Journée d'action intersyndicale dans le Bassin minier

15 novembre 1984
02m 31s
Réf. 00121

Notice

Résumé :

Journée d'action de l'intersyndicale des mineurs a été organisée pour défendre l'avenir de la mine à la fosse n°9 de l'Escarpelle à Roost-Warendin. Plusieurs élus dont les députés Alain Bocquet et Georges Hage étaient présents. Charles Boulanger au nom de l'intersyndicale réaffirme la nécessité du raval de cette fosse.

Date de diffusion :
15 novembre 1984
Source :

Éclairage

Trois ans et demi après l'installation de la gauche au pouvoir, la situation a considérablement évolué. La relance de la production charbonnière promise en 1981 a fait long feu et "en 1983, à la suite des enseignements tirés par la Commission régionale d'évaluation des ressources du bassin du Nord-Pas-de-Calais et du maintien à un niveau trop élevé du prix du charbon national, le gouvernement décide de reprendre le chemin (...) de la récession" (1), ce qui amène le communiste Georges Valbon à annoncer sa démission de la présidence des Charbonnages de France le 14 novembre.

La logique économique conduit en 1984 à l'élaboration d'un nouveau plan de récession qui prévoit le maintien des seuls sièges rentables. Dès lors, les mobilisations des travailleurs du sous-sol et de leurs syndicats redoublent d'intensité. Dès le 2 mars 1984, date de l'annonce des mesures gouvernementales au Conseil d'administration des Charbonnages, ils sont plusieurs milliers à se rassembler à proximité du siège de l'entreprise, Place de la République à Paris. Un mois plus tard, le 7 avril, une manifestation pour “la défense du charbon et de l'emploi” se déroule à Lens, où s'était tenue moins d'un an plus tôt une marche des mineurs. De surcroît, une sorte d'union sacrée syndicale s'est formée. Dès la mi-décembre 1983, les organisations de défense de la profession ont élaboré une plate-forme revendicative commune. Et en mars 1984, l'ensemble des Fédérations a appelé “à tout mettre en œuvre pour faire échec, puits par puits, service par service, aux décisions de récession du gouvernement et des Charbonnages".

La journée d'action organisée le 15 novembre 1984, à l'occasion de la discussion du budget de l'énergie à l'Assemblée, illustre cette unité. CGT, CFDT, CFTC, FO et CGC sont mobilisées, ici sur le site de la fosse 9 de l'Escarpelle, à Roost-Warendin, lieu emblématique des mobilisations du moment. Les syndicats “exigent” le raval de cette fosse, soit l'approfondissement du puits. Ils s'attachent, particulièrement depuis que la gauche est au pouvoir, à démontrer que le charbon existe, que son exploitation en France est possible, alors même que les importations d'énergie croissent. La lutte est donc menée, comme le rappelle le représentant CGT au nom de l'intersyndicale, contre l'application du plan de Michel Hug, le directeur général des Charbonnages, qui prévoit 30 000 suppressions d'emplois entre 1984 et 1988, le bassin du Nord-Pas-de-Calais étant le plus touché.

Concernés au premier chef par les problèmes économiques et sociaux soulevés par la disparition d'une activité longtemps motrice, des élus locaux et régionaux soutiennent l'action syndicale. C'est particulièrement le cas des communistes, sans doute d'autant plus enclins à rejoindre la protestation que les ministres communistes ne sont plus au gouvernement depuis juillet 1984. Comme le montrent les images, des figures à la fois régionales et nationales du PCF, tels les députés Alain Bocquet et Georges Hage, se déplacent à la rencontre des syndicalistes.

D'autres mobilisations ont lieu au même endroit dans les mois qui suivent. Ainsi en avril 1985, cette fosse 9 de l'Escarpelle est occupée pour réclamer “la sauvegarde du bassin du Douaisis” (2). En dépit de ces luttes menées dans une large unité, la fermeture a lieu le 26 octobre 1990. Elle est la dernière à être arrêtée dans le Nord et l'avant-dernière dans la région. La municipalité de Roost-Warendin a préservé le chevalement de la démolition, "en reconnaissance et en hommage aux mineurs, aux souffrances endurées pour ce métier qu'ils ont tant aimé. Il est le symbole d'une formidable épopée humaine” (3).

(1) Diana Cooper-Richet, Le peuple de la nuit. Mines et mineurs en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Perrin, 2002, p. 324.

(2) Jean-Claude Poitou, Nous les mineurs, Paris, Messidor, 1989, p. 197.

(3) Cité sur le site de la commune de Roost-Warendin (Pas-de-Calais)

Stéphane Sirot

Transcription

Michel Barre
Le mouvement d’action organisé par l’intersyndicale des mineurs CGT, CFTC, CFDT, FO et CGC à l’occasion de la discussion du budget de l’énergie à l’Assemblée Nationale s’est concentré cet après-midi sur le siège 9 de l’Escarpelle. Arrêt de la production et rassemblement auquel les syndicats avaient convié les élus du Douaisis. L’enjeu, c’est la décision d’effectuer le raval, l’approfondissement du puit, pour exploiter les veines situées à 640 mètres de profondeur. Ce raval permettrait de conserver 1100 emplois pendant environ 10 ans. Une liaison directe au fond avec le siège 10 d’Oignies rentabiliserait par ailleurs le lavoir et renforcerait le point d’encrage qui est actuellement la concentration d’Oignies. Coût de l’investissement, 140 millions de francs sur 6 ans, mais dans la région, l’unanimité semble s’être faite pour que ces travaux soient réalisés.
Charles Boulanger
Tout concorde, tout le monde est d’accord pour ce raval, aussi bien de tous les côtés mais on ne sait pas où que ça bloque l’argent. Il nous faut absolument ce raval car c’est la condamnation du Douaisis, de tout le Douaisis et également Oignies ne peut pas vivre sans nous et c’est à Arenberg également. C’est le plan de Hug qui serait appliqué pour 88 !
Michel Barre
Les élus communistes qui ont rencontré l’intersyndical cet après-midi ont souligné l’urgence qu’il y avait à prendre cette décision, car pour eux, l’avenir de la fosse 9 n’est pas isolé de celui de l’ensemble du bassin. D’autre part, le Conseil Régional a proposé de participer au préfinancement de ce projet, remboursable par la suite, car le charbon maigre d’Oignies et de l’Escarpelle, destiné principalement aux foyers domestiques et aux chaufferies collectives a une valeur marchande plus intéressante que les autres qualités.
Charles Boulanger
La question financière ne se pose pas, c’est une question politique. La question financière, tout le monde est prêt à prêter l’argent, aussi bien la Région, tout le monde veut prêter l’argent et c’est là que, ça bloque quelque part, il y a quelqu’un. C’est une question politique, ça bloque et il faudra bien qu’on le fasse débloquer. Il y a quelqu’un qui tient dans son tiroir le raval de la fosse 9 ! Il faut absolument le faire débloquer !
Michel Barre
Il est vrai que cette année, le siège 10 d’Oignies a fait de gros investissements pour assurer l’avenir des deux fosses, du 9 d’Oignies et du 24 d’Estevelles. Près de 14 kilomètres de galeries ont été creusées cette année, il en est prévu autant en moins en 85 et en 86. Sur le seul siège d’Oignies, 500 ouvriers sont occupés dans les 21 chantiers de creusement et la liaison 9 d’Oignies et 24 d’Estevelles a été terminée l’été dernier. Oignies a produit 75000 Tonnes de charbon le mois dernier et l’Escarpelle, 28000 Tonnes. La concentration des deux, pensent tous les syndicats, est seule capable d’assurer la survie de l’ensemble et des milliers d’emplois qu’ils assurent tant au fond que dans les lavoirs et à l’usine d’agglomération.