Deux exemples de cercles des Landes : cafés associatifs.

Le cercle est la figure géométrique parfaite, symbolisant le fini et l'infini, l'unité et le multiple ; c'est la raison pour laquelle il a été choisi, à l'instar du mot anglais club, pour désigner un groupe uni dans un même projet. Si l'usage de se réunir en clubs est attesté en Angleterre dès 1702, il n'est devenu usuel en France qu'en 1774, à la veille de la Révolution. Plus restreint que le cercle, le club se rapproche, dans sa conception, de ce que l'on appelait, dans les Landes, le « cercle des Messieurs », réservé aux membres de la bourgeoisie. Apparu en 1830, ce dernier rassemble en effet des notables, propriétaires et professions libérales, qui se départissent de la classe des commerçants, artisans, ouvriers et métayers, dans une société encore très hiérarchisée.

On y parle politique, on y refait le monde, et, avant tout, on s'y retrouve « entre soi ». C'est un cercle fermé, à l'instar de ceux qui sont créés quelques décennies plus tard, dans un idéal plus démocratique.

Dans le contexte de la IIIe République, marquée par un grand nombre de réformes sociales, sont en effet fondés une autre catégorie de cercles plus ouverts (2), regroupés dans un champ sémantique lié aux aspirations du moment, voire à l'idéologie maçonnique. On les appelle : « de l'Union, Républicain, des Démocrates, des Citoyens, Ouvrier, des Travailleurs, de la Concorde, de la Paix, de la Fraternité ou de l'Avenir ». Dans notre région, ils se regroupent dans le sud de la Gironde et le nord des Landes (3). Mais on en trouve aussi ailleurs, dans le Midi notamment, principalement en Provence (4 et 5). Moins nombreux que jadis, ils symbolisent et pérennisent l'enracinement d'une tradition politique radicale qui remonte au début du XXe siècle.

De fait, la loi de 1901 sur le mouvement associatif permet d'officialiser leurs statuts. Leur but affiché est de resserrer les liens de fraternité qui unissent leurs membres, et de leur offrir des services économiques, par coopération. Dans certains bourgs, ils constituent un lieu de sociabilité majeur, phénomène amplifié aujourd'hui où ces cafés très particuliers se convertissent quelquefois en salle de conférence ou de spectacle.

En effet, les temps ont changé, les populations ont évolué, enrichies d'apports extérieurs, et le niveau général s'est élevé. La donne n'est plus la même et, face à une certaine désaffection, il a bien fallu « réinventer » le Cercle. C'est chose faite, sous l'égide du Parc naturel régional des Landes de Gascogne et la dynamique insufflée par Alain Crenca, à Pissos : entre Landes et Gironde, la Fédération des Cercles de Gascogne constitue désormais un réseau qui permet à la vénérable institution de vivre et de transmettre aux nouvelles générations un certain esprit fait de convivialité et d'entraide (6).

D'un intérêt patrimonial souvent intéressant, les vieilles bâtisses bénéficient de travaux d'entretien financés par les collectivités locales et parfois, elles entrent dans le club très fermé des « cafés historiques », label prestigieux qui valide l'authenticité des lieux, ou dans celui des « cafés de pays » qui s'engagent à valoriser le patrimoine d'un territoire (7).

(1) Notamment par l'adoption d'une législation plus favorable pour les salariés.

(2) Interdits cependant aux mineurs et aux femmes, ils sont régis par des lois très strictes et fonctionnent en autarcie....

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Cercle_de_Gascogne

Cercle de l'Union à Pissos et Luxey, Cercle des Démocrates à Labrit, Cercle ouvrier à Saint-Symphorien, Cercle de la Paix à Gajac, Louchats, Préchac, Le Nizan et Sore, Cercle des Travailleurs à Brocas et Captieux, Cercle de l'Union des Travailleurs et Cercle de l'Avenir à Bazas, Cercle des Citoyens à Mont-de-Marsan, Cercle de la Concorde à Lucmau, Cercle des Amis à Birac et Cercle des Associations à Garein.

(4) Pour exemple, on peut citer ceux de Gordes, Saint-Maximin, Rognes, Ramatuelle ou Vauvenargues, toujours très actifs.

(5) Les loges maçonniques en Provence s'insèrent dans une multiplicité de réseaux culturels structurant l'espace public de la société bourgeoise du Second Empire : sociétés intellectuelles, sociétés philanthropiques, clubs politiques, sociétés ouvrières, Ligues régionales, cafés-cercles. Maurice Agulhon a bien analysé les modalités de leur implantation