Le rôle d'un chef de taille : pointage, plan de travail et salaires

18 novembre 1981
02m 28s
Réf. 00383

Notice

Résumé :

Cette séquence est extraite des Mémoires de la mine. Jacques Renard suit la journée d'André Hiroux, chef de taille d'exploitation. On le trouve ici dans la salle de pointage avant la descente du personnel au fond. Les abatteurs ont une fiche donnée par le chef de taille qui indique le rendement effectué. Celui ci conditionne le salaire et est fréquemment contesté.

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Date de diffusion :
18 novembre 1981
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Éclairage

Cette séquence est extraite des Mémoires de la mine. Jacques Renard suit André Hiroux, chef de taille d'exploitation.

La scène se situe dans la salle de pointage avant la descente du personnel au fond. Pour la comprendre, il faut décrypter les cycles de travail dans un chantier et les systèmes de rémunération à la tâche (1).

Le placeur de personnel définit une équipe de travail avec le chef de taille, les hommes sont placés en fonction de leurs formations, de leurs compétences, de leurs qualifications et de leurs aptitudes physiques à travailler dans le chantier.

L'état d'empoussièrement de ces chantiers est contrôlé régulièrement et donne lieu à un classement en quatre catégories en fonction du taux d'empoussièrement.

A- Le plus simple sans poussières

B- Intermédiaire

C- Empoussiéré

D- Arrêt du chantier

Un ouvrier présentant des problèmes respiratoires ne sera pas affecté aux chantiers déclarés empoussiérés.

Dans la salle de pointage, le chef de quartier et le porion place le personnel en début de poste en fonction des difficultés et des contraintes. Ainsi les tâches à effectuer et et leurs affectations sont consignées dans le cahier de pointage.

En fin de poste , le chef de taille relève la position des hommes. Il transcrit sur plan le travail les différents types de difficultés rencontrées, il note les déclarations de travail qui indique le volume de travail fourni par l'ouvrier. A la remontée on transmet au chef de poste de l'équipe qui va descendre, l'état d'avancée du chantier et lui indiquer ce qu'il reste à faire.

Puis, le chef de taille va transmettre le plan de travail au porion de salaire. Celui -ci dispose d'un budget qu'il va en quelque sorte gérer sur le mois. Il valide ou pas les tâches déclarées. Employé au jour, celui-ci descend rarement pour contrôler le travail réellement effectué. Ce rôle relève du contrôleur, qui lui, a en charge le contrôle de plusieurs tailles et ne peut pas constater les difficultés éventuellement rencontrées.

Le lendemain, avant la descente, le chef de taille distribue à chaque ouvrier sa fiche d'avancement de la veille, avec son salaire ce qui amène souvent des contestations, certains mineurs refusant même de descendre lors de graves contestations. La direction recommande de remettre ces fiches lorsque le personnel est descendu afin d'éviter le refus de descente, une fois au fond, il n'y a plus de possibilité de remonter avant la fin de poste. Cependant, André Hiroux, explique qu'un mineur qui n'aura pas été payé suffisamment sur une tâche va contester et refuser de la poursuivre le lendemain.

Le prix du travail en taille est défini en fonction de la longueur d'avancement journalier par poste, il est établi par cycle comprenant l'abattage du charbon, le creusement des niches niches qui servent aux manœuvres des engins et l'avancement du soutènement.

Au cours d'un poste, il peut être procédé à plusieurs cycles complets et à une partie de cycle. Par exemple si le personnel du poste a effectué deux cycles complets puis a commencé le troisième en abattant le charbon et en avançant dix piles sur les cinquante que constitue le chantier , il sera tenu compte de l'abattage du charbon et de ce déplacement de dix piles dans le bulletin de salaire de ce poste .

Dans les chantiers de creusement des galeries ou des bowettes, le travail est également défini par cycles qui sont la foration des trous, la mise en place des charges d'explosifs, l'évacuation du personnel avant explosion, l'explosion des charges, le soutènement provisoire du chantier, l'évacuation des produits après explosion et le soutènement définitif de la galerie. Comme en taille, plusieurs cycles peuvent être effectués sur un poste et une partie de cycle dont il sera tenu compte dans le calcul du salaire.

Lors de la descente, les mineurs remettent un jeton avec le numéro de matricule qui leur est affecté qui permet de signaler leur présence au fond. En fin de poste, les jetons sont rendus à chaque propriétaire, si l'un d'eux n'est pas réclamé, il indique qu'un homme est resté au fond et qu'il est nécessaire de le rechercher.

La remise des jetons avant d'entrer dans la cage permet également de replacer le personnel en fonction de la cage qu'il a emprunté lors de la descente. Par exemple, s'il est descendu dans la cage descendu en troisième position, il remontera avec la troisième cage.

(1) On se reportera à la transcription de l'entretien avec A Hiroux dans Paroles et mémoire du bassin houiller du Nord-Pas de Calais 1914-1980 , CRDP Lille, pp 269-280

Jean-Marie Minot

Transcription

(Bruit)
André Hiroux
La salle pointage, euh, elle sert premièrement à savoir où c’est qu’on travaille. Après ensuite, bon ben vous avez tous les salaires, les salaires sont marqués à côté de votre numéro de lampe. Et en plus vous pouvez être en deux en poussières, en trois en poussières ou en quatre, c’est marqué à côté de votre nom. C’est-à-dire que quand le gars qui est en trois en poussières, il ne doit plus travailler dans les fronts. C’est parce qu’il est déjà reconnu silicosé.
(Bruit)
André Hiroux
Ce jeton sert d’abord premièrement au pointage, deuxièmement il sert à savoir si il est descendu, il sert s’il viendrait à être blessé, à savoir où il est, dans quel quartier il est. Quand il remonte, si son jeton, il n’est pas là, bon ben, on signale que tel jeton, il n’est pas là, c'est que l'ouvrier n’est pas remonté. Alors pourquoi ? on doit savoir pourquoi il n’est pas remonté, s’il fait du rabiot, s’il n’est pas perdu dans un coin, s’il n’est pas blessé, tout est contrôlé.
(Bruit)
André Hiroux
Au pointage, y'a que les abatteurs qui ont les fiches. Ils ont une fiche avec ce qu'ils ont fait par jour, avec leurs primes, tout ce qu’ils ont gagné quoi. Alors nous, comme chef de taille, on donne normalement les fiches au fond. Moi, je les donne au jour, jusqu’à maintenant, on ne m’a jamais rien dit, je donne au jour. Je donne les fiches, lee gars ils regardent combien ils ont gagné. S’il n’a pas gagné assez, ça discute et pas tant que le poste du matin parce que le poste du matin, le porion de salaire n’est pas là. Et l’après-midi, c’est encore pire parce que si je donne les fiches, les gars, ils ne veulent pas aller descendre, ils veulent aller voir pour leur salaire. Alors, l’agent de maîtrise nous dit, enfin la direction nous dit de donner les fiches au fond.
(Bruit)