Les terrils balnéaires de Loisinord
Notice
A Noeux-les-Mines au pied du puits n°3 et d'un ancien terril, vient d'ouvrir une base nautique. Un début de reconquête de la ville pour le maire Jacques Villedary. La fréquentation est importante et les plaisanciers interviewés disent leur satisfaction. A suivre, un projet de piste de ski artificielle.
Éclairage
Ce reportage est tourné peu de temps après l'ouverture au public du complexe Loisinord, implanté sur une friche industrielle, au pied d'un ancien terril, sur le territoire de la commune de Noeux-les-Mines. Ce complexe est doté d'un plan d'eau de 9 hectares permettant de pratiquer une grande variété d'activités nautiques (baignade, planche à voile et même ski nautique grâce à un système de câbles), d'un mini-golf, de restaurants et de structures d'hébergement. Plus original encore vient s'ajouter en 1996 une piste de ski artificielle, qui occupe le terril et est évoquée déjà à la fin de la séquence. La réalisation de ce projet doit beaucoup à la politique de Jacques Villedary, devenu maire socialiste de la ville en 1983. Ce dernier se trouve confronté, comme beaucoup de ses collègues du bassin minier du Nord, à une crise économique et sociale doublée des problèmes posés par l'héritage des friches et des emprises territoriales minières. Il y réagit ici de manière originale en développant une initiative visant à la fois à développer de nouvelles activités dans le domaine des loisirs, en général des services, et à changer l'image de sa ville.
Si Loisinord relève d'une politique et d'un contexte municipal en partie singuliers (l'ancienneté relative de la fermeture des puits sur le territoire de Noeux-les-Mines facilite ainsi la reconversion des espaces miniers), ce type de projet s'inscrit aussi dans des dynamiques plus générales. Il témoigne en effet des multiples défis qui accompagnent la requalification des anciens sites et paysages nés de l'extraction du charbon (terrils, anciens carreaux de fosse, dépressions du sol dues aux affaissements souterrains, etc.) (1), notamment à partir des années 1990. D'un côté, ces derniers sont voués à demeurer et sont de surcroît considérés de plus en plus comme un patrimoine à préserver. De l'autre, ils sont intégrés dans la volonté de changement manifestée par les collectivités locales de l'ancien bassin minier: changement sur le plan social et économique (avec le passage de l'industrie aux services et aux loisirs), changement aussi sur le plan symbolique (avec la volonté d'effacer les stigmates attachés à l'image d'une région "noire" et triste). Loisinord offre une excellente démonstration de cette mutation souhaitée : quoi de plus emblématique en effet que de passer du charbon et du travail souterrain à l'été, aux sports de glisse et aux activités touristiques ? Le cas n'est pas unique. Dans la région nombre de terrils ou encore d'étangs nés des affaissements miniers sont transformés en parcs (le parc de la Glissoire à Lens-Avion), en bases de loisirs, en réserve naturelles, à moins qu'ils ne soient investis pour des activités culturelles . La situation se retrouve ailleurs : l'ancienne mine à ciel ouvert de Carmaux, fermée en 1997, a ainsi été transformée, elle aussi, en 2003 en pôle multi-loisirs, Cap découverte, avec une piste de ski, un lac artificiel et une piscine. L'ambition consistant à faire des restes de l'héritage minier un argument touristique s'est en général de plus en plus affirmée dans les dernières décennies. Si elle ne va pas sans poser un certain nombre de questions (liées en particulier à l'équilibre à trouver en préservation de la valeur patrimoniale des sites et nouveaux usages touristiques, culturels ou ludiques de ces derniers), elle est bel et bien un trait majeur de l'évolution que connaissent aujourd'hui les anciens bassins charbonniers et, de manière plus globale, les sociétés industrielles.
(1) Michel Deshaies, "Les bassins houillers d'Europe : des paysages entre héritage et renouveau", article publié le 25 janvier 2008 sur le site Géoconfluences et accessible par le lien suivant : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/paysage/PaysageScient3.htm.