La chasse à la palombe dans les Landes
Notice
Entre Sore et Luxey, dans la Haute Lande, Gérard Morel participe à une partie de chasse à la palombe. Campés dans un poste de guet, trois chasseurs évoquent avec lui la construction de la palombière et leur attachement pour cette chasse traditionnelle landaise qui se transmet d'une génération à l'autre.
Éclairage
Fin octobre, une étrange épidémie sévit dans les Landes, que l'on appelle la "maladie bleue". De nombreuses maisons ferment leurs portes, les salariés partent en congé. La période de chasse de l'oiseau bleu, la palombe, va du 15 octobre au 20 novembre.
Les palombières sont des cabanes où se cachent les chasseurs pour faire poser autour d'eux, au moyen d'appelants, les vols de pigeons ramiers afin de les attraper au filet ou au fusil. Situées sur des sites anciens, construites des mains mêmes des utilisateurs, elles permettent de reconstituer une maison qui communique avec le ciel et les oiseaux que l'on appelle en "chantant" (le chant de l'oiseau content est parfois imité "à la gorge" par certains chasseurs). Ainsi la chasse à la palombe prend une telle importance dans la vie des hommes qu'elle est devenue une manifestation essentielle d'une identité régionale proclamée et défendue pied à pied depuis des décennies.
Le propriétaire de la parcelle autorise l'installation d'une palombière, sous réserve d'entretien. L'alentour et les chemins sont nettoyés. Dans la forêt landaise, elle comprend un tunnel au sol pour aller sans être vu d'un poste à un autre, afin d'actionner les appelants répartis sur des arbres éloignés les uns des autres : ici à Sore, c'est une galerie de 860 m faite de piquets d'acacia et de brande (bruyère) et recouverte de fougères. Il y a aussi une tour incluant un poste de guet, abritant quatre personnes, dont le toit de feuillages peut se relever. Cet outil suppose un investissement important ; la construction de celle-ci a nécessité 96 jours/homme ; il faut chausser des crampons d'élagueur pour vérifier et entretenir l'installation.
Les appeaux (palombes capturées et apprivoisées), perchés sur des potences, dont certaines en portent plusieurs, s'agitent quand on fait bouger leur support, par un système de va-et-vient de la corde tirée par le guetteur. De la confiance manifestée par ces appeaux dépend la réussite du leurre : on les fait boire et manger, en mâchant leur nourriture puis en la leur soufflant dans le bec.
Les longs moments d'attente d'un vol sont animés par les histoires que l'on se raconte. En effet, l'attachement quasi amoureux pour cette chasse traditionnelle se transmet de génération en génération.
Outre les soins affectueux que l'on prodigue toute l'année aux oiseaux apprivoisés (les appelants), l'ambiance des guetteurs est plus que cordiale, car les participants témoignent d'une culture bâtie sur une histoire d'amour pour cet oiseau intelligent et imprévisible. Il s'agit "d'être plus malin que lui", et le succès, le moment de la jouissance, c'est, bien plus que la dégustation du gibier, de "la faire descendre du ciel" et "prendre", c'est-à-dire s'intéresser et se laisser faire peu à peu. Ce sont des "joies immenses, mais aussi des grandes peines quand elles échappent".