Georges Valbon visite le Bassin minier

04 mai 1984
02m 29s
Réf. 00194

Notice

Résumé :

Interview de Georges Valbon, ancien directeur des Charbonnages de France, lors d'une réunion réunissant environ 150 personnes à Condé-sur-l'Escaut. Il réaffirme sa confiance dans la filière charbon.

Date de diffusion :
04 mai 1984
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Georges Valbon, un homme politique communiste, a pris la présidence des Charbonnages de France (CdF) en 1982 et en 1983, pendant la brève période de relance de l'activité charbonnière, avant de démissionner en novembre 1983. Il revient dans le Bassin minier dans un lieu symbolique : Condé-sur-l'Escaut, près de la frontière belge. C'est en effet là que les premiers gisements de charbon du futur bassin minier du Nord-Pas-de-Calais ont été découverts en 1720, et exploités quelques années plus tard par la compagnie d'Anzin. Georges Valbon effectue alors une tournée des bassins miniers, qui l'avait conduit auparavant à Carmaux, une ville du Tarn qui était le bastion de Jean Jaurès. Il compte ensuite se rendre en Lorraine.

Le déclin charbonnier a été initié par le plan Jeanneney de 1960. Il est temporairement mis entre parenthèses par le gouvernement de Pierre Mauroy. A la fin de l'année 1981, le Premier ministre annonce en effet une relance de l'exploitation charbonnière, avec la remise en cause des fermetures envisagées, et l'embauche de 10 000 mineurs. Ces décisions s'insèrent dans une politique plus générale de relance, marquée notamment par de nombreuses mesures sociales (cinquième semaine de congés payés, 39 heures, lois Auroux) et des nationalisations massives. Il s'agit de lutter contre un chômage qui atteint bientôt 8% de la population active fin 1981. Mais les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous car le chômage continue de progresser, dépassant 9% à l'époque de l'émission. Surtout, les équilibres financiers sont menacés : les nationalisations ont coûté cher et il a fallu ensuite soutenir les groupes publics par des financements coûteux. Il s'agissait alors de restructurer les entreprises pour améliorer leur compétitivité mais aussi de combler les pertes structurelles abyssales d'activités comme la sidérurgie ou les charbonnages. Devant la perspective de difficulté à trouver des capitaux pour financer les déficits français, le gouvernement Mauroy adopte le tournant de la "rigueur" en mars 1983. Dans les charbonnages, la situation est tout aussi difficile. A l'échelle européenne, la France est devenue en 1982 le pays qui subventionne le plus le charbon à la tonne, rejoignant le niveau belge, bien au-dessus des aides britanniques et allemandes. La poursuite des aides massives à une production non rentable est intenable. Ce virage se manifeste dans le discours de François Mitterrand du 27 avril 1983 qui annonce le retour à la politique antérieure : celle d'une subvention de la reconversion économique et sociale, et non pas de l'exploitation charbonnière.

Refusant cette politique de déclin charbonnier, Georges Valbon tient un discours volontariste, marqué par sa volonté de croire en la possibilité de maintenir mais aussi de développer toute la filière charbonnière, avec ce qu'elle implique comme activités d'amont (constructions d'engins d'exploitations) et d'aval (carbochimie). Cette politique est d'ailleurs appliquée de manière massive par l'État depuis les années soixante. Par ailleurs, Georges Valbon nie la crise structurelle du secteur, qui est pourtant évidente depuis la crise de surproduction européenne de 1958. Plus précisément, il refuse de considérer l'argument du manque de rentabilité, évoqué à plusieurs reprises dans le reportage, et se réfugie derrière les "non-investissements" de longue durée. De fait, la modernisation continue des mines de Lorraine, qui se poursuit dans les années 1980 alors qu'elle s'est interrompue dans le Nord-Pas-de-Calais, a permis d'atteindre des rendements importants. Cependant le gisement de Lorraine est plus rentable car les veines sont plus larges et donc plus faciles à exploiter. Sa production dépasse celle du bassin septentrional dès 1974. Dès cette date, le rendement par poste est inférieur à 2 tonnes par jour dans le Nord-Pas-de-Calais contre 4 à 5 tonnes en Lorraine. La tournée des bassins miniers de Georges Valbon apparaît comme un dernier baroud d'honneur.

Laurent Warlouzet

Transcription

Marc Drouet
Le charbon fait-il encore recette ? Peut-on encore mobiliser sur le charbon ? L’ancien Président des Charbonnages de France n’a en tout cas réuni qu’un peu plus de 150 personnes ce matin à Condé-sur-l’Escaut ; et pourtant le devenir des Houillères intéresse au plus haut point ce secteur du Valenciennois. Plus qu’une démonstration économique, Georges Valbon est venu redire sa confiance dans filière charbon.
Valbon Georges
Ce que je crois réellement, par exemple pour le Nord-Pas-de-Calais, sans doute y a-t-il des difficultés d’exploitation ; sans doute les non-investissements de longues durées ont abouti à des coûts plus élevés que ce qu’on souhaiterait. Il faut prendre des dispositions pour investir d’une manière équilibrée. Il faut qu’on forme des jeunes aux technologies nouvelles. Et je crois que des charbons pourront partir des filières ; en amont, la fabrication de matériel minier, en aval, la carbochimie avec tous ses dérivés. Je crois qu’il y a des perspectives. C’est en ce sens que je disais, il faut réfléchir à ce qu’il se passe dans une région quand on arrête une exploitation.
Marc Drouet
Parmi les mineurs qui ont une sensibilité de Gauche, qui sont proches du Parti communiste ; on vous accuse un peu d’avoir quitté le navire au mauvais moment, d’avoir fait preuve d’un manque de courage.
Valbon Georges
Je n’ai pas le sentiment que les mineurs, d’une manière générale, aient interprété ma démission en novembre dernier comme un abandon et un manque de courage. D’abord, si j’avais abandonné, je ne serais pas ici. Je n’aurais pas été à Carmaux la semaine dernière, je ne serais pas dans quelques semaines en Lorraine. Non, je n’ai pas abandonné le Charbon, bien au contraire. Ma démission, elle a été l’expression d’une lutte des mineurs et de la mienne. Je crois au charbon, je le disais tout à l’heure. Je crois que nous nous tromperions si nous laissions fermer les puits, si nous abandonnions la filière charbon.
Marc Drouet
A quelques centaines de mètres du centre de Condé-sur-l’Escaut, la fosse Ledoux. Un peu moins de 1 000 personnes travaillent ici. Surcoup, à la thermie, cinq à six centimes, réserve estimé - 1,2 million de tonnes, peut-être 1,5 million ou 2 millions. Au-dessous de 800 mètres, le gisement est mal connu. Plusieurs dates ont été annoncées pour la fermeture des deux puits. Elles vont de 1985 à 1990 et parfois même au-delà.
(Bruit)