Journée polonaise avec Lech Walesa à Lens

18 octobre 1981
03m 37s
Réf. 00221

Notice

Résumé :

Vaudricourt a accueilli Lech Walesa à la mission catholique polonaise de France. Les franco-polonais se sont déclarés fiers de ce premier contact avec Solidarnosc. A Lens le chapiteau dressé, n'a pas suffi à contenir les milliers de fidèles venus prier avec Walesa. Dans un discours André Delelis, le maire de Lens a déclaré que Solidarité avait permis de rendre à la Pologne sa fierté.

Date de diffusion :
19 octobre 1981
Date d'événement :
18 octobre 1981
Source :

Éclairage

Le début des années 1980, les polonais ont été marqué à la fois par une forte renaissance culturelle et religieuse et par l'actualité. Deux événements majeurs ont en effet ravivé les liens entre la Pologne et les mineurs d'origine polonaise dans le Nord-Pas-de-Calais : la venue du pape Jean-Paul II à Paris le 18 mai 1980 et surtout la réception à Lens d'une délégation du syndicat Solidarnosc conduite par Lech Walesa, le 18 octobre 1981. Solidarnosc, (mot qui signifie "solidarité" en polonais) est une fédération de syndicats polonais fondée le 31 août 1980, soit un peu plus d'un an avant le tournage de cet extrait. Dans les années 1980, ce mouvement joue un rôle important dans l'opposition au régime de la République populaire de Pologne (régime marxiste-léniniste, dominé par le Parti ouvrier unifié polonais). Alors qu'aucun syndicat indépendant des organismes du pouvoir n'est autorisé à se former, des ouvriers des chantiers navals de Gdansk, une ouvrière, Anna Walentynowicz ,crée la première association indépendante en Pologne. Cela lui vaut d'être licenciée le 7 août 1980, perdant ainsi son droit à la retraite, à 5 mois de celle-ci. La décision de la direction des chantiers navals entraîne une grève qui éclate le 14 août 1980 et donne naissance au syndicat NSZZ Solidarnosc dont elle est cofondatrice avec Lech Walesa.

La visite de Lech Walesa relaté dans cet extrait, qui a mobilisé des milliers de personnes de la communauté polonaise de la région, a été notamment marquée par une messe sous un chapiteau installé sur le parking du stade Bollaert. Plus de 5 000 personnes s'étaient déplacées pour y assister et acclamer le héros de la résistance polonaise. Sur la scène, un autel a été dressé, derrière, une immense croix a été placée auprès d'une image de Gdansk. Les chants sont assurés par le chœur des Mineurs polonais de Douai. La grande messe, célébrée par le recteur de la mission catholique accompagné de 40 prêtres polonais, commence par la lecture par un jeune roubaisien d'une adresse au leader polonais : "Avant tout, nous voulions te voir et t'entendre Lech Walesa. Par ta foi, et ton amour de la patrie, tu as joint ton nom à ceux des plus grands fils de notre peuple. Nous t'admirons, et suivons ta lutte pour la justice et la liberté des travailleurs, du peuple polonais. Tout l'espoir en Pologne, et ici, repose sur toi, animé que tu es par Dieu et la Foi. Alors ressentons ensemble l'infatigable lien avec la Pologne, pour que la Pologne... reste polonaise !"

Monseigneur Harlé, évêque auxiliaire du diocèse d'Arras, s'adresse également à l'assistance et à Lech Walesa : "Toucher à la nation polonaise c'est toucher à la conscience du monde. Toucher à l'Église de Pologne, c'est toucher à l'Église universelle. Toucher au cœur de la Pologne, c'est toucher au cœur du monde et spécialement à celui de la France !" A la fin de la messe, André Delelis, député-maire de Lens et alors Ministre du Commerce et de l'Industrie, monte avec Lech Walesa et Bronislaw Geremek sur la scène et rappelle l'action du syndicat, de son leader et le soutien de son gouvernement : " ...Tout ce que vous avez fait avec vos camarades de Solidarnosc a permis de rendre à la Pologne sa fierté et a permis à la nation polonaise de montrer au monde qu'elle existait encore. Je suis heureux et fier d'être membre d'un gouvernement qui a été le premier à venir en aide au peuple polonais en lui faisant parvenir des vivres. Nous ne voulons en aucune manière nous immiscer dans les affaires intérieures de la Pologne. C'est l'affaire des Polonais eux-mêmes et ils sont assez courageux et intelligents pour le faire eux-mêmes sans avoir besoin de personne". Son discours s'achève par les hymnes des deux pays. Très ému, Lech Walesa répond en rappelant les liens entre les Polonais et la France et en évoquant l'avenir de son mouvement : "Monsieur le Ministre et chers amis, les mots me manquent pour exprimer ma reconnaissance. Notre voie a toujours été difficile aussi bien pour la Pologne, que pour celle de nos compatriotes vivant en France. Que le peuple français qui nous a permis de vivre, dans ce pays, reçoive toute notre reconnaissance. Je remercie beaucoup Polonia (1), les Polonais d'origine française et les Français d'origine polonaise. On a dit aujourd'hui beaucoup de choses importantes sur nous et il faut que nous y réfléchissions. Nous allons penser ensemble à ce qu'il faut faire pour que notre travail commun soit profitable à tous. Aujourd'hui s'ouvre une nouvelle page et la façon dont elle sera remplie dépend de nous. Écrivons de nouvelles valeurs. Des valeurs à la mesure de nos aspirations et des nôtres. Nous sommes prêts et nous attendons". Le même jour, le général Jaruzelski devient premier secrétaire du Parti ouvrier polonais. Quelques jours plus tard, une grève générale est lancée par le mouvement Solidarnosc et l'état de siège proclamé en décembre.

Pour commémorer cette visite, un mémorial bilingue (français - polonais) a été inauguré un an plus tard par le comité Solidarité pour Solidarnosc du Nord et du Pas-de-Calais face à l'église du Millenium à Lens.

En 1990, Lech Walesa quitte son poste à le tête du syndicat Solidarnosc et est élu président de la République polonaise contre le premier chef de gouvernement non communiste Tadeusz Mazowiecki, marquant la fin définitive de l'unité du camp des opposants au système totalitaire. Aujourd'hui encore, il reste une figure importante de la Pologne.

(1) La Polonia désigne la diaspora polonaise ou d'origine polonaise.

Sylvie Aprile

Transcription

Gérard Decq
Vaudricourt, commune de 500 habitants à la limite nord-ouest du Bassin Minier à quelques kilomètres de Béthune. C’est ici dans l’institut que possède la mission catholique polonaise de France, que le leader de Solidarité va rencontrer ses compatriotes et les Franco-polonais, leurs enfants et petits-enfants. Les Franco-polonais se déclareront fiers de ce premier contact direct entre Solidarité et des Polonais de l’étranger. Lech Walesa leur répondra quelques instants plus tard : ensemble, nous allons créer cette nouvelle Pologne, dans laquelle chacun d’entre vous sera le bienvenu.
(Bruit)
Intervenant 1
Mais il n’y a pas de mot pour exprimer notre sentiment, et nous savons que vous étiez tout le temps avec nous, même maintenant pendant notre visite et avant, pendant notre arrivée.
Gérard Decq
La journée du président de Solidarité dans le nord va se poursuivre à Lens. Un chapiteau a été dressé pour la circonstance, mais il ne suffira pas à contenir les milliers de fidèles venus prier avec Lech Walesa.
(Bruit)
(Musique)
Gérard Decq
Après une messe pour célébrer, les Franco-polonais feront une véritable ovation à la délégation du syndicat polonais Solidarité. Il y a là non seulement des Polonais du nord, mais d’autres venus de Paris, de Belgique et de l’Est de la France.
(Musique)
André Delelis
Le camarade de Solidarité a permis de rendre à la Pologne sa fierté, et a permis au monde après Carol Vostila, la raison.
(Bruit)
André Delelis
… a permis à la nation polonaise de montrer au monde qu’elle existait encore. Et je suis heureux et fier d’être membre d’un gouvernement qui a été le premier à venir en aide aux peuples polonais en lui faisant parvenir des vivres et de quoi manger.
(Bruit)
Gérard Decq
Et c’est au cours de cette cérémonie, il était un peu plus de 15 heures que la rumeur de démission du numéro 1 polonais, Stanislas Kania a commencé à circuler. Lech Walesa se refusera à tout commentaire.
(Musique)