Une famille polonaise
Notice
Rencontre avec les Gosciniak, une famille d'origine polonaise à Noyelles-sous-Lens. La grand mère, femme de mineur, d'origine polonaise, ayant elle-même travaillé à la mine, évoque son arrivée en France et dans le Pas-de-Calais. On raconte quelques anecdotes sur l'arrivée en France et les relations avec les Français. Images d'un mariage polonais qui se rend à l'église en cortège. Des musiciens accueillent les mariés.
Éclairage
Au travers d'une réunion de famille qui rassemble trois générations, ce reportage présente les principales caractéristiques de l'histoire de cette émigration mais aussi de son évolution. Il ne s'agit plus de travailleurs venus d'un État voisin, mais des gens venus de beaucoup plus loin, sans lien préalable avec la région d'accueil ni même pour la majorité d'entre eux, avec le métier de mineur. Les premiers Polonais arrivent en France dès 1909 à Barlin dans le Pas-de-Calais, puis en 1910 à Lallaing, Guesnain et Wallers, travaillant ainsi dans les Compagnies des mines de Vicoigne-Noeux-Drocourt, Aniche et Anzin. Les Houillères apprécient le travail effectué par les Polonais, leurs compétences et leurs ardeurs à la tâche. Mais ces derniers déplorent les conditions de travail et l'accueil que leur réservent les autres ouvriers. C'est après la Première Guerre, entre 1919 et 1930 que l'émigration polonaise devient massive afin de reconstruire le pays meurtri par le conflit mondial tant en perte humaine que matérielle.
La mère de famille qui est au centre de cet interview est arrivée avec ses parents en France en 1922, lors de la première vague de migrants venus dans le cadre de la convention signée, entre la France et la Pologne, le 3 septembre 1919. Celle-ci garantit l'égalité des salaires avec les Français, à niveau de qualification égal. Une convention additive signée le 14 octobre 1920 assure aussi l'égalité en matière de soins, d'indemnités d'accidents du travail et de régime de retraite. Or ce point était peu important pour les Polonais, qui signant un contrat d'un an, renouvelable, ne pensaient pas s'éterniser en France. Juste le temps d'épargner la somme qu'ils leur faut pour retourner vivre décemment en Pologne. C'est généralement au dépôt de Toul dans la région de Lorraine que se faisaient les arrivées en trains et l'orientation vers les lieux de travail. Les Polonais étaient ensuite envoyés dans les Compagnies avec lesquelles ils avaient signé un contrat d'embauche. La plupart d'entre eux ont été dirigés vers le bassin du Nord-Pas-de-Calais, d'autres sont envoyés, comme c'est le cas pour cette mère de famille, vers les mines du centre et du sud de la France (Montceau-les-Mines, Saint-Étienne, Carmaux). L'attraction du Nord se renforce et 30% des Polonais vivant en France, au début des années 1920 sont installés dans les environs de Béthune. S'il donne satisfaction, le mineurs polonais obtient l'attribution d'une maison des Houillères et peut faire venir les siens dès 1924 lorsque la reconstruction est achevée. Les Polonais du Pas-de-Calais sont majoritairement des mineurs (93% au recensement de 1926, encore 88% à celui de 1931). Parmi les femmes, ce sont surtout des jeunes filles qui travaillent et en surface à des emplois sans qualification. La loi interdit depuis le 13 décembre 1889 le travail au fond de la mine aux femmes. Celles-ci sont donc occupées au tri du charbon (les "cafuts") et à l'entretien des lampes (lampistes). Dans ce reportage, à partir de son mariage, cette femme est devenue femme au foyer et a été comme beaucoup de ses consœurs, veuve très tôt. Son mari est mort de la silicose.
La question de l'intégration est au centre des préoccupations de l'interviewer : cette adaptation semble réussie car sa fille et sa nièce sont mariées à des Français. Cependant, avant 1914, les mineurs locaux acceptent mal ces étrangers et parle même d'invasion. Les Polonais aussi, ils vivent entre eux et entendent préserver leur identité nationale ainsi que leurs traditions. On remarque, dans cet interview, la force des traditions liées au pays d'origine à travers les images d'un mariage polonais et la confection d'un gâteau traditionnel le placek. Peut on parler d'intégration lorsque l'on sait qu'à Sallaumines, une des communes évoquées, les Polonais représentaient déjà 40 % de la population en 1926 ?