Les opérationnels des forces aériennes stratégiques de Mont-de-Marsan
Notice
Présentation du bombardier Mirage IV, vecteur de la dissuasion nucléaire française, basé à Mont-de-Marsan. Dessiné en 1959 par Marcel Dassault, l'appareil a été modernisé pour répondre à sa nouvelle mission de pénétration en basse-altitude ; l'arme nucléaire a évolué, de la bombe aux petits missiles de croisière de type ASMP (Air Sol Moyenne Portée).
Éclairage
La 91ème escadre de bombardement de la base de Mont-de-Marsan constitue, avec ses bombardiers Mirages IV, l'un des éléments clés de la force de dissuasion nucléaire française en 1988. Cette dernière s'élabore lentement à partir de 1945 quand le général De gaulle crée le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA). La vocation militaire de cette institution demeure discrète car les États-Unis qui possèdent l'arme nucléaire depuis 1945 prônent sa non-prolifération en Europe. Toutefois, dès 1949 l'URSS s'est dotée du même potentiel de destruction et le Royaume-Uni, allié privilégié des États-Unis, dispose également de la Bombe depuis 1952. L'instabilité gouvernementale qui caractérise la IVème République gêne le programme nucléaire français, mais à partir de 1955 le financement de la bombe A est assuré, puis le général de Gaulle fixe comme priorité la constitution d'une force aérienne stratégique (FAS) qui doit être opérationnelle en 1964. En 1960, la première explosion d'une charge nucléaire française a lieu à Reggane dans le Sahara algérien.
Cette décision pose aussi le problème du vecteur chargé de transporter l'arme atomique car un débat existe entre missile et bombardier stratégique. En 1955, des étude débutent afin de mettre au point un "avion de représailles" supersonique capable de voler à haute et à basse altitude, sur de longues distances, en emportant une charge de plusieurs tonnes. La réalisation de l'appareil revient à l'entreprise Dassault qui vient de mettre au point l'intercepteur Mirage III à aile delta. Dérivant de ce dernier, le Mirage IV, plus volumineux, bénéficie de deux Turboréacteurs SNECMA-Atar et de réservoirs supplémentaires. Il effectue son premier vol en 1961. Plusieurs axes de pénétrations sont imaginés afin d'attaquer l'URSS (l'ennemi désigné) : un par le Bosphore pour bombarder l'Ukraine et un par la mer Baltique conduisant à Moscou. Mais ces deux itinéraires nécessitent des ravitaillements en vol. La France acquière donc 12 avions ravitailleurs Boeing C-135 en 1964. Enfin, les 62 Mirages IV de la FAS sont livrés entre 1964 et 1968.
Ce binôme bombardier-ravitailleur constitue le premier élément opérationnel de la force de dissuasion française. Il permet à Charles de Gaulle d'annoncer le retrait de la France du commandement intégré de l'OTAN en 1966. Désormais, Paris possède sa propre stratégie de dissuasion qui repose sur sa capacité à occasionner des dégâts majeurs, économiques et humains, chez un éventuel agresseur. Ainsi, une directive présidentielle fixe à 50 % le niveau de destruction du potentiel économique soviétique par les forces nucléaires françaises. Cette stratégie de riposte totale sur des objectifs civils engendre une pression psychologique sur l'équipage chargé de larguer une bombe qui fera des centaines de milliers de morts. Mais ce sentiment de culpabilité s'avère considérablement atténué par le concept de riposte à une première attaque qui prédomine dans la stratégie de dissuasion française.
Même si son aspect extérieur demeure pratiquement inchangé, le Mirage IV a beaucoup évolué au cours de ses 25 années de service comme bombardier stratégique entre 1964 et 1988. Dès 1966, les progrès des missiles sol-air du Pacte de Varsovie ont conduit à l'abandon de la stratégie de pénétration à haute altitude au profit d'une approche à très basse altitude afin d'échapper aux radars adverses. La structure de l'avion doit alors être renforcée car il sera davantage exposé au souffle de l'explosion de la bombe larguée par parachute. Un camouflage gris-vert et des systèmes électroniques divers destinés à brouiller les défenses ennemies complètent cette évolution. Grâce à eux, le Mirage IV prolonge son existence alors qu'il devait être retiré du service dès 1976 selon le plan initial. En 1979 le ministère de la Défense prend la décision de remplacer la bombe AN-22 par un missile air-sol de moyenne portée (ASMP) capable d'atteindre Mach 3. Afin d'embarquer ce nouvel armement, 18 avions sont modifiés et deviennent des Mirage IVP ("P" pour pénétration) opérationnels à partir de 1986. Toutefois, dès 1988, la mission de bombardement nucléaire revient au nouveau Mirage 2000 et les derniers Mirages IV demeurent cantonnés à des missions de reconnaissance jusqu'en 2005.
Bibliographie :
- GADAL, Serge, Forces aériennes stratégiques : histoire des deux premières composantes de la dissuasion nucléaire française, Paris : Economica, 2009, 397 p.