Lacs Landais
Notice
Explications sur les problèmes d'envasement et de pourrissement des algues, des joncs, et des nénuphares dans l'eau du lac de Soustons.
Éclairage
Le début des années 1970 constitue un tournant dans l'évolution de l'environnement et des mentalités un peu partout en France. Poussés par le désir de promouvoir leur région et par la volonté d'améliorer le niveau de vie des citoyens, les décideurs encouragent les plans d'aménagement de tous ordres tout en commençant à prendre conscience des limites de ces bouleversements. Ainsi commence-t-on à s'inquiéter, à l'instar du philosophe aquitain Jacques Ellul (1), de l'accélération de l'exode rural entraînant le mitage des secteurs périurbains et de l'intensification de l'agriculture, indissociable de l'utilisation d'engrais chimiques.
Ce n'est donc pas un hasard si, dans ce contexte, Michel Péricaud (2), passionné par les questions liées à l'environnement, lance en 1971 l'émission intitulée La France défigurée, qui accompagne l'émergence de ce que l'on appelle encore « l'écologisme ».
Le plan Racine, qui a bouleversé la donne sur la façade méditerranéenne, démontre bien, en effet, qu'il faut être prudent en Aquitaine, où les différents schémas d'aménagement dessinés par la DATAR puis la MIACA (3) augurent de mutations profondes. On commence en effet à constater des altérations du milieu en raison de la fréquentation touristique exponentielle et du développement de pratiques incompatibles avec un environnement fragile. Car ici, aux confins des pays de Maremne et de Marensin, les pêcheurs ne sont plus seuls à fréquenter les lieux ; le beau plan d'eau de Soustons est devenu célèbre depuis que l'équipe de France d'aviron y a fait un séjour d'entraînement pour préparer les Jeux Olympiques de Tokyo (1964), grâce aux bonnes relations que le Docteur Barrère, alors maire de la commune, a établies avec le colonel Marceau Crespin (1913-1988), ancien chef de corps de l'EAALAT à Dax, devenu directeur national de l'éducation physique et sportive au ministère de la jeunesse et des sports...
Un centre nautique y est même inauguré en juillet 1971, à la Pointe des Vergnes, par le Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas, ardent défenseur de la côte aquitaine. L'établissement reçoit au fil des ans de nombreux stagiaires de toutes les disciplines (aviron, voile, canoë, rugby, foot, biathlon...). Autant dire qu'il faut veiller au maintien des conditions d'accueil sur ce site de nature fragile, soumis aux aléas d'un écosystème compliqué (4).
À l'heure où l'on parle de plus en plus de décentralisation et où des programmes régionaux sont mis en œuvre pour développer le tourisme, la MIACA, dont la politique est validée par des directives d'État, permet, dans un programme cohérent, de valoriser le littoral tout en le préservant des désordres irréversibles qui touchent déjà d'autres littoraux français. D'ailleurs, dans les brèves allocutions de la journée du 12 juillet 1971 où il inaugure, en quelques heures, le premier tronçon du canal transaquitain, le doublement de la nationale 10 et le centre nautique de Soustons, Jacques Chaban-Delmas ne dit pas autre chose : il faut certes augmenter la quantité et la durée de la fréquentation touristique, améliorer les équipements mais veiller aussi à maintenir un équilibre écologique et humain sur le territoire ; valoriser ce triptyque lacs-océan-forêt « unique au monde » en alternant zones aménagées et secteurs d'équilibre naturel.
On comprend pourquoi, dans l'opération de maintenance des étangs de Léon et de Soustons, les roseaux sont arrachés à la main et les nénuphars (platuishas en gascon), autochtones mais invasifs, sont en partie épargnés pour leur valeur esthétique.
(1) Jacques Ellul (1912-1994) est un philosophe bordelais, professeur d'histoire du droit, sociologue et théologien protestant, auteur d'une soixantaine d'ouvrages. Surtout connu comme penseur de la technique et de l'aliénation au XXe siècle. Sa prise de conscience « écologiste » est antérieure à son engagement militant au sein du Comité de Défense de la Côte Aquitaine, - présidé par son ami Bernard Charbonneau de 1973 à 1977 et par lui-même de 1977 à 1979 - destiné à contrer l'action de la MIACA. et de son président Emile Biasini.
(2) Michel Péricaud (1929-1999) est un homme politique français, ancien journaliste, directeur de l'ORTF de 1975 à 1977.
(3) Mission Interministérielle d'Aménagement de la Côte Aquitaine, créée en 1969 et dirigée par Philippe Saint-Marc puis Émile Biasini.
(4) Fénié (Jean-Jacques) et Taillentou (Jean-Jacques), Lacs, étangs et courants du littoral aquitain, éditions Confluences, Bordeaux, 2006.