Tourcoing : tournage du film Le Brasier
Notice
Éric Barbier tourne à Tourcoing dans salle du Fresnoy la reconstitution d'un bal avec 300 figurants pour son prochain film Le Brasier sur la communauté polonaise et les mines. Interviews du réalisateur Éric Barbier sur le travail de préparation du film et du comédien Jean-Marc Barr.
Éclairage
L'aventure de ce film peut être qualifiée d'exceptionnelle. Eric Barbier a à peine 30 ans lorsqu'il réalise Le Brasier, son premier long métrage, qui fut historiquement le premier film français à approcher la barre des 100 millions de francs de budget de production.
Jeune réalisateur sortant de La Fémis, il est lauréat du prix Victor Hugo, dont le but est d'aider le cinéma français à se renouveler en offrant une aide à un jeune réalisateur afin de produire un teaser de 15 minutes pour son projet de long métrage. Cette aide lui permettra de travailler avec Jean-François Lepetit, le producteur de Trois hommes et un couffin, et de convaincre les financeurs puisqu'il reçoit les plus importantes aides au développement du film et avance sur recette du CNC (Centre National de la Cinématographie).
L'idée d'Eric Barbier était d'abord de faire un film sur un boxeur remontant sur le ring pour nourrir sa famille, d'après un roman de Jack London. Ce dernier situait son action dans une banlieue industrielle américaine. Le monde de la mine a semblé être celui qui conviendrait le mieux pour décrire le même type de contexte en France. Eric Barbier part donc écrire à Montceau-les-Mines, où il rencontre beaucoup d'anciens mineurs et travaille son sujet. Il ne cache pas l'influence de Germinal dans son travail d'écriture : "Quand on regarde ce qui a été écrit sur la mine, à un certain moment tout converge vers Germinal. Zola a parlé des mineurs, des grèves, de tout" (1).
Ce type de projet est à contre courant dans le cinéma français. Depuis la fin des années soixante-dix, on ne réalise plus de grandes fresques sociales comme le réalisateur l'ambitionne ici. En ce sens, le film fait événement, d'autant plus qu'il est tourné au moment des fermetures des mines dans le Nord-Pas de Calais. Le tournage se déroulera non seulement en région (comme l'indique ce reportage) mais aussi en Pologne, en Belgique et à Paris.
Le film s'ancre cependant dans une tout autre période historique : de 1931 à 1934, jusqu'au moment de l'expulsion des Polonais . Mais ne peut-on pas y voir la similarité des deux époques avec leur contexte de graves crises économiques conjuguées au le désarroi social de ces travailleurs ?
Ce n'est cependant pas la préoccupation principale d'Eric Barbier qui désire d'abord mettre en scène sa fascination pour l'univers de la mine. Il apporte un soin tout particulier à la reconstitution et à l'image de son film. Son souhait est d'offrir au spectateur une représentation quasiment mythique de la mine : les scènes du fond sont très sombres "pour ne pas faire une image proche de la télévision". Le décor devient expressionniste : des flashs lumineux sur quelques visages, des images-choc comme les plans de la cage descendant à très grande vitesse...
Le film ne rencontrera pas le succès public attendu (80 000 entrées Paris). L'accueil critique est également mitigé. Tout en reconnaissant les talents du jeune réalisateur, on reproche à son film d'être trop léché, trop calculé, trop froid : "Dans Germinal, la mine dévoreuse d'hommes finissait également par devenir le personnage principal du livre. Mais Zola prenait soin de la peupler d'une foule de personnages vivants" (2) . Quelques années plus tard, Claude Berri avec son Germinal, parviendra à enthousiasmer les habitants du Nord-Pas de Calais et atteindra les 5.8 millions de spectateurs en France .
(1) Les Cahiers du Cinéma, n°440, février 1991
(2) Télérama, n°2142, janvier 1991
La revue du Cinéma, n° 469, mars 1991.