Ouverture du musée de la mine à Lewarde
Notice
Un musée de la mine a ouvert ses portes à la fosse Delloye de Lewarde. Si le carreau possède deux chevalements en état, les autres corps des bâtiments sont plus ou moins conservés. Les lieux contiennent un capharnaüm de matériels miniers, mais aussi des archives. René Liégeois, administrateur du Centre historique minier avoue qu'il y a beaucoup d'ordre à mettre avec une toute petite équipe et une association chargée de l'animation disposant d'un budget insuffisant. D'anciens mineurs, Georges Cormont et Émile Duez, disent ce qu'ils pensent de cette transformation.
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Éclairage
Le Centre Historique Minier (CHM) de Lewarde a été classé en 2009 au titre des monuments historiques. Avec ses 150 000 visiteurs par an, il fait figure de lieu de mémoire du monde minier à l'échelle locale, nationale et même internationale (le CHM est par exemple intégré dans le réseau européen des musées de la mine). Une telle réussite n'avait pourtant au départ rien d'évident (1). Si le Centre ouvre ses portes au public en 1984, l'idée en remonte en réalité au début des années 1970. À l'heure où la fermeture des puits s'accélère et où en même temps la notion de patrimoine industriel commence à se diffuser, certains dirigeants des Houillères du Nord-Pas-de-Calais, en particulier le secrétaire général, Alexis Destruys, estime qu'il revient à l'entreprise d'accomplir elle-même, avant de disparaître, la mise en musée de son activité. Le CHM est officiellement créé en 1973. En 1982 une association naît afin d'animer les différentes structures du Centre et d'aider à son financement.
Mais comme l'atteste le reportage, les premières années du CHM sont difficiles. Le fait que l'initiative provienne directement de l'Entreprise est susceptible de susciter des craintes quant au contenu du projet (le risque d'une histoire technicienne et conquérante, qui minimise les conflits et les mouvements sociaux au sein du monde minier). Par ailleurs, les quelques pionniers qui sont à l'origine du Centre sont bien isolés. La préoccupation majeure des dirigeants des Houillères est surtout à l'époque de gérer la récession au moindre coût, celle des élus de réaliser la reconversion économique ; dans tous les cas les questions patrimoniales sont à l'arrière-plan. Il faut noter également que, quand il apparaît, le Centre se donne pour objectif de conserver et de muséifier un monde et une mémoire qui, à cette date, sont encore à vif. Comme l'atteste le reportage, si certains mineurs témoignent déjà de la volonté de conserver la mémoire des "gueules noires", tous ne partagent pas cette envie : l'amertume découlant des fermetures est sensible, tout comme la volonté d'oublier un passé professionnel dur et marqué d'un sentiment d'indignité. Enfin, le site même d'implantation du CHM fait débat. La fosse Delloye a été choisie par les responsables des Houillères à la fois pour des raisons pratiques et pédagogiques : elle représente en effet l'image la plus simple et communément répandue du site minier (les chevalements et les bâtiments d'exploitation). Les critiques de ce choix ont beau jeu de noter que cette image ne correspond qu'à la période la plus ancienne de l'exploitation et que la fosse Delloye représente en fait un cas marginal : isolée dans son environnement rural, elle ne comporte ainsi à proximité ni corons, ni chemins de fer, ni industries de produits dérivés.
Tout cela n'empêche pas le développement du Centre. À partir des années 1980, il fait l'objet d'importants travaux. En 1990 est ouvert le "parcours du mineur" qui devient bientôt le centre de la visite. Au même moment, les Houillères du Nord-Pas-de-Calais, qui disparaissent en 1992 cèdent la place dans la gestion du Centre et passent le relais à l'État et aux collectivités locales. Ce passage contribue sans nul doute à l'appropriation du CHM par tous les acteurs de l'ex-bassin minier. L'organisme, à la fois musée, centre d'archives et lieu de réflexion, a su dissiper les critiques et les méfiances qui au départ l'entouraient et apparaît aujourd'hui comme l'un des pôles à partir desquels s'organise la valorisation patrimoniale de l'ancien monde des "gueules noires".
(1) Voir Fabien Desage, Le Centre historique minier de Lewarde : ressorts et enjeux d'un lieu de mémoire en bassin minier, Mémoire de DEA de Sciences Politiques, Université de Lille 2, 1998. Consultable en ligne sur le site du Ceraps : URL