Mise en service des lignes grande vitesse Paris-Lille et Lille-Calais

26 septembre 1993
01m 39s
Réf. 00073

Notice

Résumé :
Reportage sur la mise en service de la ligne grande vitesse (LGV) qui permet de relier en TGV Paris à Lille en 55 minutes et Lille à Calais en 25 minutes. A la gare de Paris-Nord, Pierre Mauroy prend le TGV avec plusieurs personnalités.
Date de diffusion :
26 septembre 1993
Lieux :

Éclairage

Ce dimanche 26 septembre 1993, Monsieur Pierre Mauroy, maire de Lille et président de Lille Métropole Communauté Urbaine peut sourire en prenant le TGV en gare de Paris-Nord pour rejoindre Lille. Il songe que l’année prochaine il prendra ce même train pour aller à Londres. Il sait que sa ville est la principale gagnante du projet de LGV (ligne à grande vitesse). Sortant d'une situation de cul-de-sac ferroviaire au nord de la France à une position de carrefour entre Paris, Londres et Bruxelles, sa ville envisage un destin européen.

Mais que le parcours fut long et difficile !

Dès les années 1960, une ligne à grande vitesse internationale est étudiée pour des relations entre les trois capitales. Mais le 20 janvier 1975, le gouvernement britannique décide de ne pas réaliser le tunnel sous la Manche et fait échouer le projet. La SNCF se réoriente vers la desserte Paris-Lyon et le projet de LGV Sud-Est sera finalement le premier réalisé en France.

Lors du Sommet franco-britannique du 10 septembre 1981, l'idée d'un lien fixe entre la Grande Bretagne et la France est de nouveau évoquée. Le 28 juin 1982, Pierre Mauroy, alors Premier ministre et maire de Lille, inaugure, à l’occasion du 150e anniversaire du chemin de fer et du 50e anniversaire du beffroi, une rame TGV portant le nom de Ville de Lille. Les rames TGV circuleront jusqu’en 1993 à vitesse "normale" sur les lignes "classiques", mais acte ô combien symbolique de la part de celui qui a déjà l’ambition de faire de sa ville une métropole européenne. Dans le même temps il convainc le Premier ministre britannique Margaret Thatcher que la ligne de Paris à Londres et Bruxelles sera déficitaire sans la construction d’un tunnel sous la Manche. Madame  Margaret Thatcher ne dit pas non.

C’est une première victoire!

Le traité de Canterbury, signé le 12 février 1986 entre la France et la Grande Bretagne, prévoit la construction du tunnel sous la Manche avec un financement privé et définit une nouvelle frontière entre les deux pays.

C’est lors du sommet qui se tient à Lille le 20 juin suivant que Margaret Thatcher et François Mitterrand annoncent conjointement, dans le grand hall de la mairie de Lille, le choix d’un projet de lien fixe transmanche avec deux tunnels ferroviaires.

Le projet ferroviaire est relancé…et la question du tracé posée.   

De 1985 à 1987, les élus amiénois appuyés par la Chambre de commerce et d’industrie d’Amiens et le journal le Courrier picard  revendiquent le passage du TGV à Amiens. L’Etat demande à la SNCF d’étudier un second itinéraire concurrent. De plus, la SNCF maintient sa volonté de réaliser une gare en plein champ située à l'ouest de Lille. Finalement, le 23 mars 1988 Jacques Chirac confirme que le tracé de la ligne passera à Lille avec la construction de deux gares l’une située à proximité du centre-ville de Lille et l’autre implantée à égale distance des villes d’Amiens et de Saint Quentin à Ablaincourt-Pressoir en parallèle avec l'autoroute A1 [1].

Les travaux de la ligne peuvent enfin démarrer. Toutefois, les acquisitions de terrains sont retardées par la guerre d’usure que mènent les membres de l'association TGV Amiens-Picardie-Normandie qui contestent toujours le tracé retenu. Ils imposent à la SNCF d’engager 2500 procédures d’expropriation de parcelles d'un mètre carré. 

La LGV Nord est inaugurée par le président de la République François Mitterrand le 18 mai 1993 [2]. La problématique de la desserte d'Amiens, les dysfonctionnements de "Socrate", le nouveau système de réservation qui déclenche des grèves des guichetiers de la SNCF, ainsi que l’augmentation des abonnements ont provoqué une vague de mécontentement qui assombrit quelque peu l'ouverture de la ligne.

En descendant du train, Monsieur Pierre Mauroy sait que maintenant, la réussite du projet d'Euralille, le nouveau quartier d'affaires autour de la nouvelle gare de Lille Europe ne dépend plus que de lui. Mais c’est une autre histoire et il est temps pour lui de rejoindre l’auditorium du « Nouveau Siècle » pour entendre  Musique à grande vitesse, une œuvre musicale pour orchestre symphonique commandée pour l’occasion au compositeur anglais Michael Nyman.


[1] Gare qui sera surnommée "gare aux betteraves" ; voir sur la fresque Images de Picardie : La gare TGV Haute Picardie a accueilli 3 millions de passagers

[2] La ligne est mise en service le 23 mai entre Paris et Arras, ce qui permet de relier Paris à Lille en 1 h 20. C'est donc le 26 septembre que la LGV est ouverte en totalité avec le tronçon Lille – Fréthun (gare du tunnel). François Mitterrand inaugure le 6 mai 1994 la gare Lille -Europe et c'est enfin en novembre 1994 que les Eurostar relient Lille à Londres.
Thierry Thieffry

Transcription

Bernard Lecomte
Sans tambour ni trompette, la mise en service ce matin à la Gare de Paris Nord du TGV Paris Lille et vice-versa en pile une heure. Un dimanche comme les autres dans une gare ensoleillée où l’événement, pourtant historique, ne donne lieu officiellement à aucune manifestation inaugurale. Mais comme tout le monde, connu ou pas, a le droit d’acheter son ticket à Socrate, il y en a qui n’ont pas su résister à l’appel de l’histoire, même s’il ne s’agit, en l’occurrence, que de l’histoire du rail.
Pierre Mauroy
J’ai voulu être du voyage, et je suis là avec des amis, c’est ça qui est agréable.
Bernard Lecomte
C’est vrai qu’entre l’événement TGV, l’événement Festival de Lille et la sortie demain du Germinal de Claude Berri, Lille est, pour deux jours, encore plus attractive qu’Eurodisney.
Marie-France Gouriou
Je trouve que c’est formidable, on n’a pas l’impression de rouler très vite, pas de fatigue, on roule au constant, c’est agréable, on bavarde, on lit, quoi de mieux ?
Bruno Masure
Le modernisme est tel que maintenant, on passe plus de temps au guichet pour acheter son billet que dans le train.
(bruit)
Bernard Lecomte
Le fait est qu’à 300 à l’heure, on a tout juste le temps d’admirer au passage les terrils ensoleillés, d’apprécier le confort des deuxièmes classes, un brin de causette et c’est déjà presque fini.
Bruno Masure
On est parti à midi heure d’été, on arrive à midi heure d’hiver, donc on va encore plus vite que la lumière.
Bernard Lecomte
Un TGV pouvant toujours en cacher un autre, le Festival de Lille avait aussi le sien un peu plus tard. Tout un monde rassemblé ce soir autour de Michael Nyman, le compositeur anglais, pour la deuxième musique consacrée à la gloire des chemins de fer du Nord. La première, en 1848, était signée Hector Berlioz.