Un musée de la mine dans une cave
Notice
Reportage chez un ancien mineur, Alfred Dautriche, qui a reconstitué à travers des maquettes les différentes phases de l'exploitation d'une mine. Sa motivation est de faire connaître ce métier désormais disparu à ses petits-enfants.
Éclairage
Ce reportage présente l'initiative originale d'un mineur employé aux Houillères du Nord-Pas-de-Calais durant les toutes dernières décennies de l'exploitation : après sa retraite, il a installé dans sa cave un petit musée, composé à la fois d'une esquisse de reconstitution de l'environnement souterrain et d'une collection d'objets les plus divers (du téléphone aux photographies), voués à témoigner de son activité professionnelle et plus largement de l'atmosphère du travail au fond. De manière générale, cette initiative atteste la démocratisation de la figure du collectionneur, au XIXe et plus encore au XXe siècle. Si, à la Renaissance par exemple, les "cabinets de curiosité" étaient l'apanage d'une élite, à l'époque contemporaine le goût de la collection s'est diffusé beaucoup plus largement : on peut ainsi collectionner des objets miniers, comme d'autres collectionnent les timbres-poste, les outils, les plaques de fourneaux et bien d'autres choses encore.
Reste que la constitution d'un tel musée personnel de la mine, une telle démarche individuelle de patrimonialisation, s'inscrivent aussi dans un contexte plus spécifique. Jusqu'aux années 1990 en effet, dans l'ex-Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, les projets de conservation du patrimoine minier se heurtent à de nombreux obstacles, aussi bien culturels qu'administratifs. Aussi ces projets sont-ils alors peu portés par les institutions (à l'exception du Centre Historique Minier), et relèvent bien plus souvent de mobilisations locales (1). A la base de celles-ci, on trouve la plupart du temps la volonté et l'action d'individus, anciens employés des Houillères, désireux à la fois de pérenniser la mémoire du travail minier et de la représenter, aux yeux des habitants de la surface ou des jeunes générations : c'est le cas à Noeux-les-Mines, à Bruay-la-Buissière ou encore à Auchel. Avec ce reportage, on se trouve en quelque sorte au point extrême de ce processus. Le créateur du musée reste solitaire (même si on peut penser qu'il fait aussi visiter sa cave à un public autre que celui des reporters). Il entreprend le rassemblement et la disposition d'objets authentiques issus de son passé et qui opèrent comme autant de reliques. En parcourant les quelques mètres de sa galerie artificielle, il retrouve un instant les gestes de son métier et les rejoue comme pour affirmer, au moins pour quelque temps encore, une identité. Ce genre de musées individuels de la mine n'est pas un cas isolé. Sans qu'on ait de recensement précis, il y a sans doute eu dans les années 1980 et 1990 nombre de gardiens du patrimoine du même type, qui pour certains ont fait don ensuite de leur collection au Centre Historique Minier. Cependant, à partir des années 2000, le rétrécissement progressif du groupe des anciens mineurs, l'inscription croissante du patrimoine des "gueules noires" dans des cadres institutionnels diminuent la part de ces initiatives.
(1) Alban Bensa, Daniel Fabre (dir.), Une histoire à soi. Figurations du passé et localité, Paris, Éditions de la MSH, 2001, en particulier Michel Peroni, "Ce qui reste de la mine dans la région stéphanoise. La mine faite objet, la mine faite sujet", p. 251-278.