Femme de mineur : femme au foyer

13 octobre 1973
02m 55s
Réf. 00174

Notice

Résumé :

Témoignage d'une femme de mineur qui parle de sa condition de femme au foyer. Sa vie est dédiée à l'entretien et l'organisation de son foyer avec en plus l'angoisse de l'accident du mari, de la maladie. Elle se révolte contre la fermeture des mines et s'interroge sur l'avenir de ses enfants.

Type de média :
Date de diffusion :
13 octobre 1973
Source :

Éclairage

La mine depuis l'interdiction du travail des femmes au fond dés les années 1880 est devenue à quelques exceptions près un monde d'hommes accaparant le mineur huit heures par jour, de la fin de son enfance jusqu'à sa retraite, souvent jusqu'à sa mort. Rendues peu à peu invisibles, les femmes ne sont pas moins omniprésentes au côté du mineur.

Le lieu de vie est distinct, dominé par les femmes, c'est le coron et la maison où règne au rythme des exigences du travail minier, la femme du mineur. Ses tâches quotidiennes sont nombreuses et identiques chez toutes les femmes de mineurs. L'épouse consacre ses journées à ses enfants, à l'entretien de la maison malgré la poussière de charbon présente partout, au nettoyage du foyer et au lavage du linge de la famille. Elle s'occupe également de la préparation des repas.

Cette image d'un monde à part est largement portée par les mineurs et leur famille qui insistent sur la spécificité de leur mode de vie et l'érige parfois en modèle familial. Le mineur est ce travailleur qui a longtemps revendiqué et vécu sa spécificité dans le monde ouvrier.

La maison est bien entendu étroitement liée aux avantages sociaux proposés aux mineurs depuis l'accès au régime minier de 1946, de même que la pérennité de l'emploi, la prise en charge des soins médicaux, le logement mis à disposition des mineurs et le charbon gratuit. L'éducation des enfants fait également partie de l'encadrement patronal. Le mineur évoque peu les réalités de son travail quotidien dont la femme ne connaît que les traces corporelles et guette les indices d'une dégradation de la santé qui caractérise l'apparition de la maladie tant redoutée : la silicose. La femme qui vante son cadre de vie est ainsi la garante de l'ordre social et de la perpétuation de l'organisation du travail minier.

Sylvie Aprile

Transcription

Intervenant
Il est vrai cependant que ce n’est pas facile d’être mineur ni d’être femme de mineur.
Mlle Langlot-Lemaître
Certainement pas.
(Silence)
Intervenante
Etre femme de mineur, c’est bien, oui. Je ne travaille pas, j’ai un beau foyer mais pourquoi faire. Toujours avoir de l’entretien, les petits, j’ai une petite fille de 4 ans, un petit garçon de 6 ans. Bien sûr, ils vont jouer dehors mais ce n’est pas du sable, c’est de la poussière de charbon qui se colle tout partout aux vêtements, au linge, il faut toujours laver, entretenir. Et au fond, on vit bien souvent dans l’inquiétude. Bon, à supposer que le mari revient tard de la fosse, ben, on se fait du mauvais sang. J’ai mon mari qui est toujours de l’équipe de nuit pour gagner quoi, un salaire de 120 000 anciens francs. Bon, vous savez, ce n’est pas formidable. Bon, tu viens t’asseoir ?
(Bruit)
Intervenante
Voilà, alors, mon mari a commencé à la mine à l’âge 14 ans et demi. Il aura 27 années de service cette année. Et bien souvent, quand il rentre de la mine, il parle de ses problèmes, il s’explique, il dit ce qui ne va pas, ce qui a été, il a connu le charbon piqueur.
(Silence)
Intervenante
Et bien sûr, il a rencontré bien des difficultés dans son travail. Vous savez, il y a beaucoup de maladies de mineur, maintenant la silicose, beaucoup de silicosés. Alors, vous savez, ce n’est pas toujours marrant d’être femme de mineur. On a toujours peur de ces maladies là, on a toujours peur de la blessure, on se dit toujours, bon ben, il est descendu, est-ce qu’il va remonter, à quelle heure il va remonter. Le métier de mineur, c’est très dur. Et alors moi, je ne comprends pas qu’on dit un jour, ben, ce sera fini parce qu’au fond, nos maris l’aiment.
Journaliste
Le grand problème qui plane sur cette région, il ne faut pas l’éluder ni le dissimuler, c’est celui de l’avenir, c’est celui de demain, c’est celui de la récession qui plane sur le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.
Intervenante
Oui, voyez-vous Monsieur, ça c’est un problème, un problème très grave, parce que au fond, moi, je trouve que c’est inadmissible qu’on ferme des puits chez nous alors qu’on sait très bien qu’on va manquer de produits énergétiques. Au fond, ici, les mines, c’est l’avenir, on n’implante rien chez nous. On demande au fond d’avoir des implantations nouvelles, on demande d’avoir des usines chez nous, on ne demanderait pas mieux. Nos hommes sont une race dure à l’ouvrage. Les gens du Nord d’ailleurs sont d’ailleurs très reconnus pour cette chose-là. Mais alors, on ne fait rien pour nous. On a l’impression qu’on est un peu dans le sac aux oubliés. Moi, j’ai quand même des enfants à élever, j’ai quand même une jeune fille de 18 ans qui est étudiante, j’ai quand même une fille de 11 ans, j’ai un garçon de 6 ans. Ben, qu’est-ce que je vais en faire ? J’ai une petite fille de 4 ans. Et qu’est-ce que je vais faire pour eux ? Quel est l’avenir pour eux, qu’est-ce qu’ils feront comme métier ?