La reconversion des mineurs à EDF à Chinon
Notice
Reportage à Chinon où EDF emploie le personnel des Charbonnages pour la construction de la centrale nucléaire. D'anciens mineurs, Vincent Porebski, Pierre Savary et André Lopez, ont quitté Aniche pour tenter cette expérience. Jack Verlaine, directeur des HBNPC, estime que les meilleures mutations se font vers EDF. Jacques Kieffer, sous-directeur de EDF, remarque que 50% des mutations ne nécessitent pas de formation complémentaire. Seuls bémols les salaires et les épouses qui auront du mal à retrouver un emploi. Le reportage se termine sur les vignobles tourangeauds et l'interview d'un jeune homme qui ne regrette rien.
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Éclairage
Avec la fin de la dernière relance charbonnière tentée entre la fin 1981 et le début de 1983, l'arrêt définitif de l'extraction charbonnière aux Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC) se rapproche inéluctablement. Il reste pourtant encore 20 000 salariés en 1984. L'enjeu est donc de reconvertir vers d'autres métiers ceux qui sont trop jeunes pour être mis en retraite ou en préretraite.
EDF présente plusieurs avantages comme cible de reconversion pour des employés des Charbonnages de France (CdF), l'entreprise-mère des HBNPC. EDF et CdF sont deux entreprises publiques du secteur de l'énergie constituées juste après la Libération. Leurs salariés bénéficient de statuts avantageux et protecteurs. Par ailleurs, une grande partie des dirigeants des deux entreprises sont issus généralement de la même filière, l'école polytechnique puis le corps des Mines, ou le corps des Ponts. Certains occupent même des fonctions dans les deux groupes. Ainsi, à l'époque où l'émission est tournée, le directeur général de CdF de 1982 à 1986, Michel Hug, est l'ancien directeur de l'équipement d'EDF (de 1972 à 1982), où il avait été en charge notamment du programme nucléaire. Comme le soulignent les deux responsables interviewés successivement, Jack Verlaine, directeur général des HBNPC, et Jacques Kieffer, sous-directeur chez EDF, les mutations sont facilitées par le fait que de nombreux métiers se ressemblent, en particulier entre les employés du jour des Houillères et ceux d'EDF. 500 employés de CdF ont été transférés vers EDF. L'objectif est de parvenir à 1 000 mineurs par an pendant cinq ans, ce qui représentera donc une part non négligeable de l'effort de reconversion des HBNPC. Le responsable souligne enfin que la moitié des anciens employés des Houillères réaffectés à EDF auraient pu assurer leurs nouvelles fonctions sans formation complémentaire, montrant ainsi que le déficit de qualification n'est pas généralisé dans le Bassin minier.
La centrale présentée dans le reportage est celle de Chinon, en Indre-et-Loire. Établie sur la Loire, en aval de Tours, il s'agit du site de la première centrale atomique française, mise en service de 1963 à 1966 au bénéfice du programme militaire français. Elle utilise une technologie dite UNGG (Uranium Naturel Graphite Gaz) qui a ensuite été considérée comme trop coûteuse, et remplacée par la filière à eau pressurisée en 1975. En 1974 en effet, le gouvernement français a décidé de répondre à la crise énergétique par le lancement d'un programme d'équipement massif du pays en réacteurs électronucléaires. Entre la fin des années 1970 et les années 1980, de nombreuses centrales nucléaires sont construites, dont celle de Gravelines dans le Nord qui suit le même modèle que celle de Chinon. Cette dernière emploie 1 100 personnes en 1985, et son effectif progresse jusqu'à 1 600 salariés après la mise en service de l'ensemble des quatre réacteurs, en 1987. Ainsi, le site de Chinon n'a pas été choisi par hasard. Il permet de montrer l'ancienneté de l'expérience française dans le domaine du nucléaire, sa formidable expansion dans ces années-là, mais aussi de situer le reportage dans le cadre agréable de la Touraine.
Les interviews des différents employés des Houillères transférés ici sont particulièrement instructives. Elles montrent que les mutations sont bien acceptées. Cela s'explique sans doute aussi par le fait qu'elles émanent de démarches largement volontaires. Un ancien mineur de fond parle d'un "risque" pris. En effet, il était sans doute plus confortable de profiter d'un salaire supérieur, d'un logement gratuit et d'un réseau familial et amical en restant dans le Nord. Le mineur qui se déplace pour changer de métier renoue ainsi avec une tradition encore relativement récente, celle de la migration professionnelle. En effet, la majeure partie de la population du Bassin minier s'y est installée depuis moins d'un siècle pour profiter du boom de l'exploitation charbonnière. De nombreux mineurs sont en fait les enfants et petits-enfants de paysans établis en dehors du bassin minier. Parmi les anciens employés des Houillères, seuls les mineurs de fond perdent une part de salaire en passant chez EDF. Cette entreprise offre, comme les Houillères, de nombreux avantages sociaux mais encadre moins la vie du mineur. Ainsi, "le logement n'est plus gratuit mais de meilleur qualité". Se pose aussi le problème de l'intégration des familles, en particulier la possibilité de trouver un emploi pour les femmes qui travaillaient auparavant. Le reportage se montre pessimiste à ce propos même si la proximité de la ville de Tours, et de son agglomération de 300 000 habitants, n'est pas de mauvaise augure. Ainsi, le reportage, comme d'autres tournés dès le début des années 1970 montre la diversité des situations des mineurs, et leur capacité à rebondir pour embrasser le processus de reconversion économique et sociale développé depuis les années 1960.