Les réhabilitations des habitations des communes minières

28 février 1980
04m 02s
Réf. 00083

Notice

Résumé :

Les Houillères et les communes minières ont décidé de rénover 3 000 logements par an. Avec la disparition de la population minière, ce parc locatif sera disponible pour l'ensemble de la population. On va ajouter aux constructions un appendice constitué de WC, d'une salle de bains et d'un cellier. Jean de Labrouhe, responsable immobilier des Houillères explique la difficulté de réalisation des travaux en présence des occupants. Une habitante parle avec réserve du côté positif de l'opération. Henri Darras, maire de Liévin, tire le bilan des différentes expériences de rénovation.

Date de diffusion :
28 février 1980
Source :

Éclairage

Contrairement aux reportages sur la réhabilitation de corons à Bruay, la restructuration de corons à Auchel ou à Denain et Escaudin en 1971, qui présentaient des opérations de réhabilitation précises et bien localisées, celui-ci aborde la problématique de la réhabilitation des cités ouvrières de façon plus générale, en en tirant de plus une sorte de bilan, plus de 10 ans après les premières actions. Si le terme "rénovation" est utilisé tout au long du reportage, les opérations présentées sont bien des opérations de réhabilitation. En effet, pour les architectes, urbanistes, géographes, etc. la "rénovation" signifie une destruction de l'ancien pour le remplacer par du neuf et "réhabilitation" implique la conservation de l'ancien et sa mise aux normes, ce qui se produit ici.

Sur un fond d'images de cités ouvrières vraisemblablement situées sur les communes de Lens et de Liévin (le maire de Liévin est interviewé à deux reprises lors de ce reportage), le discours fait le point sur l'ampleur de la tâche puisque ce sont plus de 3 000 logements par an qui doivent être réhabilités. Contrairement aux opérations plus anciennes qui n'impliquaient que les Houillères, ces actions mises en place dans les années 1980 font intervenir d'autres acteurs et financeurs, en particulier l'État, mais aussi les collectivités locales et l'agence de l'eau, révélant, en plus du déclin des Houillères, l'importance de l'enjeu.

Cette implication des collectivités locales est également évoquée un peu plus loin, sur des images de la rue pavée Saint-Pierre à Lens, à propos de leur obligation de reprendre la VRD (Voirie Réseaux Divers) autrefois construite et gérée par les Compagnies puis par les Houillères. Ces réseaux, avec le déclin des Houillères, sont souvent en mauvais état et constituent ainsi une charge supplémentaire pour des communes déjà confrontées, avec la fin de la mine, à des bouleversements économiques et territoriaux considérables.

L'évolution de la problématique et de l'enjeu de la réhabilitation des cités ouvrières, apparue à la fin des années 1960 et au début des années 1970, est également soulignée par le changement de nature des occupants. Auparavant tous mineurs ou anciens mineurs étaient logés gratuitement, mais avec le déclin des Houillères ils se diversifient de plus en plus. Le niveau de confort, si l'on veut louer ou vendre ces logements, doit donc impérativement être amélioré. Cette sortie des cités ouvrières du giron de l'entreprise-mère comporte cependant le risque d'une personnalisation excessive (ajout d'étages, d'appendices divers, couleurs des façades et des volets inharmonieuses, clôtures variées, etc.) qui nuit à la cohérence de l'ensemble. Grâce à la maîtrise de la réhabilitation présentée dans ce reportage, cet écueil a été en grande partie évité dans le Bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais, ce qui a constitué un atout pour son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Ces opérations ne sont donc pas de simples réhabilitations, mais participent à un véritable redéploiement territorial porteur d'une nouvelle image pour toute la région.

Les opérations concrètes de réhabilitation sont ensuite présentées assez rapidement contrairement aux reportages plus anciens. Elles consistent essentiellement en l'ajout d'une extension comprenant une salle de bains, des WC et un abri-remise. Elles sont effectuées en la présence des habitants ce qui, d'un côté, complique les travaux mais, de l'autre, permet une meilleure concertation. C'est ce qu'explique Jean de Labrouhe, responsable immobilier des Houillères, lors de la première interview du reportage.

La seconde moitié du reportage est construite autour d'une série d'interview en "aller-et-retour" d'habitants des cités réhabilitées et du maire de Liévin, Henri Darras. Le reportage oppose ainsi, grâce à l'interview de deux habitants et les explications d'Henri Darras, une cité mal et incomplètement traitée, car faisant partie de la première génération réhabilitée, à une cité dont la réhabilitation, plus récente, a été réussie. L'accent est finalement mis sur l'importance de la remise-abri construite dans le jardin, pouvant abriter des activités annexes et résorbant heureusement les appendices auto-construits et très décriés.

Simon Edelblutte

Transcription

(Musique)
Pierre Yves Morvan
L’habitat minier, c’est 110 000 logements.
(Musique)
Pierre Yves Morvan
Sur ces 110 000 logements, 65 000 peuvent et doivent être modernisés en recevant les éléments de confort indispensables de notre époque. Tel est l’avis des Houillères et des communes minières qui ont décidé d’en rénover 3000 par an. Actuellement, ces logements sont occupés gratuitement par les mineurs actifs et retraités et leurs familles mais dans quelques années, faute de mineurs, ce parc locatif sera disponible pour la population régionale. La rénovation s’inscrit donc dans le plan de restructuration régional. Dans la pratique, il s’agit d’ajouter à la construction existante un appendice permettant l’installation des WC, d’une salle de bains avec production d’eau chaude sur les éviers et la réalisation d’une remise cellier. Le coût d’une installation s’élève à 45000 francs. L’Etat subventionne 8000 francs par opération, le reste est à la charge des Houillères, mais les communes, la région et l’Agence de l’eau interviennent aussi dans le financement. Les occupants restent sur place pendant les travaux.
Jean(de) Labrouhe
Il est bien certain que ceci nous entraînait dans deux problèmes très nouveaux, le problème des relations avec les occupants et le problème technique de la réalisation de la rénovation sans intervenir dans les pièces principales. Et nous avons mis au point un système d’information qui veut être un dialogue avec les habitants chaque fois qu’une opération va être entreprise et on leur expose sur vue projetée ce qui va être fait chez eux. Ils peuvent poser toutes les questions qu’ils veulent, et on tâche d’y répondre.
Pierre Yves Morvan
Le seul foin au développement de cette réhabilitation, ce sont les égouts et la voirie de ces cités qu’il s’agit de réaliser pour les rattacher au réseau d’assainissement communal. En effet, il ne sert à rien de réaliser des branchements d’eau si les eaux usées ne peuvent être raccordées à un collecteur inexistant ou traitées faute de station d’épuration. Après rénovation, les voiries et les réseaux divers appartenant aux Houillères sont intégrés au domaine public communal. Qu’est-ce qui a été positif là-dedans ?
Inconnue
Positif, écoutez, le carrelage qui a été à peu près bien fait, disons celui de la chambre impeccable, celui d’ici, à la cuisine, il laisse à dire, les waters, c’est tout ce qu’il y a de bien fait. Et on paie les impôts locaux pour une salle de bains que nous n’avons pas.
Henri Darras
Il faut bien dire que c’est cette cité qui a essuyé les plâtres. Les Houillères n’avaient aucune expérience dans la rénovation de leur cité et il faut bien le dire, manque de concertation avec la population.
Pierre Yves Morvan
Qu’est-ce que vous pensez de cette rénovation, monsieur ?
Inconnu
Ben, j’en pense du bien du fait que dans le temps, on avait son petit nécessaire aussi. On a été embêté pendant un moment, maisa c't'heure, ça va à peu près. On n’a pas trop à se plaindre.
Pierre Yves Morvan
Qu’est-ce que vous appréciez le plus ?
Inconnu
Oh, ici, c’est l’intérieur des waters, tout ça, et puis la salle de bains, quoi.
Pierre Yves Morvan
Monsieur le Maire, comment vous expliquez que ça soit bien passé ici ?
Jean(de) Labrouhe
Et bien, parce que ce que nous avions préconisé après les leçons tirées de la première expérience a été appliqué, à la fois meilleur qu’aux dernières coordinations dans les différents corps d’Etat, amélioration de la qualité de la rénovation, vous avez pu voir la salle de bains, comment elle était installée et tout, et puis ce petit abri aussi pour les ménages, c’est extrêmement intéressant.
Pierre Yves Morvan
A quoi ça sert monsieur, ce petit abri ici ?
Inconnu
Ah, pour mettre beaucoup d’affaires hein.
Pierre Yves Morvan
Ouvrez-nous un petit peu qu’on voie !
Inconnu
Voilà, venez voir et c’est à peu près, pas trop propre mais enfin ! Et puis tout le matériel là, je l’ai remis ici, le petit établi, ancien forgeron, alors pour moi, bricoler. C’est du travail, mais enfin, on a le temps on est pensionnés C’est déjà 23 ans, j’espère. Et il y a 55 ans que je suis avec ma patronne. Mauvais caractère, mais bonne soupe.
(Musique)