La Libération dans le Bassin minier
Notice
Dans cet extrait des "Mémoires de la Mine," trois témoins évoquent la Libération. Jean Wroblewski raconte comment s'est déroulée la libération du Bassin minier avec l'aide de la Résistance. Le travail a pu reprendre. Jean-Bart Pierrot explique que les mineurs ont eu espoir d'avoir, après la Libération, à manger et des vêtements. Robert Ledoux explique que le travail a changé après la Libération, notamment en ce qui concerne le commandement.
Éclairage
La Libération du Nord-Pas-de-Calais fut une dure épreuve pour les ports, où les Allemands avaient massé des troupes, surtout dans la poche de Dunkerque. Elle prit presque par surprise le bassin minier. Certes, depuis le débarquement du 6 juin 1944, les Forces françaises de l'intérieur (FFI) s'étaient mobilisés, ainsi que les Francs-tireurs et partisans (FTP) également présents partout. Un mot d'ordre de grève générale insurrectionnelle courait à la fin d'août. Mais les armées alliées, Britanniques et Canadiens en tête franchirent la Somme le 1er septembre 1944, poursuivirent leur élan jusqu'à Arras et déferlèrent en quelques jours sur le Bassin, sur les talons des unités allemandes en retraite. Les Résistants locaux leur prêtèrent un précieux appui.
Mais les mineurs avaient déjà mené leur propre guerre, quelques années plus tôt et en avaient payé le prix. Après la défaite de 1940, les compagnies, désireuses de prendre leur revanche sur 1936, revinrent sur les conventions collectives, et rétablirent par exemple le chronométrage dans les tailles, avant même de subir la tutelle exigeante des autorités allemandes. C'est dans ce contexte que les mineurs osent cesser le travail du 27 mai au 9 juin 1941. Cette grève patriotique, exaltée par les communistes qui en assumèrent l'organisation, mobilise 100 000 mineurs, pour des revendications matérielles autant que par sentiment anti-allemand. L'occupant la considère comme un acte de guerre et entreprend de la briser, mais commissariats et sociétés houillères se mettent à son service et lui fournissent les listes de meneurs. Pour les mineurs, il est clair que les compagnies collaborent avec l'ennemi et la lutte sociale se confond alors avec la lutte nationale.
C'est pourquoi à l'automne 1944, révolution sociale et libération nationale sont intimement mêlées. Le patronat minier, accusé d'avoir poussé à la production pour Hitler, est complétement discrédité et les directions en place sont suspendues le 11 octobre 1944, bien avant la création de Charbonnages de France. L'encadrement, dont certains membres ont pourtant participé à la Résistance, souffre du même rejet. Des incidents sanglants éclatent quand ingénieurs et porions se présentent, il règne dans certains puits un climat insurrectionnel. Or la France a un immense besoin de se chauffer, de faire rouler ses locomotives. Les sacrifices des mineurs, qui souffrent du rationnement comme le reste de la population, ne trouveront pas récompense immédiate : il leur faut d'abord se consacrer à la bataille de la production, pour redresser le pays. Et faute de pouvoir investir, augmenter le rendement signifie demander plus d'efforts aux ouvriers. Seul le parti communiste est capable de le faire accepter aux mineurs, au prix de leur santé. Mais les compensations, importantes, viendront ensuite, avec le vote en février 1946 du statut du mineur qui en fait "le premier ouvrier de France" puis, en juillet, la nationalisation des mines.