Un musée de la mine dans une cave

29 novembre 1995
03m 03s
Réf. 00271

Notice

Résumé :

Reportage chez un ancien mineur, Alfred Dautriche, qui a reconstitué à travers des maquettes les différentes phases de l'exploitation d'une mine. Sa motivation est de faire connaître ce métier désormais disparu à ses petits-enfants.

Type de média :
Date de diffusion :
29 novembre 1995
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Éclairage

Ce reportage présente l'initiative originale d'un mineur employé aux Houillères du Nord-Pas-de-Calais durant les toutes dernières décennies de l'exploitation : après sa retraite, il a installé dans sa cave un petit musée, composé à la fois d'une esquisse de reconstitution de l'environnement souterrain et d'une collection d'objets les plus divers (du téléphone aux photographies), voués à témoigner de son activité professionnelle et plus largement de l'atmosphère du travail au fond. De manière générale, cette initiative atteste la démocratisation de la figure du collectionneur, au XIXe et plus encore au XXe siècle. Si, à la Renaissance par exemple, les "cabinets de curiosité" étaient l'apanage d'une élite, à l'époque contemporaine le goût de la collection s'est diffusé beaucoup plus largement : on peut ainsi collectionner des objets miniers, comme d'autres collectionnent les timbres-poste, les outils, les plaques de fourneaux et bien d'autres choses encore.

Reste que la constitution d'un tel musée personnel de la mine, une telle démarche individuelle de patrimonialisation, s'inscrivent aussi dans un contexte plus spécifique. Jusqu'aux années 1990 en effet, dans l'ex-Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, les projets de conservation du patrimoine minier se heurtent à de nombreux obstacles, aussi bien culturels qu'administratifs. Aussi ces projets sont-ils alors peu portés par les institutions (à l'exception du Centre Historique Minier), et relèvent bien plus souvent de mobilisations locales (1). A la base de celles-ci, on trouve la plupart du temps la volonté et l'action d'individus, anciens employés des Houillères, désireux à la fois de pérenniser la mémoire du travail minier et de la représenter, aux yeux des habitants de la surface ou des jeunes générations : c'est le cas à Noeux-les-Mines, à Bruay-la-Buissière ou encore à Auchel. Avec ce reportage, on se trouve en quelque sorte au point extrême de ce processus. Le créateur du musée reste solitaire (même si on peut penser qu'il fait aussi visiter sa cave à un public autre que celui des reporters). Il entreprend le rassemblement et la disposition d'objets authentiques issus de son passé et qui opèrent comme autant de reliques. En parcourant les quelques mètres de sa galerie artificielle, il retrouve un instant les gestes de son métier et les rejoue comme pour affirmer, au moins pour quelque temps encore, une identité. Ce genre de musées individuels de la mine n'est pas un cas isolé. Sans qu'on ait de recensement précis, il y a sans doute eu dans les années 1980 et 1990 nombre de gardiens du patrimoine du même type, qui pour certains ont fait don ensuite de leur collection au Centre Historique Minier. Cependant, à partir des années 2000, le rétrécissement progressif du groupe des anciens mineurs, l'inscription croissante du patrimoine des "gueules noires" dans des cadres institutionnels diminuent la part de ces initiatives.

(1) Alban Bensa, Daniel Fabre (dir.), Une histoire à soi. Figurations du passé et localité, Paris, Éditions de la MSH, 2001, en particulier Michel Peroni, "Ce qui reste de la mine dans la région stéphanoise. La mine faite objet, la mine faite sujet", p. 251-278.

Marion Fontaine

Transcription

Patrick Marlière
On va passer à un autre maintenant, à une autre ambiance. Certains dans leur cave, par exemple, n’hésitent à y entasser une foultitude d’objets inutiles ou désuets. D’autres, par contre, y rangent avec soin des bouteilles de grands crus. Eh bien, Albert Dautriche lui, il y a recréé ce qui fut sa vie. Reportage de Valérie Dermersedian.
(Musique)
(Bruit)
Albert Dautriche
Monsieur, Dame, bonjour. Ben, je vous invite à visiter ma cave, si vous voulez bien me suivre. Bon ben voilà, nous allons commencer la visite de ma cave bien sûr par quelques photos que j’ai réunies ici en souvenir.
Valerie Dermersedian
32 ans, passées au fond de la mine, ça ne s’oublie pas comme ça du jour au lendemain. Issu d’une famille de mineurs, Albert Dautriche n’a pas vraiment eu le choix de son métier. Le certificat d’études en poche, il est allé directement au charbon. 27 ans à la Sallaumines et 5 à la fosse 9 de l’Escarpelle. 1990, fin de l’exploitation des mines de l’Escarpelle, pour Alfred c’est aussi la fin d’une époque. Il ne compte pas oublier le bon vieux temps, il décide de transformer sa cave en galerie. Matériels de récupération, maquettes faites par l’artiste, rien ne manque à sa reconstitution.
Albert Dautriche
Je vais vous faire voir en même temps, un téléphone du fond de la mine. Qu' l est marrant celui-là parce que, il est actionné. Voilà, ça ça servait à communiquer d’une galerie, d’une extrémité à une autre d'une galerie, où est-ce qu' on ne mettait pas de courant bien souvent ; parce qu’on ne peut pas mettre du courant tout partout. Maintenant, on va procéder à la descente de la cave pour faire la visite. Bon, nous voilà arrivés dans le fond de la cave, je vais vous faire voir ce qu' était un montage. Un montage c’était la préparation d’une taille, où est -ce qu' on n’a posé uniquement que le charbon. Là maintenant, on va voir quelques maquettes. Ici, nous avons le boute feu, le boute feu. Après, on va procéder à des normes de sécurité, fait un contrôle de grisoumétrie avant de procéder à un tir des mine, ça c'est un tir de mine. Là, vous avez le travail du gazier. Le gazier, toutes les nuits, il descendait des gaziers au fond de la mine pour contrôler les teneurs en grisou , pour voir si les sentiers ils étaient accessibles.
Valerie Dermersedian
Intarissable sur le sujet, Albert Dautriche peut continuer ainsi pendant des heures ; car sa cave n’a beau faire qu’une dizaine de mètres carrés, il y a pendant un an entassé des tas et des tas d’objets, de fossiles, de maquettes ; pas simplement pour lui mais aussi pour faire plaisir à ses proches.
Albert Dautriche
Si j’ai fait cela, c’est pour garder une image à peu près réelle pour faire voir aux petits-enfants, comment cela pouvait se passer à peu près au fond de la mine. Parce que de faire voir des cartes postales, c’est bien, des photos c’est bien ; mais de faire voir un peu de choses plus réalistes, je pense que c’est beaucoup mieux. Et en même temps, si je peux faire profiter d’autres personnes qui désirent voir. Ils peuvent toujours venir voir chez moi, ma porte elle est ouverte.
Valerie Dermersedian
Alors si vous voulez faire un tour au fond de la mine, n’hésitez pas, Albert Dautriche habite Sallaumines. Et il se fera un plaisir de vous faire visiter sa cave. D’accord, il n’y a pas de pinard mais vaut le détour.