Les polonais du Nord-Pas-de-Calais
Notice
Présentation de la communauté polonaise vivant dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Les Polonais sont venus massivent travailler dans les mines. Si 600 000 personnes sont d'origine polonaise, il en reste encore 20 000 de nationalité polonaise. Tous entretiennent des liens avec la culture et les traditions polonaises. Ainsi un brasseur, M. Staniewski, importe des bières qui rencontrent un réel succès. La communauté dispose de leurs propres journaux comme Narodowiec installé à Lens depuis1924. A Vaudricourt un pensionnat catholique enseigne obligatoirement le polonais et défend la culture et les traditions. Le père Stolarek dit être français et défend l'idée d'un particularisme à l'image de ceux des différentes régions françaises.
Éclairage
Durant l'entre-deux-guerres, plus de 500 000 Polonais émigrent en France dont 220 000 dans le Nord-Pas-de-Calais (1). Recrutés pour la plupart par les compagnies minières pour répondre aux besoins de la Reconstruction, les Polonais composent jusqu'à 1/3 des mineurs du bassin du Pas-de-Calais et plus des 2/3 des effectifs employés au fond (2). Par endroits, les Polonais représentent 25% de la population totale et souvent davantage comme ici à Marles-les-Mines rebaptisée la "Petite Pologne". Ce reportage est l'occasion d'évaluer l'importance numérique de la communauté polonaise cinquante ans après son arrivée massive dans notre région. La concentration de la colonie polonaise du Nord-Pas-de-Calais, la plus importante de tout le pays, engendre la reconstitution d'un milieu national polonais et favorise, de facto, le développement d'une intense vie associative qui maintient l'identité et les valeurs nationales et constitue en cela un frein à son intégration. En effet, les Polonais de la première génération refusent très largement de se faire naturaliser mais, parmi les deuxièmes et troisièmes générations, beaucoup optent pour la nationalité française ou le devient de fait. La plupart conservent cependant un attachement viscéral à leurs racines entretenu par un encadrement religieux et un régime scolaire particuliers qui entretiennent leurs spécificités. Intégrés à la société française mais pas encore totalement assimilés, ils se regroupent au sein des cités minières où ils sont majoritaires et trouvent, parmi les commerces tenus par leurs compatriotes, tout ce dont ils ont besoin à l'image de M. Staniewski, un brasseur qui importe ses produits directement de Pologne et ravitaille ses coreligionnaires qui disposent également de leurs propres journaux parmi lesquels Narodowiec, (le "National" en français), quotidien créé en Allemagne en 1909 et implanté à Lens en 1924. En 1975, date à laquelle est réalisé le reportage, le tirage de ce quotidien rédigé exclusivement en polonais et connu de toute la diaspora polonaise oscillait entre 20 000 et 25 000 exemplaires après avoir culminé à 57 000 exemplaires par jour dans les années 1950 (3). Celui-ci passe de mains en mains et contribue indiscutablement au maintien et à la transmission de la langue maternelle. La polonité, ce sentiment d'appartenance à la communauté polonaise, s'exprime non seulement dans le cercle familial mais aussi au sein d'associations telle la chorale Millenium de Marles-les-Mines/Auchel/Calonne-Ricouart où, à travers le chant, se transmettent et se perpétuent les valeurs et les traditions polonaises ou encore par le biais de l'Institut Saint-Casimir de Vaudricourt, près de Béthune, tenu par des prètres polonais, qui dispensent une formation en langue polonaise à des internes âgés de 9 à 20 ans et par lequel sont passés des générations de jeunes garçons. Interrogé sur son sentiment d'appartenance à la communauté polonaise, le père Stolarek dit être français et se défend de tout communautarisme. Comme beaucoup, il est fier de sa biculturalité au même titre que peuvent l'être les Lorrains, les Alsaciens ou encore les Basques.
1) Janine Ponty, Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France dans l'entre-deux-guerres, Publications de la Sorbonne, 1988, p.427.
(2) Janine Ponty, ouvrage cité, p.428.
(3) Informations recueillies auprès de Maximilien Litkowski, rotativiste au Narodowiec de 1969 à 1989 lors d'un entretien réalisé le 30 décembre 2013. Exclusivement rédigé en polonais, le journal ne sut pas amorcer le tournant du bilinguisme. Faute de lecteurs, Narodowiec cessa de paraître en 1989 après 65 ans de présence au cœur du bassin minier.