Les Mémoires de la mine
Notice
Générique d'ouverture du premier volet "La mine" d'une série de quatre documentaires intitulés Les Mémoires de la mine, réalisés par Jacques Renard. Alors que l'on voit des images du démantèlement du carreau de mine du 21 d'Harnes, trois mineurs Henri Dubois, Jean François Frère et André Hiroux, regardent et commentent un document intitulé "Le Charbon" diffusé sur TF1 en août de 1976.
Éclairage
Natif de Béthune, élevé à la cité du Grand 21 à Harnes, près des fosses 21 et 22 qui cessent leur activité en 1977, Jacques Renard portait depuis longtemps en lui le projet de montrer la vraie vie des mineurs, de raconter "l'histoire de la mine et des hommes de la mine du bassin houiller du Nord-Pas-de Calais, par ces hommes eux-mêmes " (1), l'Histoire des classes laborieuses trop longtemps occultée au cinéma et à la télévision.
Après un premier film en 1976 ( Monsieur Albert), il a l'intention de faire raconter par différentes générations de mineurs, 70 ans de leur histoire, de 1914 à 1980. TF1 commande 4 émissions d'une heure, produites par l'Ina (la toute jeune délégation régionale porte le projet). La Région apporte une aide logistique et les Houillères du Nord Pas-de-Calais ouvrent leurs sites : grâce à un matériel récent antidéflagrant on peut filmer au fond en toute sécurité, aussi pour la première fois à la télévision seront montrées les conditions extrêmes de l'extraction à la fosse Barrois de Pecquencourt, au 9 de l'Escarpelle de Roost Warendin et à l'Avaleresse de Vieux Condé qui ferme juste après le tournage.
Le principe retenu est de confronter les mineurs aux images d'archives et de les amener à travers elles à s'interroger sur leur histoire passée et présente. Un important matériau constitué de films d'actualités, documentaires, fictions... a été collecté. Pendant plus d'un an, Jacques Renard recueille les témoignages, montre les images, filme les réactions, et à partir de 10 heures de tournage, construit le montage avec les protagonistes. "Mon travail de cinéaste, c'était à partir de la mémoire des mineurs de faire découvrir au spectateur que cette mémoire était occultée, que les gens n'avaient jamais droit à la parole, que ceux qui parlaient à leur place avaient globalement un discours qui variait suivant les nécessité politiques et économiques. Mon travail de cinéaste c'était de recueillir humblement, le mieux possible leur mémoire, de mettre autour un système qui leur permette de parler en confiance et d'avoir également accès à ce que d'autres ont dit" (2).
La première partie La Mine, commence par montrer au spectateur ce qu'est le métier de mineur. Dans l'extrait sélectionné ici , on en voit les premières images. Tandis que le carreau de mine du 21 d'Harnes est démantelé à coups de chalumeaux et de bulldozers, trois mineurs visionnent un document des Charbonnages de France et de TF1 sur les techniques sur la mine. Ils les commentent et les critiquent : "Ce film là...il ne parle pas de l'homme...il parle des machines"..." Ça ne reflète pas les difficultés du mineur au fond".
Ces trois mineurs qui ont été filmés au travail, vont décrire les différentes étapes de de l'exploitation au fond. Mineur de creusement (le travail de creusement des voies pour atteindre les veines de charbon) et mineur d'exploitation en taille. Puis on assiste au déroulement d'une journée, du point de vue de l'ouvrier et de celui de sa femme.
Dans la deuxième partie : La mémoire 1914-1939, les témoins, français et polonais, racontent leurs débuts à la mine après la Première Guerre mondiale, les luttes sociales et politiques, l'expulsion en 1934 des Polonais à Leforest, 1936 et les premiers congés payés.
Dans Le Cœur. 1940-1950 , la première partie, "Mineur et résistant" (1940-1945), montre la résistance passive, les sabotages, la collaboration. Il est raconté pour la première fois, vue de l'intérieur, la grève de 1941. Puis dans "Mineur et combattant" (1945-1950), sont abordés la nationalisation des Houillères, le consensus autour de la reconstruction du pays et la bataille du charbon,et les désillusions qui suivirent, marquées par les grèves de 1947 et 1948 et leur répression.
Dans Le Corps. 1950-1980 de la modernisation à la récession, les récits évoquent la question du logement gratuit, des avantages pour lesquels on est resté à la mine malgré la silicose. Cette maladie et ses ravages, occultés par les médias, sont longuement expliqués. La récession termine la série avec la grande grève de 1963 puis le remplacement de la main d'œuvre locale par des travailleurs marocains, les fermetures, conséquence de l'augmentation du prix de revient du charbon, l'insuffisance de personnel qualifié. Les toutes dernières images montrent l'abattage du chevalement du puits 21.
Les Mémoires de la mine sont un exemple unique dans l'histoire du documentaire à la télévision française. Par son ampleur : jamais auparavant, on avait ainsi enregistré de tels récits de vies et de carrière. L'autre particularité réside aussi sur la volonté de faire vivre ce travail au-delà de la diffusion sur TF1. Des projections suivies de débats ont été enregistrés dans plusieurs villes du bassin minier et diffusée sur Fréquence Nord (Radio France). Lors de la dernière émission, un duplex fut réalisé avec France Culture avec les mines d'Alès. Les copies des rushs ont été déposées pour consultation à la Vidéothèque Régionale de l'Ina et au musée de Lewarde. L'ensemble des entretiens ont été retranscrits et publiés ainsi qu'un ouvrage des photos du tournage (3).
Les Mémoires de la mine ont obtenu le Prix de la critique et le Prix de la Société des Gens de Lettres.
(1) Jacques Renard : Mémoires de la mine. Note d'intention. Septembre 1977. Archives Ina nord
(2) Entretien avec Jacques Renard recueilli par C Szafraniak. Le Nord et le Cinéma. Le temps des cerises, 1998.
(3) Paroles et mémoires du bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais 1914-1980. Recueil d'interviews de mineurs et de femmes de mineurs établi par Jacques Renard. CRDP Lille,1981.
Mémoires de la mine photos de François Ede et Pierre Mercier. Ina/Le Sycomore 1981.