La production d'Armagnac sur le domaine de Boingnères

20 février 1984
03m 27s
Réf. 00183

Notice

Résumé :

Producteur d'armagnac sur le domaine de Boignères, Léon Laffite exporte ses eaux de vie vers l'Europe et, depuis 1982, vers les Etats-Unis. Face à l'augmentation de la demande sur le marché viticole, il choisit de privilégier la qualité à la quantité et de diversifier sa production pour faire face à la concurrence.

Date de diffusion :
20 février 1984
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

C'est vers le milieu du XVIIe siècle ou quelques années avant que l'on a commencé à distiller les vins en Armagnac et dans les régions contiguës (Marsan essentiellement) ; auparavant, c'était les apothicaires qui utilisaient les alambics afin de produire des parfums ou des médicaments. La demande en eaux-de-vie provenait des Pays-Bas qui en avaient besoin pour leur commerce avec la Baltique et qui avaient déjà fait produire des alcools de vin dans les régions nantaise, charentaise et bordelaise, des régions qui ont précédé la nôtre de plusieurs dizaines d'années C'est par l'intermédiaire des marchands de Bayonne, relayés par ceux de Mont-de-Marsan, que cette activité se mit en place, les Hollandais apportant les capitaux et les chaudières (c'est ainsi qu'on appelait alors les alambics). Comme toute activité nouvelle, celle-ci connut des débuts hésitants, les quantités distillées variant avec le niveau de la récolte. La zone de production correspond alors à ce qui est connu aujourd'hui comme le Bas Armagnac et, dans le futur département du Gers, à la Ténarèze. La qualité des eaux-de-vie est inférieure à celles des Charentes et de Nantes, équivalente à celles qui transitent par Bordeaux et sont produites dans l'Agenais, et supérieures à celles du Languedoc et de Catalogne qui apparaissent vers 1670. C'est que la concurrence est rude, les Hollandais, principaux acheteurs jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, tâchant de s'approvisionner à moindre coût. Ce n'est que vers 1770 que l'on commence à faire vieillir certaines eaux-de-vie et c'est vers la même époque que se développe la consommation intérieure bientôt relayée par celle des armées de la Révolution et le l'Empire.

Le XIXe siècle est marqué par la hausse continue de la production interrompue dans les années 1850 par la crise de l'oïdium, assez vite enrayée, si bien que le Second Empire peut être considéré comme l'âge d'or de l'Armagnac. Les superficies culminent au milieu des années 1870 lorsque la crise du phylloxéra vient tout remettre en cause et quand, au début du XXe siècle, la replantation du vignoble est achevée, sa superficie est bien plus faible que trente ans auparavant. Dans de nombreuses zones, le vignoble a disparu et il est bien contracté en Chalosse, Tursan et Armagnac. Le XXe siècle confirmera cette tendance, notamment sa deuxième moitié qui voit le disparition des vignobles familiaux résiduels, les vignobles de qualité arrivant à se maintenir, mais avec des superficies bien réduites.

Francis Brumont

Transcription

Journaliste
Nous sommes dans l’un des chais du domaine de Boignères situé en plein Bas-Armagnac à la lisière des Landes et du Gers. Le maître des lieux, Léon Lafitte, 74 ans. Il perpétue la longue tradition des producteurs de ce domaine né sous le premier empire en 1807. Ici, le temps semble s’être figé. Le geste rituel est répété inlassablement, le contrôle systématique des fûts où est entreposé l’armagnac amoureusement fabriqué. La recette, beaucoup de travail, de la passion et aussi de la patience, mais le secret, c’est la terre qui le détient.
Léon Lafitte
Evidemment le terroir, c’est une grosse partie pour la qualité, mettons 70%. Mais après les 30% autres, il y a la vinification du vin, il faut un bon vin pour faire une bonne eau-de-vie. Ensuite, il y a la distillation. Et quand on a la chance d’avoir l’appareil chez soi, on peut distiller comme on veut et quand on veut, ce qui est très important.
Journaliste
Léon Lafitte est l’un des rares producteurs à posséder un alambic. Ailleurs, ce sont les distillateurs ambulants qui passent de domaine en domaine, de la qualité, de la distillation, dépend dans une certaine mesure celle de l’armagnac. Une qualité qui réclame de plus en plus d’exigence du fait de l’ouverture du marché sur l’exportation.
Léon Lafitte
Depuis deux ou trois ans, jusqu’à cette époque-là, on travaille un peu avec l’Italie, avec la Suisse un peu, un peu l’Allemagne. Mais il y a deux ans, en 81 et 82, les Etats-Unis avec [Monsieur Laras] qui est importateur nous fait travailler beaucoup, il nous fait envoyer dans les divers Etats, des Etats-Unis. Il voudrait qu’on envoie davantage mais il y a un stock qu’il ne faut pas exagérer.
Journaliste
La qualité contre la quantité. C’est l’alternatif pour le producteur condamné à produire en fonction de la rentabilité ou alors limiter sa production pour défendre son image de marque. Alors on tente à s’orienter vers la diversification des produits, une ouverture à la concurrence d’autant moins aisée que la profession est loin d’être organisée.
Pierre Robert
Nos voisins du Gers nous ont montré la voie aussi en travaillant les vins blancs de qualité. Pour preuve, le troisième concours qui a eu à Eauze de cette année, qui a été de haute tenue de très bonne qualité, 72000 hecto étaient représentés à travers une centaine d’échantillons et tout le monde a souligné les efforts qui avaient été fournis pour arriver à une telle qualité.
Journaliste
Les espoirs nés dans les années 70 avec l’entrée en vigueur du marché commun viticole se sont malheureusement envolés. Il y a eu depuis la crise. De 100 000 hectares en 1890, le vignoble armagnaqué s’est réduit comme une peau de chagrin. 18 000 hectares aujourd’hui, même si la rentabilité a été multipliée par cinq. Pour les viticulteurs, reste l’espoir de la restructuration des vignobles.
Pierre Robert
Mais là aussi, les agriculteurs, les viticulteurs armagnacais se cherchent un petit peu parce que les conditions économiques du moment ne sont pas très favorables. Si les cours du marché se maintenaient, si l’expansion reprenait et puis si on ne parlait plus de vignettes, peut-être que l’espoir reviendrait et que le plan de restructuration ; au lieu de marcher très lentement, on retrouverait un rythme plus rapide qui permettrait de retrouver l’espoir.