Le patrimoine immobilier des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais
Notice
La cité minière Darsy à Hénin-Beaumont est en cours de rénovation tout comme 2 500 logements miniers par an. On y rencontre Solange et Louis Piedbois, retraités mineurs, qui ont vécu pendant des années sans salle de bains, ni eau chaude. Cependant, la SOGINORPA estime dans un rapport que cette politique de rénovation est remise en question avec la fermeture des mines. Il est question de détruire 30 000 logements par an dans les 4 secteurs de la SOGINORPA : Hénin, Bruay, Douai et Valenciennes. Marcel Wacheux, président de l'association des communes minières, estime que cette politique de resserrement va entraîner pour les communes des pertes de recettes. Monsieur Giagnorio, directeur général de la SOGINORPA, explique que la rénovation a pour objectif d'offrir sur le marché du locatif du "pavillonnaire" attractif.
Éclairage
Au milieu des années 1980, les Houillères du Nord-Pas-de-Calais sont une entreprise moribonde. Elles sont cependant à la tête d'un patrimoine immobilier encore important, qui comprend notamment quelques 92 000 logements (1). Élément primordial du système paternaliste , ces logements (113 000 à leur effectif maximum à la fin des années 1960) sont de type architectural très divers. Ils constituent une part notable de l'habitat dans les communes minières (30% pour celles du Pas-de-Calais, jusqu'à 60 % dans certains cas). Toute la question est de savoir qu'en faire lorsque les puits ferment. D'un côté, faute d'investissements récents, ces habitations ne sont plus guère adaptées aux normes modernes de l'habitat social (en matière d'équipement sanitaire en particulier). De l'autre, ils demeurent, surtout s'ils peuvent être réhabilités, l'un des rares actifs encore profitables pour les Houillères. Certes, en 1986, ils sont encore occupés dans leur majorité par des employés de l'entreprise et surtout des retraités (le droit au logement gratuit est inscrit dans le Statut du mineur) ; néanmoins déjà 20% du parc est occupé à cette date par des locataires extérieurs, destinés à terme à devenir majoritaires et susceptibles donc d'apporter de l'argent frais.
Dans un souci de valorisation de cet actif, un nouvel organisme est créé en 1986 : c'est la SOGINORPA (Société de gestion du patrimoine immobilier des Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais). Cette filiale à 100% des Houillères gère les logements, décide de leur attribution, comme des programmes de rénovation et d'entretien. Elle apparaît comme un instrument d'abord destiné à servir les intérêts de l'entreprise nationalisée et à permettre la valorisation de son patrimoine. Cet aspect instrumental n'aide guère à la popularité de la Soginorpa, pas plus que les premières décisions prises par l'organisme. Ses dirigeants commencent en effet par annoncer la destruction de 30 000 logements, ceux qui apparaissent les moins susceptibles de pouvoir être rentabilisés, et semblent bien décidés à continuer les procédés autoritaires de rénovation déployés par les Houillères à partir des années 1970. La méfiance à l'égard de la Soginorpa est accrue par la publication en 1987 du rapport présenté par Jean-Paul Lacaze sur le réaménagement des villes minières. Très critique sur les politiques suivies antérieurement et notamment sur le principe de saupoudrage égalitaire des subventions, ce rapport préconise de resserrer l'action publique autour de quelques pôles principaux et d'accepter sinon la mise en sommeil, voire la disparition d'une partie des anciennes agglomérations du bassin.
Ce contexte contribue à fortement politiser, à partir de 1986-1987, la question du logement minier et de son devenir. Face à ce qui leur apparaît comme une entreprise presque délibérée de destruction et de mise à mort de leur région, élus locaux et syndicats se mobilisent autour de structures telles que l'Association des Communes Minières, créée en 1970 et présidée dans les années 1980 par Marcel Wacheux (député-maire socialiste de Bruay-la-Buissière). Les uns et les autres dénoncent dans la Soginorpa le signe de la domination toujours présente des Houillères et le symbole d'une gestion arbitraire du logement minier, menant à terme à sa "privatisation". Ce n'est là que le premier épisode d'une querelle à rebondissements, qui parcourt toutes les années 1990 et prouve à quel point, même après la fermeture, l'héritage des Houillères est resté source de conflits.
(1) Fabien Desage, La bataille des corons. Le contrôle du logement minier, enjeu politique majeur de l'après-charbon dans l'ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, DEA de Sciences Politiques, Université de Lille II, 1999, p. 19, p. 60. Consultable sur internet