La production d'engrais à l'usine chimique de Mazingarbe

08 février 1960
05m 29s
Réf. 00349

Notice

Résumé :

Reportage à l'usine chimique de Mazingarbe : toutes les étapes de la fabrication d'engrais azotés à partir du charbon sont détaillées. En 1959, le Bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais a fourni 33 % des besoins d'engrais en France.

Type de média :
Date de diffusion :
08 février 1960
Source :

Éclairage

Le site de Mazingarbe (Pas-de-Calais, groupe Lens-Liévin) détient une longue expérience dans la transformation du charbon.

C'est dans les années 1920 que se développe en France la carbochimie avec le complexe de Mazingarbe créé par la Compagnie des mines de Béthune qui produit dès 1923 de l'ammoniac. A la nationalisation, Charbonnages de France (CdF) créé deux pôles chimiques organisés autour de trois activités (produits organiques, engrais et plastiques) : Mazingarbe rattaché aux Houillères du groupe de Béthune et Saint-Avold en Moselle.

Après la Libération, l'usine a lancé la production d'engrais pour l'agriculture. Ce document est un petit cours de chimie, très didactique, qui présente la production d'engrais azotés à partir du charbon produit à l'usine de Mazingarbe en 1959.

Les gaz issus du charbon de coke épuré contiennent 55% d'hydrogène qui est recueilli par liquéfaction. On isole l'azote de l'hydrogène puis on le précipite avec de l'acide nitrique. Outre le charbon et ses gaz, le procédé utilise des phosphates importés d'Afrique du Nord (Maroc et Tunisie).

A partir de ces procédés classiques on obtient des engrais pour l'agriculture intensive : de l'amonitrate, des nitrates de chaux et des engrais spéciaux. La contribution de cette usine à la production nationale couvrirait un tiers de la production française, ce qui est important, même si une grande proportion des engrais consommés est importée. On notera les dernières images qui évoquent les Temps Modernes de Charlie Chaplin, le document nous invite à percevoir la modernité de ces fabrications.

Ce document permet de souligner la contribution du charbon et des Charbonnages à la modernisation de l'agriculture française des "Trente glorieuses". Si les transformations et la modernisation de l'appareil industriel sont considérables au début des années 1950, les mutations de l'agriculture sont aussi spectaculaires. La France passe en quelques années d'une situation de petite autosuffisance agricole à celle d'un pays exportateur de produits agricoles et ce, de façon croissante dans les années 1960. Les origines de ce changement profond sont diverses : politiques publiques (remembrement, statut des fermiers, etc.), dynamique sociale des agriculteurs et formation professionnelle, équipements mécaniques. Le machinisme agricole est l'un des six secteurs prioritaires du Plan Monnet, ce qui permettra d'importer massivement des tracteurs américains. Enfin, emploi massif d'engrais, azotés ou non, qui fait basculer l'agriculture française dans la production intensive et dans une logique qui n'est pas encore celle du développement durable.

A l'instar d'autres formes de valorisation du charbon (matières plastiques, nylon, etc.), on peut en effet fabriquer des engrais à partir du matériau organique charbon. Là encore, tout est possible sauf à se heurter à la compétitivité-prix des engrais obtenus à partir des produits pétroliers.

Philippe Mioche

Transcription

(Musique)
Journaliste
Cette montagne, c’est tout simplement de l’engrais, de l’engrais tiré du charbon. Cela vous étonne, alors venez avec nous visiter l’usine de Mazingarbe des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais. Nous allons faire un peu de chimie mais rassurez-vous, de la chimie très simple.
(Bruit)
Journaliste
Le charbon qui arrive directement de la mine passe tout d’abord dans les lavoirs que vous voyez, dans le fond, pour séparer le charbon pur des schistes qu’on envoie au terril. Une partie de ce charbon est distillée pour obtenir du coke et des gaz.
(Musique)
Journaliste
Laissons ce coke se refroidir tout seul et suivons ces tuyaux. Le gaz épuré, débarrassé notamment de son goudron et de son benzol contient environ 55% d’hydrogène.
(Musique)
Journaliste
Dans cet atelier, atelier de liquéfaction, on recueille l’hydrogène.
(Musique)
Journaliste
Par ailleurs, toujours par liquéfaction, on isole l’azote de l’air atmosphérique. Cet azote et cet hydrogène se combinent dans un tube de synthèse pour donner de l’ammoniac. Dans un tel tube, on peut fabriquer 100 à 130 tonnes d’ammoniac par jour. L’ammoniaque est oxydée dans des brûleurs à toiles de platines portés à 750 degrés. Les vapeurs nitriques sortant de ces brûleurs sont absorbées par de l’eau distillée pour donner de l’acide nitrique.
(Musique)
Journaliste
Du haut de cette tour, on précipite alors une solution neutralisée d’acide nitrique et d’ammoniac à 140 degrés qui cristallise dans un courant d’air froid ascendant.
(Musique)
Journaliste
Ces cristaux, séchés, sont enrobés de calcaire. Le calcaire servant de support à l’azote nécessaire aux végétaux. Et nous avons obtenu un premier engrais, l’ammonitrate. Mais les végétaux ont besoin aussi de phosphate et de potasse. C’est pourquoi, à Mazingarbe, on fabrique des engrais complexes. Pour fabriquer ces engrais complexes, on fait agir l’acide nitrique sur du phosphate en provenance d’Afrique du Nord. On obtient de l’acide phosphorique et du nitrate de chaux qui est un engrais bien connu des agriculteurs. On fait agir aussi l’acide phosphorique sur de l’ammoniaque pour obtenir un engrais binaire, le Mazingarbe 20-20-0. Pour l’engrais ternaire, Mazingarbe 12-12-16 ou Mazingarbe 3 fois 15, on fait agir cet acide phosphorique à la fois sur de l’ammoniac et sur de la potasse en provenance d’Alsace.
(Musique)
Journaliste
L’usine de Mazingarbe a produit en 1959 environ 120 000 tonnes d’ammonitrate, 36 000 tonnes de nitrate de chaux et 70 000 tonnes d’engrais complexes binaires et ternaires. Avec les filiales des Houillères, le bassin du Nord et du Pas-de-Calais fournit 33% de la production d’engrais azoté en France.
(Musique)