Réhabilitation des corons de Bruay-en-Artois

17 mars 1968
05m 50s
Réf. 00089

Notice

Résumé :

Reportage sur une opération de remodelage de corons entreprise dans la cité des Aviateurs à Bruay-en-Artois. Un responsable des Houillères déclare que pour attirer les industriels, il faut "moderniser les logements des mineurs, et donner à la cité un aspect plus riant". Il dit vouloir supprimer les appendices (rajouts construits au fil des ans, jardins...).

Type de média :
Date de diffusion :
17 mars 1968
Source :

Éclairage

Cet extrait évoque une opération de réhabilitation de la cité des Aviateurs sur la commune de Bruay-en-Artois. Il est divisé en deux parties : une première, exposant les causes de la réhabilitation de la cité, et une seconde, présentant les méthodes utilisées pour cette réhabilitation. Les interviews sont entrecoupées d'images de la cité ouvrière marquée par des friches résidentielles, du plan global de réaménagement et de maquettes de maisons à réhabiliter.

La cité 31, surnommée "cité de Aviateurs" car elle jouxtait un ancien terrain d'aviation, utilisé de 1913 à 1918, a été construite durant l'entre-deux-guerres, sur le modèle des cités pavillonnaires. Les maisons comportent donc un étage et sont séparées, même si les vides ont pu être comblés par des ajouts postérieurs, rapprochant ainsi la cité du modèle antérieur du coron et justifiant le titre du reportage. Les deux modèles de maisons présents dans la cité sont visibles ici. Des maisons à un étage, petites, alignées et jointives forment deux lignes centrales, tandis que, de chaque côté de ces deux lignes, sont alignées de grosses maisons à un étage et à quatre logements.

Les opérations proposées, bien que qualifiées par les interviewés de "rénovation", s'approchent beaucoup plus de la "réhabilitation". En effet, en urbanisme, "rénovation" signifie une destruction de l'ancien pour le remplacer par du neuf et "réhabilitation" implique la conservation de l'ancien et sa mise aux normes, ce qui se produit ici.

Le reportage insiste sur l'opération volontariste et pionnière que constitue cette réhabilitation. En effet, la cité des Aviateurs de Bruay est la première à être traitée, directement sous l'égide des Houillères du Bassin du Nord - Pas-de-Calais (HBNPC) et de sa filiale la SIA (Société Immobilière de l'Artois). Cette opération sera suivie par beaucoup d'autres, avec une intervention croissante des pouvoirs publics.

Les causes évoquées pour ces opérations s'inscrivent bien dans le contexte économique d'une époque où les territoires se livrent à une compétition féroce pour attirer de nouvelles activités. Si l'extraction du charbon décline déjà, la croissance économique est toujours forte et l'on prévoit l'accueil de nouvelles industries qui recherchent un cadre agréable susceptible d'attirer une main d'œuvre qualifiée. Or, le Bassin houiller, où les cités ouvrières anciennes et vétustes sont nombreuses aux côtés de friches minières de plus en plus présentes, n'offre pas ces aménités.

Concrètement, les travaux de réhabilitation concernent à la fois le quartier dans son ensemble et chaque maison :

- le quartier sera amélioré par l'éradication des divers appendices, qualifiés de "verrues" ou de "lèpre" (hangars, pigeonniers, volières, clapiers et même jardins) qui contribuent, par leur diversité anarchique, au manque d'attractivité de la cité. Cette question est d'ailleurs au cœur d'un mini-débat entre l'interviewé et le journaliste, car ces aménagements, personnalisant des logements uniformes et monotones, sont prisés par leurs habitants. Si le mot "uniformiser" est repoussé lors de l'interview, c'est bien d'une homogénéisation du quartier qu'il s'agit. Le discours évolue d'ailleurs au cours du reportage vers une représentation encore assez paternaliste d'un mineur qui doit s'ouvrir à la modernité en réduisant l'autoproduction et transformer son jardin potager en jardin d'agrément... ;

- l'éclaircissement des rangées de cités par la destruction de quelques maisons, permettant la constitution d'une sorte de coulée verte au cœur du quartier, est aussi assez classique de ce genre d'opérations ;

- la construction de garages, à une époque où les transports motorisés se démocratisent, prend place à l'arrière des maisons ;

- la fusion, pour les plus grosses maisons, de quatre logements en deux, avec l'intégration d'une salle de bains et des toilettes, auparavant installées dans l'appendice extérieur, s'inscrit dans la quête d'un confort meilleur.

Simon Edelblutte

Transcription

Hanicotte
Nous sommes en train de voir dans quelle mesure nous pourrions à la fois moderniser l’habitat et aménager les cités. C’est un problème très important que nous envisageons dans le cadre général du mouvement qui se crée actuellement dans la région, d’essayer de lui donner un aspect plus accueillant. Vous savez qu’actuellement, nous sommes en train d’essayer de faire venir des industries pour prendre la relève de l’industrie houillère ; et la grosse critique que nous font les industriels en général, et surtout les familles de leurs cadres, c’est que le pays n’est pas accueillant, il n’est pas beau, que l’habitat y est vétuste. Donc, nous essayons de lutter contre cet état de fait.
Journaliste
Et alors, vous allez uniformiser, vraisemblablement, tous ces corons qui étaient chargés de verrues, d’appendices, que les ans et le labeur des occupants avaient ajouté à la construction originale.
Hanicotte
Non, il ne s’agit absolument pas d’uniformiser, il s’agit de donner à ces corons un aspect plus accueillant et plus riant, c’est-à-dire en particulier, supprimer ces appendices dont vous parlez et qui sont vraiment une lèpre. Ce que nous voudrions, c’est que nos cités deviennent vraiment des cités jardins, non pas simplement la cité jardin potager, parce que des champs de poireaux, ce n’est pas très joli. Mais enfin, que dans la mesure où on peut garder encore un petit potager pour les petits légumes, amener les habitants, en même temps que nous allons transformer leur maison, à transformer leur jardin en véritable jardin d’agréments où il fasse bon se reposer le soir.
Journaliste
Et vous ne craignez pas du fait que le français est individualiste et le mineur, lui aussi, bien sûr, vous ne craignez pas qu’il y ait un risque de les voir, enfin de voir ces cités se déshumaniser un peu en privant les mineurs de ce qu’ils considèrent comme leur bien-être. Par exemple, je pense aux pigeonniers, aux volières pour les coqs et cetera.
Hanicotte
Vous savez, la situation a évolué assez bien. Le mineur maintenant voyage et il a vu, que ce soit à la Napoule ou que ce soit au cours de ses promenades en vacances en France ou à l’étranger ; que ma foi, on arrivait à vivre d’une façon forte agréable dans des logements qui ne sont pas encombrés de pigeonniers, de clapiers et de volières. Evidemment, il y aura des habitudes à changer pour certains, surtout ceux qui sont très traditionalistes ; mais enfin, je crois que les jeunes, si vous voulez, n’attachent pas à ces questions la même importance que leurs parents et même que leurs grands-parents.
(Musique)
Journaliste
Monsieur [Oosterlink], c’est à vous que je m’adresse maintenant. Monsieur Hanicotte vient de nous dire pourquoi on faisait cette opération de rénovation. Alors, je vais vous demander comment et où on la fait.
Intervenant 2
Les opérations de rénovation de la cité se font dans une cité du groupe d’Auchel-Bruay, sur le territoire de la commune de Bruay. C’est la cité des Aviateurs appelée également cité 31. Notre cité actuellement est composée de bandes de corons, de bandes de maisons reliées entre elles par des murs et ça crée des perspectives assez désagréables de logements tous semblables et sans couleur. Notre projet va essayer de supprimer ces bandes générales en démolissant certains logements et en remplaçant ces logements par un jardin. D’autre part, ces mêmes logements seront précédés d’une pelouse qui sera étalée d’un bout à l’autre de la rangée de logements. Comme par ailleurs, il n’est pas question dans cette structure de créer de nouveaux garages, nous avons pensé qu’il était nécessaire de créer des batteries de garages, des bandes de garages, et cette bande de garages sera placée dans une zone qui permettra l’accès facile de toutes les parties de la cité.
(Musique)
Journaliste
Voici donc l’un des types de bâtiments que vous allez moderniser, Monsieur [Oosterlink]. C’est une habitation à quatre logements ?
Intervenant 2
Oui, c’est une habitation à quatre logements qui, actuellement, se limite à ce bâtiment principal plus un petit appendice. Nos travaux vont avoir, le premier effet de nos travaux est de démolir les appendices qui se trouvent dans cette zone-là et qui comportent les waters extérieurs, une buanderie et une resserre en charbon. Nous allons démolir entièrement cette partie-là pour la remplacer par ce bâtiment-là, car dans cette zone-ci qui actuellement est la cuisine, nous allons construire la salle d’eau, le water, et un sas d’entrée. L’entrée est ici, de ce sas, nous pourrons aller vers la cuisine ou vers la salle à manger du bâtiment actuel. Ce mur-ci est représenté par ce pignon-là. Et à partir de là, plus rien n’existe et nous sommes amenés à reconstruire cette zone-là. Cette zone-là qui comprend une cuisine et une resserre à tous usages.