Les mineurs marocains à Noyelles-sous-Lens
Notice
Reportage à Noyelles-sous-Lens où 117 mineurs marocains sont logés par les Houillères dans de petites maisons basses à l'écart de la ville. Recrutés sur des contrats prévoyant 18 mois de travail, la plupart ont renouvelés leur contrat. Félix Mora qui a recruté 66 000 Marocains dans le sud Maroc, explique les conditions de ce recrutement : les visites médicales, l'arrivée en France à Lille-Lesquin, etc. Immigrés peu intégrés, les mineurs marocains sont un élément économique indispensable dans le cadre de la récession minière.
Éclairage
La troisième vague méditerranéenne est la vague marocaine, dont le véritable essor commence dans les années 1950. Appelés dans le Nord-Pas-de-Calais ils sont paradoxalement venus selon l'expression "pour fermer les mines". Les raisons de l'émigration marocaine n'est pas différente des autres courants migratoires (1). Elles sont essentiellement économiques. Les incidences de la colonisation, les activités agricoles et l'élevage du bétail sans cesse remis en cause par la sécheresse, l'insuffisance des structures traditionnelles, le chômage endémique, le niveau de vie insuffisant sont autant de facteurs poussant les marocains à "tenter leurs chances" en France. L'objectif est de gagner plus d'argent, car ils ont plusieurs personnes à charge. Ils transmettront une partie de l'argent gagné à la famille restée au pays.
Les marocains forment une immigration d'appoint. Jeunes ruraux le plus souvent célibataires et illettrés (ce qui posera des problèmes de communication au fond du fait de la barrière de la langue), provenant du Sud marocain et, dans une moindre mesure, du Nord-Est du pays et du littoral atlantique, ils sont recrutés sur la base de contrats de courte durée (généralement 18 mois) : cette organisation permet à l'entreprise de se doter d'une main d'œuvre flottante et flexible qui facilite la récession à moindre coût pour faire face aux à-coups de la production dans le cadre du déclin programmé des mines (plan Jeanneney en 1959, plan Bettencourt en 1968) qui est entrecoupé de courtes périodes de relance. Sur les 70 000 venus en France, seule une partie d'entre eux restent à l'expiration de leur contrat, celui-ci leur interdisant le plus souvent de changer d'activité. Les Marocains sont d'ailleurs alors considérés comme des travailleurs de seconde zone. L'intégration des marocains ne se posait pas puisqu'ils étaient recruté pour une courte période. Seulement à la fermeture des mines, peu de marocains veulent rentrer au Maroc. Ils réclament leurs droits à la retraite et à être reconnus comme les autres travailleurs. Ce n'est qu'en 1980, après une longue grève, qu'ils obtiennent le statut de mineur assorti de ses avantages en matière sociale (logement, sécurité sociale, etc). Le reportage nous les montre dans leur habitat collectif, leur mobilier limité a un lit et une armoire sur laquelle trône la valise du retour. En parallèle, le reportage donne la parole à Felix Mora, qui explique les modalités du recrutement. Cet ancien militaire, est devenu recruteur pour les Houillères du Nord-Pas-de-Calais. Depuis 1956, il a parcouru la vallée de Souss pour trouver de la main d'œuvre au Maroc (2). Les bureaux de recrutement qu'il dirige sont installés dans les locaux des autorités locales pour donner un caractère officiel à ces démarches. Les représentants du pouvoir central sont également présents. Félix Mora recrute au final 78 000 marocains.
Trois visites médicales sont les principales étapes de ce périple qui les mène de Marrakech à Casablanca puis à l'aéroport de Lille-Lesquin avant l'entrée à la mine. Elles ont essentiellement pour but de tester la résistance physique à la chaleur et au travail de force de ceux qui vont ensuite être destinés aux tâches les plus rudes de l'abattage et l'extraction du charbon au fond. D'autres critères sont importants: ils doivent être âgés de 20 à 30 ans, peser 50 kg minium et avoir une acuité visuelle correcte.
(1) Marie Cegarra, Olivier Chovaux, Rudy Damiani et al., Tous gueules noires, Histoire de l'immigration dans le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, collection Mémoires de Gaillette, Éditions du Centre Historique Minier, Lewarde, 2004.
(2) Marie Cegarra, la Mémoire confisquée. Les mineurs marocains dans le nord de la France, Septentrion, Lille, 1999, 150 pages.