Le foyer de mineurs italiens à Aniche
Notice
Sur le carreau de la mine de la fosse Barrois de Pecquencourt, Christiane Rabiega interroge en italien un groupe de mineurs originaires de la Calabre qui font partie des 3 700 mineurs d'origine italienne du Nord-Pas-de-Calais. On retrouve ces mineurs à l'intérieur de leur foyer à Aniche où ils s'adonnent en communauté à des loisirs : chants du pays et jeux de cartes. Une chorale interprète un chant en italien sur des images alpestres.
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Éclairage
Ce reportage rappelle que les mineurs italiens ont connu avant les mineurs venus d'Algérie puis du Maroc, un habitat communautaire et masculin lié à leur venue dans le cadre d'un accord intergouvernemental négocié entre la France et l'Italie en 1946 (l'Italie fournit des travailleurs à la France et la France du charbon à l'Italie).
Cette seconde vague d'Italiens (1), provenant essentiellement du Sud de la péninsule (Campanie, Calabre, Sicile), s'installe dans la région entre 1945 et 1962. Les mineurs présentés ici sont tout d'abord interviewés à l'entrée de la Fosse Barrois située à Pecquencourt (Nord), par Christiane Rabiega qui les interroge tout d'abord en italien puis en français sur leur adaptation au climat et à l'absence de soleil. C'est au porion qui les encadre et qui est, semble-t-il français, qu'elle demande quelques informations plus précises notamment sur la part des mineurs italiens. Elle est faible 3 700 sur 72 000 mineurs, les mineurs italiens n'ont jamais été une communauté importante. En effet, moins nombreux que les travailleurs des autres communautés, les Italiens n'en forment pas moins une présence visible, car ils se rassemblent en communautés de plusieurs dizaines voire centaines de membres dans quelques petites villes du Bassin minier. Les nombreux contacts avec leur pays d'origine favorisent la création de véritable colonies italiennes. Il s'agit de l'immigration en grappe. Cette expression vient du fait que les groupes constitués en Italie se reconstituent progressivement en France autour des membres qui ont émigré les premiers à Fenain, Waziers , Méricourt, ou Bruay-sur-l'Escaut où une rue ressemble à une "Petite Italie". La formation de ces groupes compacts permet l'établissement de superstructures et le maintient de liens et des traditions avec les régions italiennes d'origine. Les italiens comme les Polonais vont chercher à maintenir leurs traditions. Le foyer d'Aniche, constitue ainsi un lieu de sociabilité où se retrouve les mineurs italiens. Ils pratiquent des activités de loisirs communautaires : chants du pays et jeux de cartes. De nombreux cercle voient le jour, comme c'est le cas du Circolo Italiano à Méricourt. C'est une association purement masculine où les hommes s'y retrouvent pour jouer aux cartes (jeu de cartes marseillaises), aux boules et discuter autour d'un verre de vin italien et du jambon sec. Ces foyers sont des lieux d'échanges et de sociabilité (2).
La religion joue aussi le rôle de lien social pour cette communauté. Des offices religieux en langue italienne sont ainsi célébrés par des Missions catholiques italiennes. Des émigrés y font appel en particulier pour les messes de mariage ou d'enterrement. Le regroupement des communautés italiennes dans les paroisses n'est pas rare dans le Bassin minier. Ces Missions possèdent aussi des chorales composées de travailleurs italiens. Ils chantent des chants du folklore italien. Les Missions permettent également la reconstitution, lors des cérémonies religieuses, des crèches vivantes ou des scènes principales de la Passion du Christ lors de la fête de Pâques. Ces spectacles, qui renforcent la cohésion de la communauté italienne, se déroulent à l'intérieur de la communauté italienne et restent le plus souvent ignorés du public français.
Dans ce reportage, aucun témoignage direct n'est enregistré ici, aucune image ne saisit leur chambre ou plus généralement leur quotidien. Le reportage s'achève curieusement sur de longs plans sur les Alpes enneigées qui sont présentées comme le lien via le tunnel du Mont blanc en construction, entre les mineurs et le pays dont ils ont la nostalgie. Ce reportage insiste donc comme tant d'autres sur le caractère provisoire et profondément masculin de la migration de travail avant la rupture des années 1970.
(1) Rudy Damiani, "Les Italiens : une immigrationd'appoint", Tous gueules noires, Histoire de l'immigration dans le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, collection Mémoires de Gaillette, Éditions du Centre Historique Minier, Lewarde, 2004, pp. 84-109
(2) Rudy Damiani, op cit, p. 102