Un mineur italien à Waziers
Notice
Un immigré Italien originaire de Calabre mineur à Waziers et sa femme, racontent leur arrivée et leur installation en France. Pour eux, il n'est plus question de retourner en Italie.
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Éclairage
Comme beaucoup de mineurs venus d'Italie, Monsieur Carniato est originaire de Calabre. Le reportage le montre devant sa maison, la seule peinte en blanche dans le coron. Si le fond sonore rappelle l'Italie, l'image s'attarde longuement sur le paysage de la mine et ses spécificités. L'espace de la cité est structuré par celui de production que l'on voit en arrière-plan (fosse Notre-Dame). La différenciation des autres maisons se limite à quelques détails architecturaux, avec parfois une alternance des briques rouges et blanches, frises, pignons, linteaux, pilastres. Les allées et leur entretien sont la fierté des jardiniers-mineurs.
Monsieur Carniato raconte son arrivée : il a tout d'abord travaillé en Allemagne avant de choisir de venir en France où il avait déjà de la famille. Comme dans la plupart des reportages sur les populations étrangères installées dans le Nord-Pas-de-Calais, les deux questions majeures posées sont celles de l'adaptation et de la volonté de retour. A l'une comme à l'autre, le mineur répond en s'appuyant sur la place centrale de la famille : c'est elle qui a aidé le migrant à s'intégrer, c'est aussi parce que ses enfants sont mariés et ont des enfants en France qu'il ne souhaite pas repartir et n'envisage pas le départ de sa famille. Il dit aussi que ses enfants ont leur langue, le français. Son épouse, interrogée dans leur salle à manger, signe de ses qualités de ménagère et symbole de leur réussite, confirme elle aussi cet enracinement. "L'Italie c'est pour les vacances" dit-elle. Le reportage s'achève sur une ronde dans la cour de l'école, cadre majeur de cette adaptation des familles italiennes immigrées dans le Nord.
Ce reportage nous montre un contre-exemple de l'intégration italienne dans le Bassin minier. Contrairement à beaucoup de mineurs italiens et leurs familles qui n'ont pas réussi à s'adapter en France, d'autres comme ce couple venus de Calabre ne voudraient pour rien au monde retourner en Italie. Les retours dans le pays d'origine ont été moins importants que dans les projets initiaux des émigrés, y compris à l'arrivée de l'âge de la retraite. La crainte de perdre des avantages sociaux et matériels, un début de promotion professionnelle et un meilleur salaire que les mineurs italiens ne sont pas assuré de retrouver dans le Sud de l'Italie, la pression familiale exercée par un conjoint non italien et des enfants nés, scolarisés et mariés en France et comme c'est le cas dans ce reportage, expliquent les raisons pour lesquelles le retour en Italie est impensable pour une partie des familles italiennes.
L'intégration des italiens est facilitée par les lieux de sociabilité qui se développent pour maintenir les traditions italiennes. Les chorales de mineurs italiens, des cercles et foyers permettent à cette communauté de se rassembler pour jouer aux cartes, aux boules et parler du pays. Leurs pratiques religieuses sont également maintenues par des missions catholiques. Les Italiens mettent en place des cours d'alphabétisation mais aussi un apprentissage de la langue afin d'améliorer leur intégration.
Les deuxième et troisième générations d'italiens nés en France est caractérisées par une diversification professionnelle, dans un contexte de fermeture des mines, et géographique dans et hors de la région. On retrouvera beaucoup d'italiens travailler aux chantiers navals de Dunkerque par exemple. "Le monde de la mine et du travail dans un premier temps, l'école, la construction européenne et l'arrivée de populations plus lointaines dans un deuxième temps" ne sont pas étrangers à l'accélération de l'intégration des familles italiennes en France (1). Depuis le début des années 1990, le Bassin minier connaît une "nouvelle émigration" de travailleurs de très haut niveau (universitaires, banquiers, cadres d'entreprises). Des managers italiens ont ainsi fait leur apparition lors de la reprise de la société K-Way de Harnes ou la création de l'usine de tracteurs Fiatagri dans le Valenciennois. Ces derniers ne se mêlent pas aux anciens et fréquent d'autres milieux de sociabilité, créant un clivage entre la communauté italienne du Bassin minier.
(1) Rudy Damiani "Les Italiens : une immigration d'appoint", Tous gueules noires, Histoire de l'immigration dans le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, collection Mémoires de Gaillette, Éditions du Centre Historique Minier, Lewarde, 2004, pp. 85-109