La position du Premier ministre Pierre Mauroy sur l'avenir charbonnier
Notice
Le Premier ministre Pierre Mauroy a confirmé dans un discours à la foire de Lille, les propos tenus le 27 avril 1983 par le Président Mitterrand concernant l'avenir des charbonnages : il faut limiter les déficits et consacrer l'argent à relancer la région Nord-Pas-de-Calais. Pierre Babey, envoyé spécial, commente le discours et souligne qu'au sein du gouvernement les communistes ont un avis divergent sur l'avenir de l'exploitation minière.
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Éclairage
Dans un discours qualifié par le journaliste Pierre Babey de "courageux et réaliste", le Premier ministre Pierre Mauroy, confirme la rupture dans la politique charbonnière française annoncée par le Président Mitterrand lors de son discours du 27 avril 1983. Alors que l'accent était mis depuis la fin de 1981 sur la relance de l'exploitation charbonnière et des embauches afférentes, le gouvernement revient à la politique antérieure axée sur le déclin charbonnier, combinée à des aides importantes à la reconversion. Cette double orientation est issue du coût de revient trop important du charbon français, et plus particulièrement du charbon du Nord-Pas-de-Calais, dispersé dans des veines étroites et faillées. Elle est mise en œuvre depuis le plan Jeanneney de 1960 par une régression régulière de l'activité charbonnière, combinée à des aides financières destinées au développement d'activités économiques de remplacement (en particulier l'automobile et la chimie), et à des aides sociales. Ces dernières portent sur l'amélioration de la formation des travailleurs du Bassin minier, afin de les rendre aptes à occuper les nouveaux emplois créés.
Or, à partir de la fin de l'année 1981, le gouvernement veut remettre en cause le premier volet de ce triptyque, la régression charbonnière. Une relance des investissements et des embauches est annoncée. Alors que l'on envisageait auparavant de fermer les dernières mines de la région à courte échéance, il est dorénavant affiché une volonté de relancer l'activité charbonnière. Avec ce discours de novembre 1983, Pierre Mauroy annonce un retour à la politique antérieure. Les crédits de l'État ne seront plus utilisés pour combler le différentiel entre le coût du charbon français extrait et le coût du charbon sur le marché, mais à des mesures de reconversion économique et sociale. Par la suite, le gouvernement mettra en place le Fonds d'Industrialisation du Bassin minier et la Financière du Nord-Pas-de-Calais (FINORPA) pour soutenir financièrement ces ambitions. L'avenir passe clairement par l'après-charbon.
Cette évolution radicale doit être replacée dans le contexte national. En mai 1981, le nouveau pouvoir socialiste engage une vigoureuse politique de relance de l'économie pour lutter contre la progression rapide du chômage, qui passe de moins de 3% en 1974 à 7% en 1981 et 8% en 1982. Les réformes sociales (39h, cinquième semaine de congés payés, augmentation des salaires) doivent relancer la consommation, tandis que les nationalisations des banques et de nombreuses grandes entreprises privées doivent permettre de restructurer l'industrie. Mais la relance de la consommation, alors que les pays voisins connaissent une conjoncture économique difficile creuse, le déficit de la balance commerciale française. Les multiples dépenses entraînent un déficit budgétaire important, qui fait craindre pour la solidité financière du pays. Le spectre du recours au Fonds monétaire international (FMI), l'organisme international qui aide les pays en difficulté financière, est même brandi. Le Franc est dévalué plusieurs fois, ce qui complique le financement des déficits français et diminue le pouvoir d'achat des Français. Cette crise de confiance explique le "tournant de la rigueur" de mars 1983. L'accent est mis sur la maîtrise des déficits, y compris dans les entreprises publiques qui ont fait l'objet d'aides financières massives de 1981 à 1983. Les Charbonnages de France ne sont pas épargnés, et doivent eux aussi contribuer à cet effort de rigueur budgétaire. Politiquement, ce "tournant" provoque des critiques de l'aile gauche du PS (Jean-Pierre Chevènement) et des communistes. L'interruption de l'exploitation charbonnière dans le Nord-Pas-de-Calais est toutefois repoussée de quelques années.