Les cours de gascon pour adultes et enfants à Sabres
Notice
En Haute-Lande, une poignée de passionnés se bat pour la survie de la langue gasconne. A Sabres, des cours du soir sont proposés pour les adultes ainsi que des cours d'initiation pour les plus jeunes. Par ailleurs, le Parc régional des Landes de Gascogne propose, durant la saison estivale, des visites guidées en gascon de l'écomusée de Marquèze.
Éclairage
Le gascon est l'une des quatre grandes variantes dialectales de la langue d'oc que les linguistes appellent aussi "occitan". C'est la forme parlée dans tout le département des Landes [1].
Comme toute langue, l'occitan est le résultat de l'histoire des hommes. En France, l'apport latin des débuts du premier millénaire, fixé sur un substrat gaulois d'origine celtique, explique la naissance d'une multitude de dialectes regroupés sous le terme de "gallo-roman".
À la suite des invasions franques des IIIe -Ve siècles, le gallo-roman parlé, grosso modo, au nord de la Loire se différencie des parlers méridionaux restés très proches de la langue mère ; on parle donc désormais de "gallo-roman du nord" au fort adstrat germanique, et de "gallo-roman du sud".
Cinq siècles plus tard, ces deux domaines linguistiques sont assez distincts. Le territoire est désormais scindé entre "langue d'oïl" et "langue d'oc" : une idée du poète italien Dante (XIIIe -XIVe siècle) que de différencier les langues filles issues du latin par la façon de dire "oui". Se détachent ainsi 3 ensembles : les langues d'oïl, d'oc et de si. Une littérature propre émerge dans chaque domaine et, loin du roman balbutiant des Serments de Strasbourg [2], la langue du nord s'affirme désormais face à celle du sud et réciproquement.
En Gascogne cependant, dans un vaste triangle qui déborde le cours de la Garonne et pousse jusqu'en Ariège, le latin s'était imposé à des populations parlant une langue autre que le celte [3]. Appelée "aquitanique" ou proto-basque, elle appartient à un tout autre monde que le vaste ensemble indo-européen et influence logiquement le latin importé dans cette aire géographique. D'aucuns nomment, à juste titre, cette archéo-langue, dont la toponymie garde seule le souvenir, "aquitano-roman" [4].
C'est toute l'originalité du gascon qui en est le continuateur et qui se démarque des autres dialectes occitans par une phonétique spécifique. Parlé depuis plus de mille ans, il est menacé, comme toutes les autres langues de France, par l'imposition du français comme modèle unique sous la Troisième République.
L'école stigmatise l'enfant bilingue de naissance et la pratique de la langue vernaculaire recule un peu partout jusque dans les années 1950-1960 où le "modernisme" s'impose.
Mais, plus ou moins dans l'ombre, les "mainteneurs" de la langue ont su assurer la continuité. Au vieux mouvement du Félibrige né avec Frédéric Mistral, en Provence, à la fin du XIXe siècle, succède, en 1945, le jeune Institut d'Estudis Occitans (IEO) [5] et le centre de gravité du mouvement linguistique en faveur de la langue d'oc se déplace à Toulouse. Dès le début des années 1970, de nouvelles publications apparaissent ; la réappropriation de la langue n'est plus le seul fait d'un cénacle d'universitaires et, alors que les locuteurs naturels se font moins nombreux, un mouvement de renaissance redonne vie aux langues régionales ; l'enseignement se développe dans le secondaire et à l'Université, dans la continuité de la loi Deixonne qui date déjà de 1951 [6].
Un indéniable renouveau s'amorce dans les années 1970. À cet enseignement officiel viennent se greffer un peu partout stages et "veillées" qui se structurent bien vite en cours publics sous l'égide d'associations diverses. Des publications de qualité et une multitude de manifestations culturelles, soutenues ensuite par les conseils généraux et régionaux, portent désormais la langue qui constitue à nouveau un repère identitaire pour les nouvelles générations [7].
Dans les Landes, les cours dispensés par le Foyer rural de Sabres, dans les années 1990, tient lieu d'exemple puisque aujourd'hui on compte, dans le département, plus d'une vingtaine de groupes qui se rassemblent chaque semaine pour apprendre ou réapprendre le gascon. Car les autochtones ne sont pas les seuls à s'intéresser à la question ; nombreux sont les nouveaux arrivants qui le considèrent comme un moyen d'intégration et un outil de compréhension d'un environnement culturel qui n'est pas français.
Toute langue ayant son système graphique propre, le gascon s'écrit selon les règles dites de la "graphie normalisée" popularisée notamment par l'IEO après 1945. Cette orthographe, qui permet l'intercompréhension entre toutes les variantes de l'ensemble occitan couvrant 32 départements, s'inspire de la graphie médiévale, celle des milliers de textes d'archives qui datent du temps où le gascon était langue officielle de la Gascogne et du Pays basque. Pour cette raison, il est important de savoir à nouveau la lire et l'écrire. Ainsi, à côté des conviviales "veillées" à l'ancienne, sont proposés de véritables parcours pédagogiques, ponctués çà et là de concours littéraires et d'épreuves comme la désormais fameuse "dictée occitane" copiée sur le modèle inventé par Bernard Pivot...
[1] Un pays dans sa langue. Le gascon dans l'ensemble d'Oc. Actes du colloque de Sabres sous la présidence de Pierre Bec, 9-10 octobre 2004. Collection Travaux et colloques scientifiques, PNRLG n° 5, 2006, 180 pages.
[2] Les Serments de Strasbourg scellent, le 14 février 842, l'alliance entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, petits-fils de Charlemagne, contre les ambitions de leur frère Lothaire. Ils aboutissent au Traité de Verdun, en 843, qui dessine la carte de l'Europe pour les siècles suivants. Ils sont rédigés dans une langue romane à peine séparée du latin et doublés d'un texte en tudesque, langue germanique représentant une forme évoluée du francique. Ils sont donc d'un intérêt majeur pour les linguistes puisqu'ils représentent le premier texte roman.
[3] César, dans La Guerre des Gaules fait bien observer : Gallos ab Aquitanis Garumna flumen...dividit, "La Garonne sépare les Gaulois des Aquitains."
[4] LARTIGUE Philippe, La Gascogne, langue et identité, Orthez : éd. Per Noste, 2011, 142 pages.
[5] L'Institut d'Estudis Occitans, association créée en 1945, a pour but le maintien et le développement de la langue occitane dans toutes ses variantes dialectales.
[6] La loi Deixonne relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux date du 11 janvier 1951. Elle fut la première loi française autorisant l'enseignement des langues régionales de France, le basque, le breton, le catalan et l'occitan dans un premier temps.
[7] L'Amassada, mot pan-occitan signifiant "assemblée", a été fondée en 2004 à l'initiative du Conseil régional d'Aquitaine. C'est un outil de concertation qui participe d'une politique volontariste de sauvegarde et de valorisation des deux autres langues d'Aquitaine, le basque et l'occitan, dans le respect de l'usage du français, langue de la République.