Le processus de reconversion des mineurs
Notice
Un mineur témoigne du processus de reconversion qui a été mis en place dans le Nord-Pas-de-Calais. Il assure son travail dans la journée puis se rend au cours du soir pour apprendre un métier. Un responsable des Houillères, Monsieur Clarais, explique le principe de la reconversion basée sur le volontariat. Un ancien mineur qui travaille dans une fonderie décrit son parcours.
Éclairage
A travers plusieurs témoignages de mineur et l'entretien d'un directeur général adjoint des Houillères, M. Clarais, l'interview évoque bien les problèmes concrets de la reconversion professionnelle pour les anciens mineurs. La plupart d'entre-eux ont commencé à travailler très tôt, en général à 14 ans, donc sans avoir eu la possibilité de suivre une scolarité aboutie, ce qui les oblige à suivre une formation complémentaire. Dans un livre mentionné à un autre moment de l'émission, Le drame des Houillères de Michel Toromanoff (Seuil, 1971), lui-même ancien de Charbonnages de France, cette situation est dépeinte d'une manière brutale : "L'ouvrier mineur de fond, surtout si sa compétence ne s'étend qu'à l'abattage, au soutènement ou aux accessoires de ceux-ci [...], n'est convertible que moyennant une formation poussée. Il est riche uniquement de sa force physique, de la connaissance de son chantier, de sa spécialité charbonnière" (p.91). Cette difficulté explique que la reconversion ne soit proposée que sur la base du volontariat, l'investissement personnel étant important. Trois voies sont mentionnées dans l'émission : les formations rapides aux métiers non qualifiés, les formations de six mois en centres de formation pour adultes (FPA) et les cours du soir. Le principe est le volontariat. L'employeur, les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC), octroie souvent un soutien financier, soit par une prime de départ, soit en continuant de payer le salaire pendant la formation. Les effectifs concernés par ces conversions restent modestes, environ 300 à 400 par an. A l'époque, en 1972, le taux de chômage reste encore très faible (de l'ordre de 3%), car la France connaît la période de forte croissance des Trente Glorieuses. Le problème ne paraît donc pas insurmontable mais le rythme des reconversions doit toutefois être accéléré. La décroissance des effectifs des HBNPC est en effet brutale, passant de 145 000 en 1954 à 83 000 en 1968 et à 40 000 environ en 1975. Après le plan Jeanneney de 1960, le plan Bettencourt de 1968 accélère encore le déclin de l'activité charbonnière. Au moment du tournage de l'émission, il est envisagé une fermeture du bassin régional en 1983, soit à une échéance d'une dizaine d'années à peine.
La majorité des reconversions évoquées se déroule vers le secteur de la métallurgie. Ainsi, l'un des ouvriers interviewé est-il en poste dans une fonderie liée au secteur automobile. A l'époque, la sidérurgie n'est pas encore en crise grave. Elle subit une mutation importante avec le déclin des unités de l'intérieur du pays (vallée de la Sambre et bientôt Valenciennois) et la croissance de la "sidérurgie sur l'eau" avec l'installation d'Usinor à Dunkerque en 1962. Les grandes fermetures d'usines datent de la fin des années 1970, avec notamment les sites pionniers de Trith en 1977 et de Denain en 1978. La conjoncture était encore bonne en 1972, d'autant que l'ouvrier en question était en poste dans une usine liée à l'automobile, un secteur en pleine expansion dans le Nord-Pas-de-Calais. L'État central encourage ce mouvement de reconversion par une politique d'ensemble adaptée à la région, et par la loi de 1971 qui créée le dispositif moderne de formation professionnelle.
Au-delà des enjeux socio-économiques globaux, cette émission illustre la difficulté concrète d'entamer une reconversion avec un bagage scolaire mince, après plusieurs dizaines d'années de travail dur au fond, et avec souvent une charge de famille importante. Comme le mentionne rapidement le reportage, le mineur n'abandonne pas qu'un métier, il renonce également à un salaire avantageux par rapport à d'autres ouvriers non qualifiés, et à toute une série d'avantages sociaux qui peuvent paraître remis en cause. Le risque de déclassement pointe à l'issue d'une démarche de formation déjà difficile à entamer et à assumer. La reconversion sociale trouve là ses limites humaines.