La Commune, elle est tenue par une…des finances qui sont quand même assez modiques. Et elle compte également être aidée surtout par les pouvoirs publics. Et il faudrait surtout que les pouvoirs publics s’intéressent au cas de Mimizan, à cette digue, au redressement du courant ; d’une part pour préserver les habitations riveraines qui ont été ensevelies par les flots ; d’autre part également, par voie de conséquence, pour le tourisme ; et permettre par une digue, l’allongement d’une digue, création d’une digue nord en même temps ; d’une part la préservation de ces habitations ; et d’autre part également peut-être création d’une sorte de petit port de refuge pour des bateaux.
Journaliste
A Mimizan donc, l’espoir renaît, un espoir tempéré cependant par une incertitude. Qui des deux sera le plus fort : des bulldozers de l’administration ou de cet océan majestueux et terrible ?