La nationalisation des Houillères
Notice
Après un extrait du discours prononcé par Robert Lacoste sur la nationalisation des Houillères, le commentaire (sur des images de carreaux de mines et de mineurs dans le Nord-Pas-de-Calais), affirme que c'est la première fois qu'une industrie de base est gérée par les mandataires de la nation, les "gueules noires" devenant ainsi "les associés de la Nation".
Éclairage
La nationalisation des moyens de production est un projet central du programme du Conseil national de la Résistance adopté le 15 mars 1944. Il réclamait "l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie".
Dans les bassins houillers, en particulier dans le Nord, suite aux puissantes mobilisations patriotiques et aux souffrances de la période, il règne en 1944 une grande impatience de voir cette mesure réalisée du fait notamment des vives tensions entre les mineurs et une partie de l'encadrement pendant l'occupation. Dès le 13 décembre 1944, les présidents et les directeurs des compagnies privées sont destitués.
Le processus de nationalisation comporte une étape provisoire avec l'ordonnance du 14 décembre 1944 qui concerne uniquement les Houillères du Nord-Pas-de-Calais. La deuxième étape sera instituée le 24 avril 1946 par la loi de nationalisation et la création, le 17 mai, des Charbonnages de France à l'origine fédération d'établissements publics à caractère industriel et commercial dont les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC). Les anciennes compagnies minières sont regroupées en neuf groupes : Auchel (mines de Marles, La Clarence et Ligny-les-Aire), Bruay (mines de Bruay), Béthune (mines de Noeux et Grenay), Lens (mines de Lens), Liévin (mines de Liévin), Hénin-Liétard (mines de Courrières, Dourges et Drocourt), Oignies (mines de Carvin et Ostricourt), Douai (mines d'Aniche, l'Escarpelle, Flines, Courcelles et Azincourt) et Valenciennes (mines d'Anzin, Crespin, Douchy, Vicoigne). Ce regroupement va permettre la modernisation de l'appareil productif avec des concentrations qui consistent à rassembler l'extraction du charbon sur un minimum de fosses. Au fur et à mesure de celles-ci, différents regroupements seront effectués, le premier ayant lieu en 1952 avec le groupe Lens-Liévin (1).
Ce document des Actualités Françaises est diffusé en mars 1945 alors que le climat social dans les mines reste tendu avec de nombreux débrayages. Il reprend un discours prononcé par Robert Lacoste (2), commissaire à la production industrielle du Gouvernement Provisoire de la République française (GPRF) depuis septembre 1944.
Dans son propos sur la nationalisation, il souligne que l'élimination des intérêts capitalistes est le "caractère essentiel" de la mesure. Il insiste sur le rôle nouveau des "gueules noires" qui seront associés à la gestion. De fait, les Houillères du Bassin du Nord-Pas-de-Calais disposent dès 1944 d'un "Comité consultatif" présidé par Michel Duhameaux, futur président des Charbonnages de France (3) où siègent huit représentants syndicaux dont Léon Delfosse (4) responsable de la Fédération CGT du Sous-Sol .
Pour autant, le ministre socialiste en mars 1945, donc entre la décision concernant le Nord et la nationalisation de 1946, s'interroge sur la suite des événements : "L'expérience commence, le peuple des mineurs la réussira-t-il ?". Entre "révolution" (un renforcement du rôle des communistes dans le gouvernement) et "restauration" (une économie de marché fortement régulée par l'État), selon l'expression de l'historien Jean Bouvier (5), la situation est encore incertaine.
(1) Voir sur internet l'évolution des subdivisions administratives des HBNPC selon les périodes.
(2) Robert Lacoste (1898 – 1989) : c'est un résistant, socialiste et syndicaliste opposé au régime de Vichy. Il est délégué adjoint du CFLN, (Comité français de Libération nationale). Commissaire à la production industrielle du GPRF en septembre 1944, puis Ministre de l'industrie de 1946 à 1950, il occupe diverses fonctions ministérielles jusqu'en 1958. Il est aussi député de la Dordogne à partir de 1946.
(3) Michel Duhameaux, futur président des Charbonnages de France de 1948 à 1949, ancien ingénieur en chef des Mines, il sera ensuite directeur des Houillères de Lorraine de 1947 à 1957.
(4) Il devient en 1946, administrateur de Charbonnages de France jusqu'aux grèves de 1947, et des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, où il fut également directeur général adjoint chargé des questions sociales. Il est à l'origine de l'achat du château de La Napoule.
(5) Bloch-Lainé François, Bouvier Jean, La France restaurée, 1944-1954. Dialogue sur les choix d'une modernisation, Paris, Fayard, 1986.