Pierre Bachelet l'interprète des Corons rencontre d'anciens mineurs
Notice
Pierre Bachelet interprète de la chanson Les Corons évoquant la vie dans les mines dans la région Nord-Pas-de-Calais, a rendu visite à d'anciens mineurs de Fouquières-les-Lens. Il leur explique pourquoi il a écrit cette chanson, tandis que les anciens mineurs lui parlent de leur vie dans ces corons, des coups de grisou, etc. Cette rencontre est entrecoupée de scènes tournées dans les corons et des paysages miniers où Pierre Bachelet chante des extraits de sa chanson.
Éclairage
Pierre Bachelet (1944-2005), compositeur et chanteur français est né à Paris. Après un début de carrière consacré à l'écriture de musiques de publicités et de films, il se lance dans la chanson à la fin des années 1970. Le succès viendra avec son troisième album. Dans celui-ci, Pierre Bachelet, qui a passé son enfance à Calais, a voulu rendre hommage au Pays noir dans une chanson intitulée Les Corons (1982). Il en a écrit la musique et s'en est fait l'interprète, mais les paroles ont été confiées à son parolier habituel, Jean-Pierre Lang. Ce titre devient un tube comme il est courant de le dire à propos d'une chanson très populaire, il sera n°1 au Hit parade en juillet 1982, avant de devenir, au fil des années le véritable hymne de toute une région.
Le texte évoque, à la fois, les joies et les peines de la vie au sein de la communauté des mineurs. Il décrit le bonheur rassurant des maisons du coron, où règnent les mères de famille et la buée des lessiveuses, si importantes tant les vêtements noircis sont difficiles à laver. Le chauffage de l'eau chaude a longtemps été l'une des tâches quotidiennes les plus dures pour les femmes de mineurs qui devaient préparer le bain que leur mari, et leurs fils, prenaient au retour de la fosse, afin de se débarrasser des poussières de charbon qui les recouvraient de la tête aux pieds. Parmi les autres moments heureux de cette vie dans le bassin minier, Bachelet chante les kermesses, souvent appelées "ducasses", au cours desquelles les "gueules noires" oublient, l'espace d'une journée, les chevalements, la houille, la fosse et les terrils, pour se distraire avec les leurs.
L'accident et la maladie professionnelle ne sont pourtant jamais très loin, ils hantent l'existence même d'une vie de houilleur. Le chanteur rappelle, donc, logiquement l'omniprésence du danger qui règne au fond, celui du grisou, ce gaz qui envahit parfois les galeries, comme à "Courrières" le 10 mars 1906, un jour funeste au cours duquel quelques 1 100 travailleurs furent tués, ou, plus près de nous, Fouquières-les-Lens en 1970 évoqué dans ce reportage, et enfin, décembre 1974 à la fosse 3 bis à Liévin, où une explosion se solda par 21 morts alors que la mine n'allait pas tarder à cesser sa production. Bachelet souligne, à juste titre, les ravages causés par la silicose, un mal qui ne fut reconnu officiellement comme maladie professionnelle, qu'en août 1945, alors que les travailleurs en souffraient de plus en plus avec l'utilisation des marteaux-piqueurs qui augmentent la quantité de poussière dégagée lors de l'extraction du minerai. Les syndicats sont montés au créneau dès leur fondation au début des années 1880, Jean Jaurès en tête – n'était-il pas député de Carmaux, ville minière ? – pour défendre la corporation et obtenir des compagnies et des pouvoirs publics une protection digne du labeur que fournissait les "gueules noires" et des dangers qu'ils couraient. De toute cette histoire, Pierre Bachelet s'est fait le conteur.
Petit à petit, la population du Bassin minier s'est approprié la mélodie et les paroles pour en faire un hymne chanté dans les fêtes et les grandes occasions. Au lendemain du décès de Pierre Bachelet, pour lui rendre hommage, les supporters du RC Lens ont chanté Les Corons qui sont depuis ce moment là chantés à chaque match (1).
Pourquoi un tel engouement de la part de générations qui n'ont pas connu la période de l'exploitation minière ? C'est que cette chanson, écrite déjà au passé en 1982, alors que la dernière mine ne fermera qu'à la fin 1990, évoque avec nostalgie, le travail certes fait de larmes et de sang, mais aussi, de façon idéalisée, un monde révolu fait d'entraide et de solidarité.
(1) Les Corons interprétée avec les supporters du RC Lens a été enregistrée sur l'album posthume Essaye.