Le patrimoine des Houillères

18 décembre 1990
02m 53s
Réf. 00289

Notice

Résumé :

Inventaire en images "à la Prévert" du patrimoine des Houillères : des bois, des friches industrielles, des terrils et des carreaux de mines avec leurs chevalements. Ce sont aussi des corons et des cités minières, des voies ferrées, des ponts, des stades et des terrains de sport, des écoles, des pharmacies, des salles des fêtes, des églises et des calvaires. De retour sur le plateau Jack Verlaine directeur des HBNPC indique que les Houillères ont cédé ce patrimoine.

Type de média :
Date de diffusion :
18 décembre 1990
Personnalité(s) :

Éclairage

À la suite du plan Bettencourt (1968) qui organise la fin de l'exploitation minière, les Houillères du Bassin du Nord-Pas-de-Calais (HBNPC) annoncent en 1969 leur intention de se décharger peu à peu de leur patrimoine immobilier. Celui-ci est caractérisé à la fois par son ampleur et sa diversité : 120 000 logements, 11 000 km de voirie, 120 stations de pompage, 4 000 hectares de terrils mais aussi 5 000 hectares de terres agricoles, 2 000 hectares de bois, 51 églises et chapelles, 29 stades, 24 salles de sport, 28 salles des fêtes, 20 écoles techniques et ménagères, 11 hôpitaux et cliniques, 6 salles de musique (1) . Ces chiffres démontrent que l'entreprise exerce, dans le bassin du Nord et du Pas-de-Calais, un rôle allant bien au-delà de la seule exploitation du charbon. Il s'est constitué un véritable système spatial minier, couvrant à la fois le domaine du travail (les installations d'exploitation au fond et à la surface) et le domaine du hors-travail (le logement avec les cités minières et les activités sociales prises en charge par l'entreprise). Ce système spatial, dont la genèse remonte au XIXe siècle, a beaucoup contribué à alimenter métaphores et parfois fantasmes visant ce qui apparaît au choix comme une "féodalité", un "État dans l'État", un "paternalisme" total, etc.

La comparaison entre les chiffres mentionnés plus haut et ceux qui sont cités dans le reportage, qui est présenté au moment de la fermeture en décembre 1990 du dernier puits en exploitation dans le Nord, permet de confirmer ce que dit Jack Verlaine (directeur général des Houillères du Bassin Nord-Pas-de-Calais de 1984 à 1993) à la fin du reportage. En réalité, en 1990, les Houillères ont déjà cédé une part notable de leur patrimoine. Ce n'est donc pas tant le principe même de la cession qui fait encore problème mais les conditions dans lesquelles celle-ci s'est effectuée, conditions qui pèsent encore à cette date sur l'ex-Bassin minier. Nombre de critiques, émanant principalement des élus locaux, ont en effet été adressées à la politique suivie par les dirigeants des Houillères à cette occasion. On leur a surtout reproché de vouloir privatiser les profits (cession des friches industrielles à des entrepreneurs ou à des promoteurs, volonté de rentabiliser une partie des logements par la vente ou la location) et de socialiser les pertes (en faisant retomber sans précaution sur les communes la charge de la voirie, d'infrastructures parfois en mauvais état ou en délaissant les logements occupés par les mineurs ou leurs ayant-droits). Cela a été la source de très nombreux conflits entre acteurs aux intérêts divergents : d'un côté une entreprise nationalisée soucieuse de bonne gestion et de la limitation de son déficit, de l'autre des élus locaux qui, désemparés devant ces charges nouvelles, se regroupent au sein de l'Association des Communes Minières (1970) et revendiquent des pouvoirs publics pour gérer cet héritage minier. Ces conflits sont encore présents au début des années 1990, notamment sur la question du logement ; ils conservent bien plus d'importance qu'un "paternalisme" ou une emprise minière qui à ce moment n'est déjà plus qu'un mythe.

(1) Guy Baudelle, "Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais après le charbon : la difficile gestion de l'héritage spatial", Hommes et terres du Nord, 1994-1, p. 3-12.

Marion Fontaine

Transcription

Alain Denvers
Fin d’une époque, fin d’une épopée, fin d’un empire même, celui des Houillères, tentaculaire, dont on peut aisément dresser le catalogue à la Prévert avant de rejoindre nos invités.
(Musique)
Journaliste 2
Les héros sont fatigués. Mais qui dans le Bassin minier peuvent bien être ces héros fatigués ? Qui, si ce n’est les HBNPC alias les Houillères du Nord Pas-de-Calais alias encore les Charbonnages de France. Mais en rendant l’âme, qu’adviendra t-il de leur fabuleux patrimoine, de ces bois, de ces 12000 hectares de terres recensées il y a un an à peine ? De ces friches industrielles et de terrains vagues, de ces quelques 330 terrils ? Et les 640 mines alors, flanquées de ces chevalements inséparables du pont et de ses inévitables parasites ?
(Bruit)
(Musique)
Journaliste 2
Mais les Houillères c’est aussi une ville dans la ville, environ 100 000 logements miniers, corons, chalets en bois des ingénieurs et cetera. Quelques 400 hectares de voies ferrées, quant au nombre de ponts… 27 stades et terrains de sports, autant de salles de fêtes, d’édifices culturels dont le célèbre musée de la mine à Lewarde. Mais les Houillères ont aussi leurs fiertés comme ces écoles communales à la disposition des familles de mineurs, ces 16 pharmacies et 240 centres de soins gratuits, 28 églises. A Sin-Le-Noble, par exemple, des habitants se signent encore en passant devant ce calvaire. Une pensée aussi pour ce qui a été et ne sera plus, ces centaines de milliers de casques, torches et lampes ; et bientôt mis au clou pour toujours, ces tenues si traditionnelles. Quelque part, aux fonds de tiroirs ou de placards, Relais, le magazine mensuel des mineurs diffusés douze ans à 150 000 exemplaires. Et puis ces berlines tirées jadis par des chevaux de trait, impossible de dire combien ils ont été, le dernier d’entre eux est mort en 67, il s’appelait Bienfait dit Finot.
Alain Denvers
Jack Verlaine, je disais tout à l’heure inventaire à la Prévert mais on a certainement oublié pas mal de choses.
Jack Verlaine
On a oublié, par exemple, des stands de tir, par exemple certaines chapelles mais surtout, je sais bien qu’on ne prête qu’aux riches, vous laissez penser que les Houillères sont encore propriétaires de tout ça, ce qui est faux. Les Houillères ont, depuis déjà très longtemps, cédé beaucoup du patrimoine que vous indiquez.
Alain Denvers
A qui ?
Jack Verlaine
Par exemple, vous passez dans ce petit film une société de secours minière, ce n’est pas les Houillères ! Et je crois qu’il faut rappeler que la gestion est assurée, pour les deux tiers, par les affiliés c’est-à-dire par les mineurs. C’est un exemple entre autres. Il y a beaucoup d’autres choses qui n’appartiennent plus aux Houillères et il y a quelque chose que vous avez oubliée. Ce sont tous les carreaux industriels qui sont encore en activité et qui le seront encore, je pense, très longtemps.