La moisson à Daon en pleine sécheresse

Cette vidéo tournée durant l’été 1976 à Daon est tout-à-fait originale dans sa forme : pas de voix off, ni d’interview, ni de commentaires, mais les sons du matériel agricole, de la nature, de la vie… Il s’agit là d’une petite tranche de la vie agricole de l’époque : la moisson. Tout le monde est là et chacun se limite à son rôle. Les hommes utilisent les machines et les outils, les femmes préparent, puis apportent le ravitaillement (boissons, nourriture), les enfants jouent, parfois aident les adultes. Pour se protéger du soleil, les hommes portent une casquette, les femmes et les enfants des chapeaux de paille. Les haies et les arbres permettent aussi un abri autour de la parcelle moissonnée. Les rafraîchissements sont de l’eau, du cidre… Les bouteilles ne portent aucune étiquette : c’est du cidre produit à la ferme ou dans une exploitation voisine. Le matériel utilisé est loin d’être moderne. La moissonneuse-batteuse Claas Super doit être tractée et la largeur coupée à chaque trajet est réduite ce qui oblige le cultivateur à exécuter des passages nombreux. Il est vrai que le matériel agricole coûte très cher, il est impossible d’accéder au dernier modèle. Le travail agricole se poursuit par la récolte du grain dans un plateau bâché (bientôt conduit vers une coopérative), par le passage d’une botteleuse sur la parcelle, puis par le stockage des bottes de paille. Cette courte vidéo d’1’31 est extraite d’un reportage plus long sur le département de la Mayenne réalisé par Simone Vannier. Celui-ci a été diffusé sur TF1 le 29 novembre 1976 dans l’émission La France est à vous.

Si le champ moissonné est d’un jaune très pâle, presque blanc c’est que la sécheresse règne depuis plusieurs mois. Elle a touché une partie de l’Europe entre l’automne 1975 et l’été 1976. Les pluies de l’hiver ne sont issues que de deux brutales tempêtes. Au printemps, le déficit de pluie en France est de 46 % et il est accompagné d’un niveau bas des nappes phréatiques. La moitié nord du pays est la plus touchée par ce déficit de précipitations. Les rares ondées du mois de juin sont constituées de pluies d’orage très ponctuelles qui causent des dégâts importants. La température de l’air est élevée en mai et en juin. Elle atteint 38 à 40 degrés par endroits en juillet.

Les conséquences de cette sécheresse sont nombreuses. La baisse de la production agricole provoque une hausse des prix (en juin le prix du kilo de tomates double). L’eau se réchauffe plus vite (mort de nombreux poissons par manque d’oxygène ou par trop forte concentration de produits polluants dans les cours d’eau). Le niveau d’eau dans les fleuves et les rivières est très bas (la Loire est presque à sec à Tours). La production hydroélectrique baisse de 30 % car on manque d’eau dans les réservoirs des barrages. Les incendies de forêt se multiplient (grand incendie de la Palmyre près de Royan en août). Entre 90 000 et 105 000 hectares de forêts, de landes… brûlent en France durant l’été ! Enfin, la surmortalité de l’été 1976 en France est estimée à 6 000 personnes. En Mayenne, l’élevage bovin est durement touché, surtout la filière viande, les rivières ont un niveau très bas. Ainsi en juillet, les spectateurs du concours complet d’équitation de Craon ont pu constater cette année que le gué ne présentait pas une grande difficulté : le niveau de l’Oudon était beaucoup plus bas que d’habitude (Haut-Anjou du 24 juillet 1976).

Des mesures sont prises pour lutter contre les effets de cette sécheresse. L’armée française est mobilisée pour deux actions : aide logistique pour transporter du fourrage vers les zones sinistrées et distribution de millions de mètres cubes d’eau potable vers les communes qui n’en ont plus. Ensuite l’exportation de paille et de fourrage est taxée dès le mois de juin. Une aide nationale de 50 millions de francs est allouée aux départements manquant d’eau. Une autre de 146 millions de francs est destinée aux éleveurs. En août, un impôt sécheresse est créé à la demande du président de la République Valéry Giscard d’Estaing. C’est dans ce contexte que le Premier ministre Jacques Chirac démissionne. En Mayenne, la FDSEA de la Mayenne supervise l’opération de solidarité (paille venant d’autres régions), aidée par l’armée et la SNCF : la paille arrive dans des wagons, puis est déchargée sur des camions, enfin sur les plateaux des fermiers. De grosses averses orageuses tombent enfin sur le département fin août…

• Journaux Ouest-France et Haut-Anjou
• Sites Internet : Claas, Wikipédia
• Souvenirs personnels de l’auteur