Thermalisme, histoire d'eaux
Notice
Reportage à Dax consacré aux cures thermales et notamment aux vertus thérapeutiques des boues et des eaux soumises désormais à des études scientifiques rigoureuses, ainsi qu'à leur prise en charge par la Sécurité Sociale et à l'impact qu'aurait la réduction d'une telle activité sur l'ensemble de l'économie dacquoise.
Éclairage
Quand on inaugure, à Dax, en 1992, l'établissement des Thermes, "cathédrale de bois et de verre" érigée au bord de l'Adour par Jean Nouvel [1], le thermalisme, en France, est à son apogée. La sous-préfecture des Landes caracole en tête du peloton des 106 stations françaises avec 50 000 curistes par an et leurs 30 000 accompagnants, soit le dixième des chiffres totaux donnés pour l'Hexagone.
Le thermalisme constitue en effet un patrimoine [2] et un pôle économique majeurs dans un pays où le tourisme pèse déjà très lourd et, depuis 1953 - malgré les régulières remises en cause de la Sécurité Sociale - la courbe de la fréquentation est ascendante : de 255 000 curistes en 1953, on passe, en 1993, à 637 000. Malheureusement, à partir de cette date, la tendance s'inverse et il est naturel qu'à Dax, un an plus tard, comme à Balaruc (Hérault), à Aix-les-Bains (Savoie), Gréoux-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) et dans la centaine de stations de moindre importance, les responsables soient sur leurs gardes.
Comme dans toutes les villes dont les revenus émanent d'une activité dominante, Dax est effectivement, comme ses homologues, largement tributaire de la fréquentation exogène qui apporte l'essentiel des ressources : ici, 900 emplois directs faisant vivre 6000 personnes pour une population qui n'atteint pas alors les 20 000 habitants.
On comprend donc que le laboratoire municipal veille à la qualité de ses "produits", les eaux sulfureuses et les péloïdes locaux [3], l' "or noir" qui soulage les curistes quasi unanimes, selon les sondages donnant 80 % de satisfaits en 1994, 94 % dans les années 2000 où se confirme l'engouement pour les médecines naturelles.
Yves Goussebaire-Dupin, maire de 1977 à 1995, l'affirme : limiter la participation des organismes sociaux serait "porter une atteinte grave à la santé et à l'économie", rejoignant dans le fond l'analyse d'un commerçant de la ville, Michel Caup, qui confirme, de son côté, que l'essentiel des revenus provient de ces apports extérieurs sur 10 mois et que, de facto, le dynamisme de la cité "dépend de la santé du thermalisme". C'est d'ailleurs dans le souci d'économiser l'eau minérale si précieuse [4], que l'élu avait décidé en 1989, en accord avec EDF et moyennant quelques compensations aux usagers, de mettre fin à l'approvisionnement gratuit d'une partie de la cité en eau curative. Ce privilège, accordé aux Dacquois depuis les années 1930, est donc supprimé pour assurer aux 18 établissements thermaux de la ville les quelque 7, 2 millions de litres d'eau quotidiens nécessaires, issus de 5 forages ; un choix qui privilégiait l'intérêt général.
Et l'intérêt général ici, c'est de préserver des emplois dépendant de la fréquentation de la station et, bien sûr, en amont, des décisions prises au Ministère de la Santé. C'est la raison pour laquelle, en 1994, on attend avec anxiété la prochaine convention quinquennale de 1999 ; et l'on avait effectivement des raisons de s'inquiéter, à Dax, dans cette période de déclin et d'incertitudes puisque c'est précisément l'année où le Gouvernement propose la suppression de la prise en charge pour la majorité des indications. L' intervention de Martine Aubry, alors ministre du Travail et de la Solidarité de Lionel Jospin, suspend cette décision alors que la Couverture Universelle Maladie (CMU) est votée, à son initiative, dans le cadre de la loi du 27 juillet de cette même année.
Au début du troisième millénaire, le repositionnement de toutes les stations thermales vers une offre plus diversifiée, attirant une clientèle plus jeune à la recherche de soins de confort, s'explique donc, en grande partie, par ces aléas.
[1] Le grand architecte, concepteur notamment de l'Institut du Monde Arabe à Paris est originaire du Lot-et-Garonne. Il fait le choix, à Dax, d'une structure innovante privilégiant les matériaux nobles, le bois et le verre notamment. C'est un concept inédit d'un thermalisme ouvert vers l'extérieur, un "paquebot de luxe" dont les coursives font le lien entre 90 studios et la structure thermale proprement dite. Les volets à persiennes en bois évoqueraient les séchoirs à tabac de sa région natale.
[2] Environ 1200 sources contrôlées sont répertoriées à ce jour, en France.
[3] Au cours d'une lente maturation, sous l'action simultanée de l'eau thermale et de sa minéralisation, de spores endogènes et de la lumière solaire, les alluvions tamisées de l'Adour se couvrent de micro-algues qui forment une substance active contenant des anti-inflammatoires : ce sont les boues dites "péloïdes".
[4] Les eaux minérales de Dax, en s'infiltrant en profondeur dans l'écorce terrestre, s'enrichissent en sels minéraux et se réchauffent au contact des roches souterraines. Après un long et lent parcours (3000 ans), elles ressurgissent à 62°, chargées d'éléments actifs et thérapeutiques.